1 Les Logiciels libres en documentation Sébastien Thébault Université Bordeaux

1 Les Logiciels libres en documentation Sébastien Thébault Université Bordeaux 3 - Michel de Montaigne - IUT B, Bordeaux, 2004 Exporté de Wikisource le 28 décembre 2022 2 =I Quelles raisons d’adopter le logiciel libre ?= Définitions et situation récente Le logiciel Un logiciel peut se présenter sous deux formes différentes : un code source ou un exécutable. Un exécutable consiste en un fichier unique, qui lorsqu’on clique dessus lance l’application, à l’aide d’éventuelles bibliothèques logicielles extérieures. Le code source consiste en un ensemble de fichiers rédigés dans un des langages informatiques (il en existe 76 différents, du COBOL au C++), que le programmeur compile ensuite afin d’obtenir les fichiers en langage binaire. Le HTML est un langage de description de documents. Il existe diverses méthodes de programmation : nous y reviendrons plus tard. Toute erreur dans le code source peut se manifester sous forme de bogue dans l’exécutable. Ces bogues peuvent ne jamais se produire, ou aller jusqu’à empêcher le fonctionnement de l’application (plantage, ou même refus de se lancer). Pour corriger ces erreurs, il faut avoir accès 3 au code source, ce qui n’est en général possible qu’à l’auteur. Les licences libres ou open source En 1984, Richard Stallman fonde la fsf (Free Software Fondation, Fondation du logiciel libre), afin de soutenir la diffusion de logiciels à code source ouvert. Jusqu’alors, les logiciels étaient tous fermés, c’est-à-dire qu’ils n’étaient distribués que sous leur forme exécutable et que leur code source n’était accessible qu’à leurs auteurs ; on parle de logiciels propriétaires. Richard Stallman créa un nouveau type de licence, la GNU GPL (la GNU’s not Unix General Public License : Licence publique générale GNU, GNU n’est pas un Unix ; la seconde partie est un acronyme récursif, voir Annexe A pour sa traduction française) licence sous laquelle il publia divers programmes, autorisant tout utilisateur de ceux-ci à en inspecter le code source, à le modifier pour l’adapter à son usage, en supprimer les bogues, ou l’améliorer, à le copier et à le distribuer librement. Les seules conditions posées sont la publication de ces modifications, et la diffusion sous les mêmes conditions du code ainsi obtenu, avec une mention de la licence. Depuis 1984, de nombreuses licences de logiciel libre ont été créées, avec des particularités et des 4 restrictions plus ou moins grandes. Nathalie Cornée ayant listé les différentes licences, je n’en citerai que quelques unes à titre d’exemple. Ainsi la BSD (Berkeley Software License) est moins restrictive que la GNU GPL et autorise l’utilisateur à inclure le code sous licence BSD dans un logiciel propriétaire, ce qui a permis à Apple Computers d’utiliser des éléments du système d’exploitation libre Open BSD dans son propre OS (Operating system, système d’exploitation) propriétaire. Elle a ensuite à son tour publié les sources de la base de son OS, Darwin, et fait divers autres gestes envers la communauté du logiciel libre (notamment avec les améliorations apportées au navigateur Konqueror, dont elle a repris le moteur pour son navigateur Safari). De son coté, la NPL (Netscape Public License) autorise son auteur, la société Netscape, à inclure les améliorations apportées bénévolement aux logiciels serveurs qu’elle commercialise. Une nouvelle licence est apparue en France au mois de juin 2004, un collectif regroupant le CEA (Commissariat à l’énergie atomique), le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) a décidé de créer une licence de logiciels libres française, la CeCILL (CEA, CNRS, INRIA Logiciel libre). 5 La belle histoire du libre Le logiciel libre constitue un aspect complet dans l’industrie informatique. Il possède ses propres outils, principes de développement, et ses personnalités emblématiques. Du coté des principales réussites applicatives, on peut citer : les outils du programmeur gcc, créés par Richard Stallman ; Apache, le serveur web, de plus en plus présent (50 % des serveurs web en 1998, 70 % actuellement) ; le système d’exploitation Linux. Des méthodes de gestion de projet ont été inventées par des programmeurs de logiciel libre : il s’agit notamment des méthodes agiles. Leur inventeur est Ward Cunningham, également inventeur du wikiwikiweb. Ces méthodes sont tournées vers le client, qui est fortement impliqué dans le développement du projet. Elles mettent en place des projets flexibles, qui évoluent tout au long du projet en fonction des demandes. Ces demandes sont elles-mêmes provoquées par des livraisons fréquentes d’éléments de l’application : ainsi les utilisateurs finaux se découvrent de nouveaux besoins au fur et à mesure que des réponses à leurs demandes sont apportées. Enfin, la simplicité est un des principes des 6 méthodes agiles : équipes