1 Ohadata D-22-22 LA RECEVABILITE DU POURVOI EN CASSATION DEVANT LA COUR COMMUN

1 Ohadata D-22-22 LA RECEVABILITE DU POURVOI EN CASSATION DEVANT LA COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE Par Cossi Dorothé SOSSA LL.M., LLD. (Ottawa) Agrégé des Facultés de droit Professeur titulaire émérite des Universités en droit privé Ancien Ministre, ancien Doyen Ancien Secrétaire Permanent de l’OHADA Avocat, arbitre, médiateur Email : dorothe.sossa@gmail.com 2 INTRODUCTION En droit processuel, la recevabilité s’entend du caractère reconnu à une demande en justice qui mérite d’être prise en considération. C’est, en d’autres termes, la qualité que doit présenter la demande dont un plaideur saisit une juridiction pour que celle-ci puisse l’examiner au fond1. Le droit d’agir en justice suppose notamment, en effet, que le demandeur à l’action ait qualité et intérêt pour l’exercer. La qualité suppose la possession d’un titre ou d’un droit particulier, l’intérêt, d’abord légitime, pouvant être matériel, moral ou découler de la loi. Une distinction est faite ici entre la recevabilité et le fond en raison de la nécessité de statuer sur le premier avant d’aborder le second. On observe que, dans les divers systèmes juridiques internes, l’action en justice et sa mise en œuvre sont soumises à des conditions particulières, c’est-à-dire, les conditions de de recevabilité, à défaut desquelles la reconnaissance juridictionnelle de la demande est affectée, qu’il s'agisse d’un droit ou d’une obligation. Il en va aussi de même devant les juridictions internationales2. La conséquence du défaut de recevabilité est l’irrecevabilité conçue comme la « sanction de l’inobservation d’une prescription légale consistant à repousser sans l’examiner au fond une demande qui n’a pas été formulée en temps voulu ou qui ne remplit pas les conditions de forme ou de fond exigées »3. L’irrecevabilité peut être prononcée d’office ou résulter d’une « fin de non-recevoir », c’est-à-dire d’une exception de procédure rédhibitoire qui entraîne le rejet de l’action sans examen au fond en ce qu’elle tend à rejeter les demandes sans examen au fond et que la demande en justice est déclarée irrecevable, sans que le juge ne puisse valablement examiner le litige au fond. La partie qui soulève une fin de non-recevoir aura simplement à indiquer au juge que son adversaire ne satisfait pas aux conditions fixées par la loi pour pouvoir agir en justice4. Les arrêts d’irrecevabilité vont, soit constater, soit sanctionner l’irrégularité qui entache la demande que le requérant a introduite. Dans le recours en cassation, l’irrecevabilité est encourue de plein droit dès lors que les conditions de forme ou de fond prévues par la loi pour la régularité de la saisine de la Cour ne sont pas remplies. Le législateur de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) énonce ces conditions dans le Traité OHADA comme dans le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA)5. 1 Gérard CORNU (Association Henri Capitant), Vocabulaire juridique, 10e édition mise à jour, Paris, PUF, 2014, V° recevabilité ; Gérard Lemay, La demande en justice. Sa structure, son amendement, au siècle dernier et en 1960, Les Cahiers de droit, vol. 4, n° 3, 1961, pp. 75-113, https://doi.org/10.7202/1004142ar, p. 104. 2 Tafsir Malick NDIAYE, “Admissibility before the International Courts and Tribunals”, Journal of Law and Judicial System, Vol. 1, Issue 2, 2018, p. 21 ; v. aussi, pour le contentieux de droit international, entre autres, Cour Européenne des droits de l’homme, Guide pratique sur la recevabilité, Conseil de l’Europe, 2021, pp. 9 et s. ; Charles de Visscher. Aspects récents du droit procédural de la Cour internationale de justice, Paris, Pédone, 1966. 3 Serge GUINCHARD et Thierry DEBARD (sous la direction de), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 22e édition, 2014, v° irrecevabilité. 4 V., par exemple, Cass., Ch. Mixte 14 février 2003 ; pourvois n° 00-19.423 et n° 00-19.424, Bulletin 2003, Mixte n° 1, p. 1. 5 L’article 28 al. 6 du Règlement de procédure dispose : « si le recours n’est pas conforme aux conditions fixées au présent article, le juge rapporteur fixe au requérant un délai aux fins de régularisation du recours ou de production des pièces mentionnées ci-dessous. A défaut de cette régularisation ou de cette production dans un délai imparti, la Cour se prononce sur la recevabilité du recours ». V. le texte entier du Règlement de procédure de la Cour commune de justice et d’arbitrage du 18 avril 1996 tel que modifié par le Règlement N° 001/2014/ CM du 30 janvier 2014, in Journal officiel de l’OHADA, n° spécial du 4 février 204, pp. 228 et s. Ce règlement est 3 Le recours en cassation n’a pas fait l’objet d’une définition légale en droit