Cours de droit judiciaire privé L3 - 17/08/2015 INTRODUCTION Pour introduire la

Cours de droit judiciaire privé L3 - 17/08/2015 INTRODUCTION Pour introduire la matière, et mieux sonder ses richesses et son intérêt partons d’une question simple. Qu’est ce que la procédure ? Qu’est ce que le droit judiciaire privé ? Qu’est-ce que la procédure ? Et quelles sont ses caractéristiques ? C’est la première question qui sera envisagée… Ce sera l’occasion de mieux distinguer les termes de procédure civile, de droit judiciaire privé, et de droit processuel. Envisager la procédure suppose enfin dans une approche introductive de s’interroger sur ses sources… et sur ses lignes d’évolution actuelles, soit sur sa physionomie actuelle et ce vers quoi elle tend dans une approche plus dynamique. Section 1 : Procédure civile, droit judiciaire, et droit processuel : approche notionnelle de la procédure Savoir de quoi l’on parle, suppose de s’arrêter un instant sur le terme de procédure. Il est issu de celui très parlant de « procedere » : soit en latin, avancer, aller de l’avant…. Ou aboutir ! Cette étymologie aide à mieux cerner la procédure, le droit judiciaire. § 1 - La définition de la procédure civile. L’étymologie traduit un double sens de la procédure. Un droit qui permet d’aller de l’avant un processus, d’une part, un droit qui permet d’aboutir, de sanctionner les droits substantiels d’autre part. 1. Un processus Avancer…. Cela inclut un mouvement une marche à suivre. Un processus… qui va de la demande en justice jusqu’au jugement, en y incluant son exécution. - Soit la démarche à suivre du plaideur, pour accéder au juge, c’est toute la question de l’accès au juge et même, sous l’influence de la CEDH, on dit aujourd’hui du droit au juge… Un droit d’action, devant quel juge ? Y a-t-il un recours ouvert ? Comment faire exécuter la décision rendue ? La procédure le procès suppose un organe juridictionnel, le juge et débouche sur un acte juridictionnel le jugement. La procédure renvoie alors à l’ensemble des règles relatives à l’organisation juridictionnelle, à la compétence juridictionnelle et aux procédures juridictionnelles. - C’est aussi, plus prosaïquement, et c’est sans doute ce qui vous est venu à l’esprit, la démarche suivie pour saisir le juge, puis celle suivie par le juge par le tribunal, celle qu’il doit respecter pour rendre un procès conforme aux garanties du procès équitable… Ce processus peut dès lors revêtir une certaine durée, voire certaines lenteurs ; sachant que la précipitation ne doit pas non plus être de mise et n’est sans doute pas la meilleure garante des droits du justiciable… La procédure revêt alors cette double dimension : elle renvoie alors à un droit fondamental, l’accès à la justice, et aussi, à une série de formalités qu’implique l’action en justice comme tout recours – qu’il soit ou non juridictionnel (les recours administratifs gracieux, hiérarchiques relèvent aussi d’un certain formalisme). Ce formalisme ne doit d’ailleurs pas nécessairement être vu sous un angle péjoratif si l’on a à l’esprit que la forme est la sœur jumelle de la liberté ! Elle renvoie enfin à la démarche propre du juge lorsqu’il tranche un litige. 2. Un droit sanctionnateur Mais mener à bien aboutir, cela montre aussi, et c’est le second aspect, que la procédure est un droit réalisateur qui permet de mener à bien l’exercice des droits (droit de propriété, droit de créance, droit de la personnalité) y compris en cas de résistance du sujet passif du droit substantiel. La procédure c’est la réalisation contentieuse des droits. L’action en justice c’est l’aboutissement des droits, la manière d’en obtenir l’exécution forcée. Le procès c’est la sanction (on dit parfois la rançon) des droits : et ce à un double titre que la jurisprudence de la CEDH a mis en lumière… - La CEDH n’est pas insensible à cette dimension, puisqu’elle a dégagé le droit au juge (l’accès au juge) dans un arrêt Golder du 21 février 1975, comme la manière d’assurer la protection 1 Cours de droit judiciaire privé L3 - 17/08/2015 effective des droits (substantiels) garantis par la Convention européenne des droits de l’homme, en soulignant que sans ce droit au juge, ces droits fondamentaux resteraient lettre morte - théorique - et que donc le droit au juge en était le complément indissociable, implicitement mais nécessairement associé. -La Cour européenne des droits l’homme a ensuite consacré pleinement cette dimension de la procédure civile, puisque depuis un arrêt du 17 mars 1997 Hornsby c. Grèce, elle affirme que l’exécution du jugement fait partie intégrante du procès, faute de quoi le droit