auto-organisées, réduction du code inutile (en réévaluant régulièrement le projet). Plus proches des besoins des documentalistes, les langages de programmation spécialisés dans la gestion de base de données SQL (Structured query language, langage d'interrogation structuré) et PHP (Personal Home Page, Page d’accueil personnelle) rencontrent le même succès qu’Apache ; à ce propos PHP est désormais un projet pris en charge par Apache Software foundation. Depuis quelques années, le mouvement du libre s’étend à d’autres domaines que le logiciel, et notamment à la connaissance : par des mises à disposition du public des travaux d’universitaires ; par la création d‘un format de description de documents : XML (thème abordé par Jérôme Bill dans son mémoire L’indexation XML des documents numérisés) ; par la création d’encyclopédies libres disponibles en ligne (Nupedia, Wikipedia) ; le mouvement est encadré juridiquement par une licence spécifique : la GFDL (General Free Documentation License), équivalente de la GNU GPL pour les textes. Ce dernier point intéresse plus particulièrement les documentalistes : 7 pour la source d’informations supplémentaire et gratuite que cela peut éventuellement représenter, mais avec aussi des difficultés de validation de l’information ; pour les outils utilisés, sur lesquels nous reviendrons (cf. infra). On peut également noter que pour la première fois, une architecture d’un matériel de pointe, le microprocesseur de type RISC (Reduced instruction set computer : Microprocesseur à jeu d’instructions réduit) PowerPC, a été ouverte par son concepteur, l’étatsunien International Business Machine (IBM). Valeur juridique des licences de logiciels libres Tant que les logiciels sont protégés par le droit d’auteur (ce qui est le cas en France), la licence GNU GPL et ses consœurs doivent théoriquement prendre tout leur effet, le droit moral d’un auteur sur son œuvre étant imprescriptible. 8 En France, cette licence peut prendre appui sur le principe d’œuvre première (au sens d’œuvre intellectuelle) et d’œuvre dérivée. On peut reprendre et modifier une œuvre préexistante si l’auteur le permet, comme par exemple Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau. La nouvelle œuvre sera une œuvre dérivée, mais les droits de l’auteur de l’œuvre première doivent être respectés, à la fois sur l’œuvre première et sur la nouvelle œuvre. Il existe en droit français deux limitations à la validité pleine et entière de cette licence. D’abord l’absence totale de responsabilité des auteurs : il semble nécessaire qu’ils doivent en accepter une a minima, comme le remboursement du prix du CD (quand un CD est fourni) par exemple. Cette absence totale de responsabilité est également contraire à la directive européenne du 25 juillet 1985, qui concerne la protection du consommateur. Une autre dérogation au droit français de cette licence est l’absence de délimitation des droits cédés. En effet, les droits moraux sur l’œuvre de l’esprit étant inaliénables, leur cession impose une délimitation précise des droits cédés (article L131-3 du Code de la propriété intellectuelle), c’est à dire la mention expresse de tous les cas où ils sont cédés. Si une utilisation n’est pas mentionnée dans la licence, l’auteur peut en effet s’opposer à ce qu’elle soit faite. C’est ce qui a poussé, entre autres, à la création de la licence CeCILL. Créée par plusieurs organes de recherche 9 français, le CEA, le CNRS et l’INRIA, elle a comme différences principales avec la GNU GPL : de préciser la responsabilité de l'auteur (le code français de la consommation l’impose, et est en contradiction avec la GNU GPL, qui s'exonère de responsabilité et de garantie) ; précise l'étendue du droit cédé : elle est valable dans le monde entier ; pour lui permettre de vivre, elle précise également que si du code GNU GPL est intégré à un logiciel sous licence CeCILL, le nouveau logiciel sera sous licence GNU GPL. Cependant, comme le signalent de nombreux juristes, le droit n’est rien sans la sanction de la pratique. En effet, devant des cas pratiques et nouveaux, il arrive souvent que les juges prennent des décisions inattendues. Le petit monde du libre attend donc avec impatience les premiers jugements. Le premier a été rendu récemment par un tribunal de Munich, qui condamne la société néerlandaise Sitecom à se plier aux termes de la licence GNU GPL, car elle a intégré le logiciel Netfilter/Iptable, distribué sous licence GNU GPL, à son logiciel propriétaire. La diffusion du logiciel propriétaire a été suspendue jusqu’à la publication de ses sources. L’affaire est en cours, mais il s’agit d’une première étape vers la confirmation de la uploads/S4/les-logiciels-libres-en-documentation-2 1 .pdf

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  • Publié le Jui 05, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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