OHADA. Mais il s’agit bien d’un recours contre une décision rendue en dernier ressort et tendant à la faire annuler, en tout ou partie, pour violation de la règle de droit6. Compte tenu des prérogatives qui lui sont conférées par l’article 14 du Traité de l’OHADA, la CCJA est, en effet, compétente pour assurer, en dernier ressort, l’application du droit des affaires communautaire. Le pourvoi en cassation devant la CCJA est ainsi une voie de recours extraordinaire qui consiste à faire contrôler la conformité aux règles de droit de la décision judiciaire attaquée. Comme pour toute juridiction de cassation, le système juridique de l’OHADA donne, par-là, à la Cour, la mission essentielle d’« unification du droit » même si celle-ci n’est pas la seule7. Elle est aussi chargée, en effet, de « garantir le respect dû à la volonté du législateur, pour refréner les ardeurs des juges du fond qui pourraient être hétérodoxes ou inopportunes, pour faire évoluer le droit s’il s’avère obsolète ou inadapté, pour imaginer des solutions si des questions nouvelles surgissent »8. Cette seconde mission pour laquelle la haute juridiction est « irremplaçable » et qui est celle de la modernisation du droit, de son adaptation « aux conditions sociales nouvelles et aux aspirations contemporaines » est, en fait, indissociable de la première9. La double mission d’unification et de modernisation du droit sont d’autant plus cardinales en ce qui concerne la CCJA, qu’elle est la juridiction communautaire d’une Organisation dont la mission est très précisément l’unification du droit des affaires des États membres. Comme on a pu le relever, « toute idée d’harmonisation du droit dans un espace donné serait vaine, sinon vidée de son sens, si on confiait aux différentes juridictions nationales de cassation le pouvoir d'interprétation, chaque juridiction pouvant avoir sa propre compréhension du droit harmonisé […] »10. En outre, le pouvoir d’évocation donné à la CCJA et qui fait d’elle en troisième degré de juridiction, en cas de cassation, se justifie par le souci de célérité dans la gestion du contentieux « en évitant la rébellion éventuelle des juridictions de renvoi »11. Comme nous venons de le relever ci-dessus, le pourvoi n’est ouvert que dans les cas définis par la loi. A cet égard, il y a lieu de souligner que cette matière trouve principalement son siège dans les articles 14 et 15 du Traité OHADA12 et 28 du Règlement de procédure CCJA tel que modifié le 30 janvier 201413. entré en vigueur le 4 février 2014. On peut aussi le consulter in Joseph ISSA-SAYEGH, Paul-Gérard POUGOUE et Filiga Michel SAWADOGO, OHADA. Traité et Actes uniformes commentés et annotés, JURISCOPE, édition 2018, pp. 81 et s. 6 Serge GUINCHARD, Frédérique FERRAND, Cécile CHAINAIS, Procédure civile. Droit interne et droit communautaire, Paris, Dalloz (Collection Précis Dalloz, sous-collection droit privé), 29e édition 2008, n°s 1787 et s. 7 Dominique FOUSSARD, « La Cour de cassation française et l’unification du droit », https://biblioteca.cejamericas.org, 2015, p. 3. 8 Ibid. 9 André TUNC, « Conclusions : La Cour suprême idéale ». In : Revue internationale de droit comparé. Vol. 30 N°1, Janvier-mars 1978. La cour judiciaire suprême. Enquête comparative, p. 435 10 Maïnassara MAIDAGI, « La philosophie de l’article 14 du Traité de l’OHADA : la supranationalité de la CCJA et l’incompétence de principe des Cours suprêmes nationales dans les matières relavant du droit OHADA », ERSUMA, 2012, p. 3. 11 Idem., p. 15. 12 V. le texte du Traité OHADA et sa présentation in Joseph ISSA-SAYEGH, Paul-Gérard POUGOUE et Filiga Michel SAWADOGO, op. cit., pp. 19 et s. 13 Ibid., pp. 81 et s. 4 Nous allons examiner les conditions de recevabilité du pourvoi en cassation devant la CCJA en les divisant, par souci de clarté et d’exhaustivité, en conditions de forme (I) et en conditions de fond (II). La jurisprudence étant la radiographie de la vie juridique, le reflet de la réalité que les textes ne peuvent appréhender, la démarche empruntée dans la présente étude sera essentiellement casuistique. * I – LES CONDITIONS DE FORME DE LA RECEVABILITE DU POURVOI DEVANT LA CCJA Pour être recevable et produire son plein effet, l’acte de pourvoi devant la CCJA doit réunir un certain nombre de conditions touchant à sa forme. Il s’agit des conditions relatives à l’auteur du recours (A) ainsi que celles qui tiennent à la forme de la requête et au délai pour agir (B). A - Les conditions relatives à l’auteur du recours Peuvent former pourvoi devant la CCJA les personnes uploads/S4/ recevabilite-du-pourvoi-devant-la-ccja-du-prof-dorothe-sossa.pdf

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  • Publié le Fev 07, 2022
  • Catégorie Law / Droit
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