LA COMPTABILISATION DES IMMATÉRIELS : NOUVELLES OPPORTUNITÉS OU NOUVELLES MENAC
LA COMPTABILISATION DES IMMATÉRIELS : NOUVELLES OPPORTUNITÉS OU NOUVELLES MENACES ? D eux événements récents – dont on verra qu'ils ne sont pas sans liens entre eux – sont venus relancer la thèse d'une nécessaire rénovation des outils de traitement des actifs “immatériels” : • La publication, le 23 novembre dernier, du rapport Lévy-Jouyet sur “l'économie de l'immatériel” (1). • Le lancement, ce 2 février, d'un site ayant vocation à générer un “1er référentiel européen de mesure des actifs immatériels” (www.observatoireimmateriel.com). Même si l'on sait que parfois les com- missions ministérielles et les rapports d'experts restent lettre morte, cette double initiative ne risque pas moins d'annoncer des prolongements durables. Est-elle le signe avant-coureur d'une nou- velle tendance qui voudrait marquer une spécificité française, en renforçant la prise de conscience des acteurs – publics et privés – sur cette question ? Ou est- ce tout simplement une énième refor- mulation de concepts éculés, dans le droit fil d'une généralisation de la “juste Réflexion R.F .C. 401 Juillet-Août 2007 30 Résumé de l’article À divers titres, la question déjà ancien- ne de la valorisation des actifs imma- tériels a été récemm ment relancée. Les discours sur ce sujet, tantôt à conno- tation économique ou juridique, tan- tôt da avantage portés sur les techno- logies, renvoient à des propositions parfois fort éloignées des préoc ccupa- tions prosaïques des comptables. La lecture attentive du rapport Lévy- Jouyet n'en révèle pa as moins des “recommandations” qui, tout en pro- longeant des tendances existantes comme la juste val leur, ne manque- ront pas d'intéresser les profession- nels de la comptabilité. Après avoir rappelé c ce à quoi ces actifs immaté- riels peuvent correspondre – au-delà de ce qu'on appelle les incorporels s – cet article décline à la fois les oppor- tunités et les menaces liées à leur valorisation comptab ble. valeur” (en matière comptable), de l'in- novation ou du développement durable (en matière de management) ? Cet article a pour vocation d'initier une réflexion quant au sens comptable de cette notion d'actif immatériel. Dans sa première partie, il rappellera ce que peut couvrir une telle appellation. Dans sa deuxième partie, il présentera les pro- longements que peuvent avoir ces réflexions en matière de comptabilité, au sens large du terme, incluant des enjeux de communication financière et de fis- calité. Évidemment, il n'est question ici ni de faire un inventaire complet des enjeux liés à ces questions, ni de proposer des solutions idéales de traitement. Les conclu- sions, en revanche, sont à même de concerner les praticiens des fonctions de comptabilité et de contrôle. On comprendra mieux cette tendance pour la valorisation de l'immatériel si on identifie les acteurs qui en sont à l'origine. La Commission sur l'économie de l'im- matériel a été initiée par le ministre Thierry Breton. Parmi les membres fon- dateurs de l'Observatoire de l'immatériel, on retrouve certes des acteurs publics (INPI), mais surtout des acteurs privés issus des métiers du logiciel (SAS France), de l'audit (Ernst & Young), du monde industriel (J.M. Descarpentries) ainsi que des consultants et analystes financiers. On ne s'étonnera donc pas de retrou- ver dans ce rapport des préoccupations à la fois macroéconomiques (visant à dynamiser la France en tant que “lea- der de l'immatériel”) et microécono- miques (la mise au point de standards de mesure à l'usage des entreprises). La composition de la Commission sur l'éco- nomie de l'immatériel est elle-même très diversifiée, puisqu'on y trouve des ins- pecteurs des finances, des dirigeants et des professeurs… mais pas de comp- table. On ne s'étonnera pas non plus de trouver différentes conceptions de la notion d'”immatériel”, même si l'on s'en tient aux seules formalisations en lien avec la comptabilité. On y trouve ainsi : • La fameuse notion de goodwill, que l'on peut ici entendre dans un sens plus élargi que la seule traduction d'une sur- valeur résultant d'une acquisition. Pour 1. http://www.minefi.gouv.fr/directions_services/ sircom/technologies_info/immateriel/immateriel. pdf Bernard GUMB Enseignant-chercheur à Grenoble Ecole de Management apparaître dans les comptes, un tel écart d'acquisition doit avoir une justification historique. Or, on peut très bien consi- dérer qu'une firme (ou un Etat) a voca- tion à développer un goodwill organique par l'amélioration de ses compétences, la valorisation de ses brevets et marques etc. • On serait alors proche d'une généra- lisation de la juste valeur qui contribue- rait à atténuer le price to book, ou l'écart entre la valeur comptable des capitaux propres et leur valeur de marché. • On peut aussi se limiter à une concep- tion plus classique et plus restrictive des actifs immatériels en tant qu'actifs