B A S E Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2000 4 (2), 83–93 Introduction aux mét
B A S E Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2000 4 (2), 83–93 Introduction aux méthodes multicritères d’aide à la décision Sami Ben Mena Unité de Mathématique. Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux. Passage des Déportés, 2. B–5030 Gembloux (Belgique). E-mail : benmena.s@fsagx.ac.be Reçu le 19 janvier 2000, accepté le 23 février 2000. L’approche classique des problèmes de décision, c’est-à-dire l’optimisation d’une unique fonction économique, montre certaines faiblesses auxquelles les méthodes multicritères semblent pallier. L’objectif de cet article est de montrer, au lecteur non initié, l’intérêt de ces méthodes et d’en présenter les fondements méthodologiques. La diversité de ces méthodes réside dans la façon d’effectuer la synthèse de l’information contenue dans chaque critère. Une classification selon trois grandes approches est alors proposée (agrégations complète, partielle et locale). Au sein de chaque approche sont détaillées les bases théoriques et des cas concrets d’application sont cités. En conclusion, sont soulignées les potentialités des méthodes multicritères et les précautions à prendre lors de leur utilisation. Mots-clés. Prise de décision, méthode multicritère, agrégation locale, agrégation partielle, agrégation totale, surclassement, fonction d’utilité, programmation mathématique. Introduction to multicriteria decision aid methods. Classical approach of decision problems, i.e. optimisation of a single economic function, shows some weaknesses which multicriteria methods seem to palliate. The objective of this item is then to show to non-initiated readers the interest of these methods and to introduce the methodological foundations of them. The diversity of these methods lies in the way to synthesise information being kept in each criterion. A classification according to three major approaches is suggested (complete, partial and local aggregations). For each approach, theoretical bases are detailed and concrete cases of application are quoted. The conclusion emphasizes potentialities of multicriteria methods and the precautions that have to be taken when they are used. K e y w o r d s . Decision making, multicriteria methods, complete aggregation, local aggregation, partial aggregation, outranking, utility function, mathematical programming. 1. INTRODUCTION Jusqu’il y a peu, lorsqu’un gestionnaire devait prendre une décision, il pouvait consulter des experts, se baser sur des cas similaires au sien ou encore faire appel aux techniques de la recherche opérationnelle dite classique. Or celle-ci se préoccupe essentiellement d’optimiser une fonction dite économique. Aussi, à une époque où la longueur et le nombre de calculs n’est plus, grâce aux ordinateurs, un facteur limitant, et dans un monde où la densité de population n’autorise plus le moindre gaspillage des ressources naturelles –dans le sens le plus large qui soit–, un projet de gestion environ- nementale n’incluant que des considérations relatives à un seul aspect du problème (la fonction économique), est de plus en plus dénué d’intérêt. Ainsi, les techniques d’optimisation ou de recherche opérationnelle, bien que toujours utiles dans certains domaines, doivent faire place à d’autres méthodes, intégrant ce qui n’a pas de prix ni même de cours financier. Les méthodes d’analyse multicritère ou, plus exactement, les méthodes d’aide multicritère à la décision sont des techniques assez récentes et en plein développement. Par leur manière d’intégrer tout type de critères, ces procédures semblent mieux permettre de se diriger vers un judicieux compromis plutôt qu’un optimum souvent désuet. Le texte qui suit a donc pour objectif de constituer une entrée en matière, succincte mais néanmoins é t o ffée d’exemples d’applications, et destinée au profane désireux de connaître des techniques “nouvelles”. En outre, dans le contexte d’une revue à caractère agrono- mique, cet article, devrait constituer une introduction à d’autres articles, toujours de type agronomique, mais dont le côté mathématique nécessiterait la connaissance des bases présentées ci-après. 84 Biotechnol. Agron. Soc. Environ. 2000 4 (2), 83–93 S. Ben Mena 2. LES RAISONS D’ÊTRE DES MÉTHODES MULTICRITÈRES Le domaine qui nous intéresse, à savoir la gestion environnementale1, constitue un secteur porteur pour les méthodes multicritères. En effet, une simple analyse “coûts-bénéfices” montre très vite ses limites et son inadéquation à traiter les problèmes complexes auxquels se confronte le gestionnaire de l’environ- nement : comment ramener à une base commune, de surcroît monétaire, des impacts aussi hétéroclites que le bruit, la pollution des eaux, et la dégradation du paysage ? (Maystre et al., 1994 ; Maystre, 1997). Ceci ne constitue qu’un exemple dans un domaine particulier mais nous allons voir que l’on peut effectuer une certaine généralisation. Avant l’apparition de l’analyse multicritère, les problèmes de décision se ramenaient le plus souvent à l’optimisation d’une fonction économique. Cette approche avait le mérite