Le droit d’accès à la culture : identification et signification d’un concept ju

Le droit d’accès à la culture : identification et signification d’un concept juridique dans les systèmes français et britannique Anatole Baboukhian Master 2 Recherche Droit Public Comparé Européen Université Paris 1 Panthéon - La Sorbonne Promotion Kelsen 2009-2010 Mémoire dirigé par Monsieur le Professeur Otto Pfersmann 2 Je tiens d’abord à adresser mes profonds remerciements à Monsieur le Professeur Otto Pfersmann, tant pour ses conseils éclairés lors de cette recherche que pour la richesse de son enseignement. Je tiens par ailleurs à exprimer toute ma gratitude envers le Dr. Tatiana Flessas, de la London School Of Economics, et le Dr. Hye-Kyung Lee, du King’s College Of London, qui m’ont si gentiment autorisé à suivre leur enseignement. Mes remerciements vont enfin à ma famille et mes amis pour leur soutien infaillible, et tout particulièrement à Sébastien Justum pour ses conseils avisés et sa très précieuse relecture. 3 SOMMAIRE INTRODUCTION....................................................................................................... 5 PARTIE I - L’IDENTIFICATION DU CONCEPT : LE NIVEAU DE PROTECTION DU DROIT D’ACCES LA CULTURE....................................... 22 Chapitre 1 – L’identification d’un droit fondamental d’accès à la culture dans les systèmes français et britannique...................................................................................... 23 Section 1 – Le rapport entre droit social fondamental et ordre juridique ....................... 24 Section 2 - L’identification impossible d’un droit fondamental d’accès à la culture dans les systèmes étudiés ........................................................................................................ 31 Chapitre 2 – L’identification d’une représentation concrète du concept de droit d’accès à la culture au niveau législatif ........................................................................... 45 Section 1 – Les garanties législatives d’un droit général d’accès à la culture : tentative d’identification d’une liberté publique............................................................................ 46 Section 2 - Les garanties législatives d’un droit spécialisé d’accès à la culture : le cas de l’accès gratuit aux musées nationaux.............................................................................. 54 Conclusion de la partie I................................................................................................... 62 PARTIE II – LA SIGNIFICATION DU CONCEPT : LA REPARTITION DES COMPETENCES EN MATIERE D’ACCES A LA CULTURE ......................... 64 Chapitre 1 – Les obligations relatives à la répartition verticale des compétences : la question de la décentralisation en matière d’accès à la culture .................................... 66 Section 1 – La structure générale de répartition verticale des compétences et les possibilités d’organisation de l’accès à la culture........................................................... 66 Section 2 – Le degré de décentralisation des compétences en matière d’accès à la culture ......................................................................................................................................... 74 Chapitre 2 – Les obligations relatives à la répartition horizontale des compétences : la question de la nature des organes en charge de l’accès à la culture............................. 87 Section 1 – Le concept des compétences exclusives de l’ « État » et l’accès à la culture ......................................................................................................................................... 89 Section 2 – L’accès à la culture, une compétence partagée : la question de l’encadrement du processus de contractualisation.................................................................................. 98 Conclusion de la Partie II ............................................................................................... 105 CONCLUSION FINALE ....................................................................................... 107 BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................. 111 4 5 « Le plus grand dérèglement de l’esprit, c’est de croire les choses parce qu’on veut qu’elles soient, et non parce qu’on a vu qu’elles sont en effet » Jacques-Bénigne Bossuet1 « Real rights are always spoken of in a legal sense; natural rights are often spoken of in a sense that may be called anti- legal. When it is said, for example, that law cannot avail against natural rights, the word rights is employed in a sense above the law; for, in this use of it, we acknowledge rights which attack the law; which overturn it, which annul it. In this anti-legal sense, the word right is the greatest enemy of reason, and the most terrible destroyer of governments » Jeremy Bentham2 INTRODUCTION Toute étude juridique portant sur l’existence d’un « droit à quelque chose » nécessite quelques précautions liminaires. Le défi à relever est d’étudier des phénomènes et de tirer des conclusions sur les rapports qui existent entre eux, tout en évitant l’écueil de la revendication idéologique. Or, comme nous allons le voir tout au long de cette étude avec certaines argumentations avancées par une partie significative de la doctrine, dès lors qu’il s’agit d’étudier l’existence d’une norme qui obligerait un organe créateur de normes d’intervenir dans un domaine déterminé, la tentation idéologique et revendicatrice devient très forte. En dépit de l’intérêt certain que peut avoir une étude politique et/ou sociologique sur l’accès à la culture, l’approche adoptée sera ici concentrée strictement sur le rapport de normes juridiques qui le garantissent et l’organisent. 