incor- porels, à savoir ni corporels ni financiers (la typologie du solide, du liquide et du gazeux) (2). • Enfin, on peut inclure dans l'immaté- riel – et le rapport Lévy-Jouyet ne s'en prive pas – toutes les tendances actuel- lement marquées de dématérialisation de l'économie. Cela pose des questions juri- diques et fiscales quant à la protection des brevets, des droits d'auteurs, des fré- quences hertziennes tout en concernant les représentations ou images de marque des firmes et des nations (3). On aura donc d'un côté la notion d'”éco- nomie de l'immatériel”, fort intéressan- te au demeurant, mais qui n'est pas de notre ressort de comptables ou contrô- leurs, et de l'autre côté une notion plus limitée quoique aux contours flous d'”actifs immatériels”. L'on gagnera à se concentrer davantage sur cette der- nière conception pour en déduire les enjeux liés à leur mesure comptable voire extra-comptable. D'ailleurs, cette ques- tion des immatériels a été ces dernières 31 Comptabilité financière R.F .C. 401 Juillet-Août 2007 années réactualisée dans le public au travers de la Lolf, dans le privé au travers des Ifrs. En comptabilité publique (norme n° 5) comme en comptabilité des socié- tés, des évolutions ont déjà eu lieu. Nous n'y reviendrons pas. En revanche, revenons-en aux compo- santes de cette conception des actifs immatériels. Telle qu'elle a été segmen- tée par les fondateurs du site, elle peut être décomposée en huit catégories d'actifs : • Les clients ; • L'humain ; • L'organisationnel ; • Le système d'information ; • Les fournisseurs ; • Les marques ; • Le savoir • Les actionnaires. Évidemment, on pourra indifféremment parler (par exemple) de capital client ou d'actif client, ce qui ne manquera pas de dérouter certains comptables. L'idée n'est pas nouvelle, traduite notamment dans la notion ancienne de fonds de commerce. Le contrôleur de gestion pourra consul- ter le site pour se faire une idée des indi- cateurs proposés pour la mesure de telle ou telle dimension. Il y trouvera 34 cri- tères et 151 indicateurs de mesure liés à ces actifs immatériels. Nous sommes là dans le droit fil de cette tendance actuellement marquée pour les indica- Abstract Diverse tendencies recently gave a boost to the ancient project of the valua- tion of immaterial assets. The field is sometimes addressed through econo- mic or legal points of view, or some- times more technology oriented. Thus, accountants are not always concerned. Yet an attentive reading of the Lévy- Jouyet report reveals several “recom- mendations” which are related with the fair value tendency, and might concern several accounting trades. After having reminded what these immaterial assets might involve – beyond what we consider as intangibles – the article examines both the opportunities and the threats hold by their valuation. teurs, et que l'on retrouve dans les grandes compagnies privées sous forme de balanced scorecards et autres tableaux de bord, ainsi que dans l'administration d'Etat dans le cadre de l'évaluation des services publics. Le tout repose sur un même présupposé, explicite à plusieurs reprises : le fait de mesurer contribue à l'amélioration et à une meilleure valori- sation de ces actifs immatériels. Certes, le rapport n'emprunte pas cette même segmentation. Les auteurs pro- posent trois grands types dans leur “typologie des investissements des actifs immatériels des entreprises” : • L'immatériel technologique, qui consis- te à investir dans la recherche & déve- loppement, les logiciels et les technolo- gies de l'information et de la communication (TIC). Elle se concrétise par des brevets, des modèles, du savoir- faire… • L'immatériel lié à l'imaginaire, néces- sitant des investissements en publicité et communication, et qui se traduira par la propriété littéraire et artistique, les marques… • L'immatériel organisationnel est géné- ré par des investissements en formation continue, en éducation, en systèmes d'information, en marketing. Il favori- sera le capital humain, les fichiers clients/ fournisseurs (et leur valorisation en termes de connaissances), la culture managériale etc (4). Évidemment, si la première catégorie – et dans une moindre mesure la secon- de – est traduisible, sous certaines condi- tions, dans les bilans des entreprises, il n'en est pas de même du troisième type. On trouve cependant, parmi les 68 recommandations du rapport, des pro- positions à même de modifier la donne. Pour la plupart, elles s'adressent au levier fiscal. En voici l'essentiel : • La question de l'amortissement du goodwill est reposée, au travers de la référence à plusieurs pays européens qui continuent de pratiquer cet amortisse- ment, « ce uploads/Finance/ la-comptabilisation-des-immateriels-nouvelles-opportunites-ou-nouvelles-menaces.pdf
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- Publié le Nov 28, 2021
- Catégorie Business / Finance
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