Exposé réalisé lors du 10e congrès annuel de l’Association régionale wallonne d
Exposé réalisé lors du 10e congrès annuel de l’Association régionale wallonne des Secrétaires de CPAS le 24 avril 2003 par Myriam BODART Directrice adjointe du Centre Droits fondamentaux & Lien social FUNDP Namur De l’état providence à l’état social actif. Impacts sur les droits et devoirs des CPAS et des usagers 1. Les missions des CPAS, reflet des conceptions relatives à la pauvreté La nouvelle appellation des CPAS prend place dans une suite de textes légaux et réglementaires applicables aux CPAS, soit qu’ils s’adressent spécifiquement à eux, soit qu’ils affectent leurs pratiques et missions. Ainsi, depuis les deux lois de base, la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d’existence et la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS, de nombreux textes sont venus compléter – et même grossir, diront certains avec un assez grand réalisme – les missions imparties aux CPAS. Avant d’aborder cette multiplication des missions des CPAS, il me semble important de situer l’action des CPAS dans le cadre global d’appréhension de la problématique de la pauvreté. En effet, l’intervention des CPAS s’inscrivant dans l’approche d’une thématique précise – la pauvreté –, il s’impose de clarifier la manière dont cette thématique est perçue pour comprendre à la fois le rôle qui est confié à ces institutions locales et à la fois les attentes exprimées vis-à-vis des citoyens bénéficiaires de l’aide apportée par la collectivité. Je suggère l’hypothèse suivant laquelle cette conception de la pauvreté a évolué depuis les années ’70, avec la conséquence d’assigner aux CPAS des missions nouvelles ou différentes. Pour vérifier cette hypothèse, je suis allée consulter les travaux préparatoires d’instruments juridiques clés de cette évolution, à savoir les lois précitées de 1974 et 1976, la loi du 12 janvier 1993 portant programme d’urgence pour une société plus solidaire et la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale. Les travaux préparatoires témoignent, en effet, des réflexions qui ont présidé à ces interventions législatives successives. Les lois du 7 août 1974 et du 8 juillet 1976 A deux ans d’intervalle, ces deux lois viennent instituer un objectif de dignité humaine et un véritable droit à l’aide sociale, là où existait jusqu’alors un traitement discrétionnaire de situations de pauvreté par les Commissions d’assistance publique. Cette volonté s’explique comme suit1. « Il faut bien constater que ni les nombreuses mesures prises en matière de sécurité sociale, avec les divers compléments dépassant le cadre de ces mesures classiques, ni la fiscalité n’apportent une solution globale et radicale aux situations connues ou cachées de misère, de pauvreté et de détresse qui subsistent à notre époque où dans une société d’abondance aux possibilités de plus en plus en vastes, il reste une foule de gens qui ne disposent pas d’un minimum de ressources, ces situations étant le plus souvent imputables précisément aux mutations rapides de la société. Cela signifie concrètement qu’il faut assurer à tout être humain les moyens ( par le droit à l’aide sociale ) de construire sa vie Le 24 avril 2003 1/14 1 Projet de loi instituant un revenu garanti à chacun, Proposition de loi instaurant un doit à l’aide sociale destiné à garantir un minimum socio-vital, Rapport, Doc. parl., Sénat, sess. extr. 1974, n° 247/2, p. 5, cité par I., DECHAMPS in I., DECHAMPS, M. van RUYMBEKE, L’aide sociale dans la dynamique du droit, Bruxelles, De Boeck, 1995, p. 77-78. selon ses goûts et aspirations personnels. Nous entendons remplacer la « bienfaisance légale » (C.A.P.) par le « droit légal » (à l’aide sociale), ce qui témoigne de notre respect et de notre haute idée de l’homme. Garantir à tout un chacun le droit à un revenu minimum est peut-être la réforme la plus noble et la plus profonde de notre législation sociale, parce qu’elle répond le mieux à un triple principe : 1. Celui de la dignité humaine, qui implique que tout homme doit d’abord être reconnu en fonction de sa valeur en tant que tel, c’est-à-dire comme être humain. 2. Celui de la solidarité, qui requiert la collaboration des classes les plus favorisées et de la société toute entière à la réalisation de la sécurité sociale et du mieux-être social pour tous. 3. Celui de la justice distributive, qui, dans le cadre d’une économie au service de l’homme, assure à chacun le minimum socio-vital nécessaire et lui permet une meilleure intégration sociale. Ce principe impose à l’autorité publique – responsable de la vie de la collectivité – le devoir de répartir les charges et avantages communs selon la dignité et les mérites de chacun. » Cet extrait nous renseigne de manière intéressante sur le constat de l’époque en matière de pauvreté (les insuffisances des solutions apportées via la sécurité