DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE 350 Convention de Genève IV pourraient servir d
DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE 350 Convention de Genève IV pourraient servir de modèle à bien des égards. Cela étant, et indépendamment de l’existence d’obstacles juridiques, étendre, comme tel, le champ d’application de cette Convention aux conflits armés non internationaux ne nous paraît pas souhaitable. En effet, nous avons dit qu’elle renfermait des dispositions extrêmement détaillées que les Etats, eux- mêmes, n’étaient pas toujours à même d’appliquer dans les conflits armés internationaux contemporains. A l’évidence, tel sera également le cas de groupements rebelles ou insurgés qui, rappelons-le, peuvent être peu structurés et posséder des capacités limitées. Méfions-nous donc d’approches trop simplistes fondées sur une suppression pure et simple de la distinction entre conflits armés internationaux et non internationaux. Imposer à ces groupements des obligations trop rigoureuses qu’ils ne peuvent respecter conduirait à des violations systématiques du droit humanitaire et, in fine, à discréditer ce droit. N’oublions pas non plus que ces groupements sont très diversifiés, certains étant plus aptes que d’autres à tenir respecter de telles prescriptions. C’est pourquoi il serait plus raisonnable de retenir une approche flexible fondée, d’une part, sur le socle minimal garantit par l’article 5 du 2ème Protocole additionnel et, d’autre part, sur des dispositions inspirées de la Convention IV (et, le cas échéant, des droits de l’homme) que les parties en conflit s’engageraient à respecter par accords spécifiques. En résumé - S’agissant des prisonniers de guerre : i) Le critère décisif pour déterminer si un combattant régulier jouit du statut de prisonnier de guerre est son appartenance aux forces armées dont il relève ; le respect des autres conditions prescrites par l’article 4 de la Convention de Genève III, paragraphe A), alinéa 2) – à savoir : avoir à leur tête une personne responsable pour la conduite de ses subordonnés ; arborer un signe distinctif et reconnaissable à distance ; porter ouvertement les armes ; et se conformer, dans leurs opérations, aux lois et coutumes de la guerre – étant présumé ; quant aux forces irrégulières, elles ne peuvent être assimilées ipso facto à celles régulières et supposées remplir de telles conditions ; ii) s’ils ne se conforment pas à l’obligation qui leur incombe de se distinguer des populations civiles, les combattants, réguliers comme irréguliers, n’ont pas droit au statut de prisonnier de guerre ; iii) selon la coutume et les usages en vigueur, les membres de forces régulières revêtent généralement l’uniforme comme signe distinctif ; déclarations d’Etats parties aux Conventions de Genève de 1949 (A. AESCHLIMANN, « Protection of detainees: ICRC action behind bars », op. cit., pp. 87-88). Extrait de l'ouvrage Droit international humanitaire. Manuel - Thèmes choisis. de Jean D'Aspremont et Jérôme de Hemptinne © éditions A.Pedone EAN 978-2-233-00659-2 www.pedone.info LES PRISONNIERS DE GUERRE ET LES INTERNÉS CIVILS 351 pareil uniforme n’est pas toujours visible dans la mesure où il est souvent de camouflage ; iv) les membres des forces irrégulières adoptent leur propre signe distinctif en fonction de leurs besoins et de leur capacité ; toutefois, selon la Convention de Genève III, ces signes doivent être reconnaissables à l’œil nu et fixes ; v) sans se fondre dans la population civile, les forces irrégulières ne peuvent généralement pas gagner la lutte qu’elles mènent contre l’adversaire souvent bien plus sophistiqué, entraîné et armé qu’elles ; l’exigence de clandestinité prend un relief singulier dans les conflits armés contemporains caractérisés par une forte asymétrie entre les armées en présence ; vi) tenant compte du fait que les forces irrégulières doivent pouvoir agir dans une certaine clandestinité, le 1er Protocole additionnel a allégé l’obligation de distinction ; cet allégement suscite cependant de vives controverses et de nombreux problèmes d’interprétation ; vii) certains civils accompagnants les forces armées – dont les correspondants de guerre – peuvent, dans certaines conditions, bénéficier du statut de prisonnier de guerre ; viii) les espions n’ont, en principe, pas droit au statut de prisonnier de guerre s’ils opèrent en civil (ou en portant l’uniforme de l’adversaire) et sont pris sur le fait en territoire ennemi ; ix) les mercenaires, comme les agents de sociétés privées, n’ont, en principe, pas droit au statut de prisonnier de guerre ; x) les prisonniers de guerre peuvent être internés jusqu’à la fin des hostilités actives sans aucun motif individuel ni aucune procédure particulière ; xi) partant du principe que les combattants ennemis ne sont privés de liberté que pour les empêcher de participer aux hostilités et non pour les punir, la Convention de Genève III organise un régime d’internement strict visant à réaliser un équilibre délicat entre deux paramètres : d’une part, le traitement humain de prisonniers de guerre particulièrement vulnérables, par l’affirmation de garanties détaillées ; d’autre part, la sécurité de la puissance détentrice par la neutralisation de ces personnes ; xii) le régime de détention des prisonniers de guerre a été conçu en 1949 pour éviter que le traitement effroyable qu’ils avaient subis durant la seconde guerre mondiale se reproduise dans d’autres conflits ; aussi progressiste ce régime soit-il, il convient de se demander s’il est réellement adapté à la réalité des conflits armés internationaux contemporains ; Extrait de l'ouvrage Droit international humanitaire. Manuel - Thèmes choisis. de Jean D'Aspremont et Jérôme de Hemptinne © éditions A.Pedone EAN 978-2-233-00659-2 www.pedone.info DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE 352 - S’agissant des internés civils : i) en principe, toute personne qui ne relève pas des personnes protégées par les conventions de Genève I, II et III ni n’est ressortissante de l’Etat capteur (ou d’Etats neutres ou cobelligérants) doit bénéficier de la protection de la Convention de Genève IV ; ii) la Convention de Genève IV précise que des civils ne peuvent être privés de liberté que « si la sécurité de la Puissance au pouvoir de laquelle ces personnes se trouvent le rend absolument nécessaire » ou – en territoire occupé – pour « d’impérieuses raisons de sécurité » ; la jurisprudence internationale ne définit pas les contours de ces notions de façon générale et abstraite, mais au cas par cas ; pour être légale, la privation de liberté doit également respecter certaines conditions d’ordre procédural ; iii) la Convention IV établit un équilibre entre, d’une part, l’obligation de traiter, de façon aussi humaine que possible, les internés civils et, d’autre part, la nécessité de les empêcher de nuire à l’ennemi ; ce faisant, les internés civils bénéficient de certaines garanties similaires à celles offertes aux prisonniers de guerre en matière, par exemple, de logement, d’alimentation, d’habillement, d’hygiène, de soins médicaux, d’exercice de la religion et du culte, d’activités intellectuelles, éducatives, récréatives et sportives et de relations extérieures ; toutefois plusieurs distinctions notables existent entre le traitement de ces deux catégories de prisonniers résultant de leur différence de statut ; - S’agissant des conflits armés non internationaux : i) le droit relatif aux conflits armés non internationaux ne précise pas les conditions susceptibles de justifier un internement administratif ni ne fixe précisément les garanties dont bénéficient les personnes détenues sous ce régime ; ii) le CICR et une partie de la doctrine admettent que des individus puissent être détenus, dans le cadre de conflits armés non internationaux, en cas d’« impérieuses raisons de sécurité» ; pour être légale, la privation de liberté doit également être encadrée par une procédure spécifique que ne précise pas le droit humanitaire ; et iii) l’article 5 du 2ème Protocole additionnel fixe, de façon générale, les conditions de détention des personnes privées de liberté, internées ou détenues ; ces conditions pourraient être précisées, voire renforcées, à la lumière de celles figurant dans la Convention de Genève IV ; il convient toutefois de garder une certaine flexibilité en la matière compte tenu de la diversité des groupements armés Extrait de l'ouvrage Droit international humanitaire. Manuel - Thèmes choisis. de Jean D'Aspremont et Jérôme de Hemptinne © éditions A.Pedone EAN 978-2-233-00659-2 www.pedone.info LES PRISONNIERS DE GUERRE ET LES INTERNÉS CIVILS 353 opérant dans les conflits armés non internationaux et des capacités limitées de certains d’entre eux. Bibliographie AESCHLIMANN, A., « Protection of detainees: ICRC action behind bars », Revue internationale de la Croix-Rouge, 2005, pp. 83-122 ; ALDRICH, G., « The Taliban, Al Qaeda, and the Determination of Illegal Combattants », American Journal of International Law, 2002, pp. 891-898 ; BALGUY-GALLOIS, A., « Protection des journalistes et des médias en période de conflit armé », Revue internationale de la Croix- Rouge, 2004, p. 37-67 ; CASALIN, D., « Taking prisoners: reviewing the international humanitarian law grounds for deprivation of liberty by armed groups », Revue internationale de la Croix-Rouge, 2011, pp. 1-15 ; CASSESE, A., « Should Rebels be Treated as Criminals? », in A. CASSESE (dir.), The Future of International Law – For a Realistic Utopia, Oxford, OUP, 2012, pp. 519 et suiv. ; CUVELIER, B., « Le régime juridique des prisonniers de guerre », Etudes internationales, 1992, p. 773-796 ; DETTER, I., The Law of War, Cambridge, CUP, 2000 ; DINSTEIN, Y., « Prisonners of War », Encyclopedia of Public International Law, Elsevier, 1997, pp. 1113 et suiv. ; DORMANN, K., « The legal situation uploads/S4/ droit-international-humanitaire.pdf
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- Publié le Sep 03, 2021
- Catégorie Law / Droit
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