de déboucher sur des problèmes mathématiques bien posés mais qui n’étaient pas toujours représentatifs de la réalité car : – la comparaison de plusieurs actions possibles se fait rarement suivant un seul critère ; – les préférences sur un critère sont, dans bien des cas, difficilement modélisables par une fonction ; – lorsqu’il y a plusieurs objectifs, il est impossible de les atteindre tous à la fois (Maystre et al., 1994). Ainsi, on peut dire que le domaine de réussite de la recherche opérationnelle est constitué de tous les problèmes qu’il est possible d’isoler du processus de gestion du système (ex. : choix du mélange optimal pour des rations alimentaires destinées au bétail). Par complément, le domaine d’échec de la recherche opérationnelle comprend toutes les décisions de gestion qu’on ne peut isoler de leur contexte (ex. : tracé d’une autoroute). Dans tous ces derniers cas, la recherche opérationnelle a déçu car on lui avait fixé un objectif (trop) ambitieux : désigner, en toutes circonstances, la meilleure décision, l’optimum… même quand cette notion pouvait être vide de sens (Schärlig, 1985). En effet, cette optimisation se base sur des hypothèses extrêmement lourdes. La première, dite de globalité, suppose que, par la recherche d’une décision optimale parmi toutes les actions potentielles, on pourra désigner une action unique comme la meilleure. Cela présume que toutes les actions potentielles comprennent tous les aspects de la question et sont mutuellement exclusives. Or elles sont souvent complémentaires, partielles et rarement globales. Une seconde hypothèse, dite de stabilité, postule que l’ensemble des actions potentielles n’est jamais remis en cause lors de l’étude. Or cette dernière fait souvent jaillir de nouvelles idées au cours de son déroulement. La troisième et dernière hypothèse est celle de complète comparabilité transitive. Elle souffre trois grandes critiques : 1. Elle ne tient pas compte de la situation d’incompa- rabilité. 2. Elle ignore le fait que l’indifférence est parfois intransitive. 3. Elle oublie que la préférence elle-même n’est pas nécessairement transitive. La première critique intervient par exemple lorsqu’une personne se retrouve face à des alternatives sans qu’elle puisse dire laquelle elle préfère. C’est le cas de celui qui cherche à éclairer une décision mais qui est gêné par l’imperfection des informations dont il dispose. Ce sont des situations embarrassantes mathématiquement mais tellement humaines. D’ailleurs, l’intransitivité de l’indifférence repose aussi sur des considérations humaines. Être indifférent entre a et b et entre b et c ne signifie pas forcément que l’on est indifférent entre a et c. Pour s’en convaincre, reprenons un exemple. Soit un indice de diversité d’essences forestières, variant de 0 à 1 de façon continue, 1 représentant une diversité maximale. Il est évidemment possible de concevoir des aménagements forestiers donnant lieu à toute une gamme de valeurs de cet indice. De même, un classement de ces aména- gements selon cet indice est aisément réalisable. Si on passe de l’aménagement à indice nul à l ’ a m é n a g e m e n t dont l’indice est de 0,1, on peut estimer que cette diffé- rence de diversité est négligeable. Idem entre 0,1 et 0,2, et ainsi de suite. Mais il est évident que la préférence remplacera l’indifférence lorsque l’intervalle entre deux indices sera de 0,5 par exemple. On voit donc que l’indifférence n’est pas l’analogue de l’égalité mathé- matique. Elle recouvre une situation de préférence faible, c’est-à-dire d’une préférence qui n’est pas s u ffisante pour être humainement ressentie et exprimée. Pour démontrer l’intransitivité de la préférence, utilisons encore un exemple (ou plutôt un contre- exemple), inspiré de Schärlig (1985). Soit une entreprise forestière désirant effectuer des éclaircies par des moyens motorisés. Supposons qu’elle puisse choisir entre trois types de tronçonneuses-ébrancheuses- calibreuses (engins utilisés en Scandinavie ou en Amérique du Nord), considérés comme trois ensembles. Il est aisément concevable d’attribuer séparément, selon leurs performances, une évaluation à chaque tronçonneuse, ébrancheuse et calibreuse. Pour opérer le meilleur achat au sein des trois ensembles, le 1 Cette notion sera précisée au point 3.2. par des exemples concrets d’applications. Introduction aux méthodes multicritères d’aide à la décision 85 gestionnaire de l’entreprise décide de suivre la règle suivante : – entre deux ensembles, comparer la valeur de chaque machine d’un ensemble aux trois valeurs de l’autre ensemble (donc, au total, neuf comparaisons pour une paire d’ensembles) ; – comptabiliser ensuite le nombre total de fois que les machines d’un des deux ensembles sont, de par leurs évaluations, supérieures aux machines de l’autre ensemble ; – un ensemble l’emporte sur l’autre s’il est plus de 4 fois sur 9 supérieur. Imaginons que les valeurs des neuf éléments soient celles de la figure 1. Par uploads/Finance/ 107-105-11-pb-analyse-multicritere 1 .pdf
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- Publié le Aoû 20, 2022
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