sociale et la fiscalité), la cause majeure des situations de pauvreté (les mutations rapides de la société), le climat général de l’époque (une société d’abondance aux possibilités de plus en plus en vastes) le devoir de l’autorité publique (la responsabilité de la vie de la collectivité), le rôle de l’économie (au service de l’homme), les valeurs soulignées (impératif de dignité humaine qui implique de reconnaître chacun en fonction de sa valeur en tant qu’être humain) et l’objectif de la justice distributive (permettre à l’homme une meilleure intégration sociale). La lecture de ce seul texte pourrait faire croire qu’il n’y avait alors aucune attention apportée aux aspects purement individuels présents dans des situations de pauvreté ; il n’en est rien. Ces aspects sont relevés, comme causes immédiates, mais leur influence est pondérée par l’impact structurel du contexte économique, politique et social, comme l’indique un autre extrait2 des mêmes travaux préparatoires. « Parmi les causes immédiates des situations de misère, de pauvreté et de détresse, il faut citer principalement : la faiblesse des revenus, l’ignorance, la maladie et l’invalidité, un comportement déviationniste, l’alcoolisme, le nombre d’enfants, les handicaps, un degré peu élevé de scolarisation, le chômage, l’arriération, la vieillesse, le désordre familial. Il faut y ajouter d’autres causes, plus profondes encore : l’évolution de la société, les structures socio- économiques, la répartition inégale des revenus, l’impossibilité d’exercer une pression politique, l’insuffisance de la sécurité sociale et de la politique fiscale (…). Tout effort sérieux en vue d’éliminer la pauvreté se heurte à des structures sociales entièrement fondées sur l’inégalité, parce qu’il faut trouver des fonds pour les pauvres aux dépens des riches – ou de ceux qui, du moins, sont plus riches – mais aussi parce que les tentatives de cette nature mettent en péril un ordre de valeurs qui consacrent l’inégalité sociale et les privilèges existants. Tant que la société sera organisée sur une base résolument compétitive, il paraît inéluctable que l’échec de certains reste une réalité. » L’objectif d’intégration sociale apparaît déjà dans ces textes fondateurs des années ’70 mais les obstacles à cette intégration ne sont pas uniquement de nature individuelle puisque des Le 24 avril 2003 2/14 2 Projet de loi instituant un revenu garanti à chacun, Proposition de loi instaurant un doit à l’aide sociale destiné à garantir un minimum socio-vital, Rapport, Doc. parl., Sénat, op. cit., p. 5 et pp. 6-7, également cité par I., DECHAMPS, op. cit., pp. 79-80. facteurs plus structurels sont clairement mis en lumière. Parmi ceux-ci, les structures socio- économiques et l’organisation de la société sur une base compétitive sont expressément soulignées et même mises en cause («Tant que la société sera organisée sur une base résolument compétitive, il paraît inéluctable que l’échec de certains reste une réalité. »). A la lecture de ces textes, il semble que, dans l’ approche de la pauvreté, la part de responsabilité individuelle des personnes en situation de pauvreté s’atténue face à la responsabilité de l’organisation socio-économique. Relevons enfin que s’il est déjà ici question d’un objectif d’intégration sociale des personnes bénéficiaires de l’aide de la collectivité, il n’est pas question d’intégration professionnelle. Quant aux missions imparties aux CPAS, on insiste, dans les travaux préparatoires de la loi du 8 juillet 19763, sur la guidance et l’accompagnement humain, au-delà de la simple aide financière. « Au cours de ces dernières années, la sécurité sociale a encore été complétée par des systèmes de revenu garanti ou de minimum de moyens d’existence. Mais en dépit de la portée de ces systèmes à caractère général, une assistance spéciale fortement individualisée reste nécessaire ( …). Il faut remarquer, au surplus, que le bien-être croissant engendre à son tour de nouveaux problèmes sociaux, qui entraînent un glissement des besoins et sont essentiellement axés sur des aspects immatériels, humains ou moraux – en un mot psycho- sociaux - (…). Ce n’est pas par la relation classique entre l’ayant droit et l’infrastructure de normes législatives générales – comme par exemple en sécurité sociale – mais grâce à un véritable contact humain, une réelle guidance que l’on trouvera éventuellement une solution satisfaisante à ces problèmes. » En conséquence, trois secteurs d’intervention des CPAS sont relevés : l’assistance sociale comprenant l’aide matérielle et la guidance psycho-sociale, les activités médico-sociales et l’assistance médicale. La loi du 12 janvier 1993 portant uploads/S4/droits-et-devoirs-des-usagers-et-des-cpas.pdf
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- Publié le Aoû 23, 2022
- Catégorie Law / Droit
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