1 Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même, Libraire de L. Hachette et Cie, 1863 (1741), p.36 2 Theory of Legislation, éd. Trübner & Co., 1864, p. 85 6 Définition du concept de culture Il n’est en revanche pas vain de présenter brièvement certaines données extra- juridiques afin de situer le contexte dans lequel se trouvent les deux ordres juridiques étudiés ici. De nombreuses interrogations planent d’abord sur la définition du concept de culture, la détermination d’une définition objective et définitive semble être à cet égard un dessein bien chimérique. Ce concept pose une difficulté majeure : la signification de son objet. Quelle signification peut-on attribuer au concept de culture ? Le risque de définition auto-identificatrice est non négligeable, considération faite que « les faits ne contribuent qu’à définir le problème, non sa solution »3. Ainsi, toute définition qui reconnaitrait l’objet culture comme un ensemble de valeurs d’une société donnée ne nous dirait rien d’autre que l’objet A serait aussi l’objet B, sans nous expliquer davantage en quoi A signifierait B. Il convient pourtant d’évoquer quelques données de théories sociologiques sur ce point afin de « contextualiser » la définition juridique du concept que nous proposerons. Les travaux relatifs à la détermination de ce concept sont fort nombreux. Le Professeur O’ Keefe a par exemple dégagé trois sens distincts que l’on peut attribuer à ce concept : (1) « « culture » au sens éminemment classique, signifiait les canons traditionnels de l’art, la littérature, la musique, le théâtre, l’architecture, etc… ; (2) « culture » au sens plus pluraliste, signifiant tous les produits et les manifestations d’efforts créatifs et expressifs, une définition qui n’inclut pas seulement la « haute » culture mais aussi davantage de phénomènes de masse tels que les radios et les télévisions commerciales, la presse populaire, musique contemporaine et populaire, l’artisanat, les sports organisés ; et (3) « culture » au sens anthropologique, signifiant pas seulement les produits ou les artefacts de créativité and d’expression (tels qu’envisagés dans les deux premières définitions », mais, plutôt, un fondement de société et un modèle caractéristique de pensée – son 3 Ludwig WITTGENSTEIN, Tractatus Logico-Philosophicus, 1922, clause 6.4321 7 « mode de vie » - desquels celles-ci et toutes les manifestations sociales se mettent en œuvre » 4 Les travaux du sociologue Raymond Williams sont souvent cités à cet égard5, celui-ci a dégagé deux sens du concept de culture : le « sens commun » et le « sens artistique ». Le sens commun du concept serait le « mode de vie global »6, alors que le sens artistique serait l’ensemble « des procédés spéciaux de découvertes et d’efforts créatifs »7. Au regard de cette deuxième proposition, la culture pourrait être définie, en d’autres termes, par l’exercice ritualisé de représentations fictionnelles d’une société déterminée. Une telle définition n’est certainement pas exempte de lacunes, la signification d’un « exercice ritualisé » laissant toujours une place conséquente à l’indétermination. Or, dans une perspective de délimitation de notre champ d’analyse à l’étude de phénomènes juridiques observables, nous serons contraints de définir ce concept à partir, d’une part, du « sens artistique » qui est plus restreint que le « sens commun », et, d’autre part, des activités qui en découlent, étant des éléments empiriquement observables. Ce choix est fait pour les besoins de cette étude, en dépit de son caractère certainement arbitraire. Nous entendrons dès lors comme relevant du champ du concept de culture, les activités liées à la production et l’exposition de représentations fictionnelles d’une société déterminée. Sont ainsi compris dans ce champ, à titre non exhaustif, les activités muséales, les activités de représentations théâtrales, cinématographiques ou encore musicales. Contexte La relation « État/culture », souvent évoquée en sciences sociales, repose essentiellement sur des théories de l’intervention de l’autorité étatique dans un domaine déterminé. Ainsi, dans un système reposant sur une conception libérale de répartition des « pouvoirs », deux théories majeures s’opposent, et c’est très 4 Roger O’KEEFE, « The "right to take part in cultural life" under Article 15 of the ICESCR », International & Comparative Law Quaterly, 1998, 47(4), p. 905 5Raymond WILLIAMS, « Moving from High Culture to Ordinary Culture », originally published in N. McKenzie (ed.), Convictions, 1958 6 « the whole way of life » 7 « the special processes of discovery and creative effort » 8 certainement cette opposition qui distingue ab initio les systèmes français et britanniques sur le plan économico-politique. Le libéralisme économique classique, d’une part, qui se fonde sur une conception individualiste des rapports humains dans une société déterminée, admet néanmoins que le souverain doit remplir trois « devoirs », dont les deux premiers sont relativement délimitables : assurer la défense du territoire et rendre la justice. En revanche, le troisième est plus indéterminé, uploads/S4/ le-droit-de-acce-s-a-la-culture-identification-et-signification-d-x27-un-concept-juridique-dans-les-syste-mes-franc-ais-et-britannique.pdf

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  • Publié le Oct 24, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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