au juge serait illusoire. Ainsi, l’exécution du jugement en vertu de cet arrêt est comprise dans le délai raisonnable1, et l’absence d’exécution dans les délais requis engage la responsabilité de l’Etat, de même que le caractère excessif de la durée d’exécution. L’exécution du jugement relève ainsi des exigences de l’article 6§1 de la CEDH et des garanties du droit au juge et du procès équitable pour assurer une protection effective des droits fondamentaux consacrés par la Convention européenne des droits de l’homme (dont par exemple le droit de propriété, le droit de la protection de la vie privé du domicile et de la vie familiale…), et s’apprécie selon les mêmes critères que la durée de la procédure2. On reconnaît là le souci d’effectivité et le pragmatisme de la CEDH. Et le législateur n’est pas insensible à cette dimension comme en témoigne l’intitulé d’une loi toute récente : la toute récente du 22 décembre 2010 n° 2010-1609, relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires… - Cette idée se traduit de manière imagée par une formule : la procédure est au service des droits substantiels – dits déterminateurs, selon la formule empruntée à Oudot et à Roger Nerson - c’est un droit serviteur ou sanctionnateur. Au service des droits substantiels, de la justice, des justiciables, puisqu’il en assure la sanction effective … La procédure donc n’est pas sans lien avec le fond du droit : elle en est solidaire tout en étant indépendante de celui-ci… On ne fait pas de la procédure dans l’abstrait pour son seul plaisir mais pour défendre un droit substantiel…Admettre sans réserve l’accès à la preuve génétique dont la fiabilité est aujourd’hui quasi irréfutable, peut conduire à terme à menacer la filiation par la possession d’état. Ainsi un arrêt récent est il venu rappeler que si l’expertise est de droit en matière de filiation (Civ. 1, 8 mars 2000, Bull. I n° 103) il n’en va pas de même lorsqu’il est question de possession d’état (Civ. 1, 16 juin 2011, n° 08-20475, JCP 2011 1397 p. 2495, En matière de constatation de possession d'état, il ne peut y avoir lieu à prescription d'une expertise biologique). Ainsi si l’expertise est la reine des preuves elle ne saurait contredire une possession d’état. Il y a des droits déterminateurs qui fixent les règles de conduite sociale, et qui en définissant les droits et obligations de chacun, définissent les droits subjectifs (les droits substantiels le droit civil, commercial, social), et des droits sanctionnateurs (le droit de la procédure civile, mais l’on pourrait appliquer la distinction tout aussi bien à la matière pénale)… La procédure commerciale doit ainsi être au service du droit commercial, rapide simple et souple, sûre ; la procédure prud’homale pour favoriser la conciliation doit promouvoir la comparution et le dialogue. 1 CEDH 3 février 2009, Proc. 2009 n° 81, Même lorsqu’une procédure est régie par le principe dispositif qui consiste à donner aux parties de pouvoirs d’initiative et d’impulsion, il incombe aux Etats contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable. 2 CEDH 9 juin 2009, Procédures 2009 n° 229. 2 Cours de droit judiciaire privé L3 - 17/08/2015 La seule fonction des droits de la seconde catégorie est d’assurer la sanction des règles des droits déterminateurs… L’action est un droit subjectif processuel3 qui s’ajoute au droit subjectif substantiel (Motulsky)… Et le droit judiciaire ne peut être correctement appliqué et maîtrisé dans l’ignorance des droits substantiels en cause… D’où son enseignement plus tardif. Il y a une intime association entre le fond et la procédure d’où l’étude en M2 du contentieux familial, contentieux des affaires…. C’est sur ce double aspect de la procédure que l’on insistera cette année plus que sur l’aspect institutionnel de la justice et de ses institutions vu en 1° année (organisation judiciaire)… L’importance de la procédure n’est plus à démontrer : elle est d’ailleurs intégrée désormais à part entière dans les programmes des examens des professions judiciaires l’ENM ou l’EFB tant il est vain de considérer que de bons magistrats peuvent se contenter de bien maîtriser le droit substantiel civil ou pénal … § 2 - Les caractères de la procédure civile Trois caractères permettent de la distinguer : la matière renvoie à un droit très largement impératif et formaliste dont l’unité n’est qu’apparente… C’est aussi un droit hétérogène uploads/S4/ droit-judiciaire-prive 2 .pdf

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  • Publié le Sep 21, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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