1 UNJF - Tous droits réservés Cours : Droit des sûretés Auteur : Olivier Salati

1 UNJF - Tous droits réservés Cours : Droit des sûretés Auteur : Olivier Salati Leçon n° 4 : Les lettres d'intention Table des matières Notions.......................................................................................................................................................p. 2 2 UNJF - Tous droits réservés Notions Avertissement : la réforme du droit des sûretés opérée par l'ordonnance du 23 mars 2006 consacre et définit la lettre d'intention dans le nouvel article 2322 du Livre IV du Code civil. Aux termes de ce texte, en effet, « la lettre d'intention est l'engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de son obligation envers son créancier ».Le lecteur s'en rendra compte, cette définition ne bouleverse pas les solutions admises en droit positif avant l'ordonnance du 23 mars 2006 (ci-après), elle les entérine plutôt. Mais elle a pour intérêt de distinguer désormais nettement dans les concepts la lettre d'intention du cautionnement et de la garantie autonome. Comme on l'a relevé (v. D. Houtcieff, préc. biblio., n°21, p. 10), l'inexécution de son engagement par le débiteur ne contraindra pas le garant à exécuter l'obligation de ce dernier, ni à verser une somme d'argent déterminée, mais à indemniser le créancier de son préjudice. Notion De façon très générale, une lettre d'intention est « un document par lequel un tiers exprime à un créancier, en des termes variables et -parfois- volontairement imprécis, son intention de soutenir son débiteur afin de lui permettre de remplir » son engagement (cf. Ph. Simler et Ph. Delebecque, op. cit., n°314, p. 280) . Le domaine d'élection de la lettre d'intention est celui du crédit bancaire consenti à une société partie d'un groupe : une société-mère, le confortant, promet à un créancier, une banque donc, de «faire tout le nécessaire» ou «tout le possible» pour que sa filiale, le conforté, soit en mesure de respecter ses engagements à son égard. Exemple Cela peut prendre la forme d'une augmentation de capital, de l'alimentation d'un compte courant d'associé ou encore d'un abandon de créances, d'un prêt, de l'aide à la recherche de débouchés ou de partenaires commerciaux... La question centrale que posent les lettres d'intention est de savoir quelle est la nature de l'obligation qui en résulte. Est-ce une simple obligation morale insusceptible d'exécution forcée, dont la valeur résulte de la solidité et de l'honorabilité de la société-mère ? L'Association professionnelle des banques semble pencher de ce côté, puisqu'un parère délivré par son Président le 30 octobre 1973 affirme que « la lettre par laquelle une société de renom indiscuté tant sur le plan de la morale commerciale que de l'assise financière parraine une société qu'elle contrôle pour l'obtention ou le maintien d'un crédit constitue un engagement moral d'assurer la bonne fin du crédit et est considéré comme présentant en pratique une sécurité juridique équivalente à celle d'un engagement de caution ». On a tout de même justement souligné le paradoxe de la lettre de confort qui s'affirme simple engagement moral, mais prétend présenter la même sécurité qu'un cautionnement (cf. S. Piedelièvre, op. cit., p. 128). La lettre d'intention, selon la manière dont elle est rédigée, peut-elle alors donner naissance à une obligation civile de faire, de moyens ou de résultat, dont l'inexécution engagerait la responsabilité de la société-mère ? Cette qualification est également possible où la société-mère signataire serait ainsi débitrice de dommages-intérêts, mais en définitive il ne peut y avoir de qualification unique parce que tout dépend de la manière dont la lettre d'intention est rédigée et de l'interprétation qu'en fera le juge (celle-ci étant très variable : v. plus loin à propos de l'engagement de «faire tout le nécessaire») : simple engagement moral dans certains cas, elle deviendra un véritable engagement juridique pouvant même être requalifié en cautionnement dans d'autres. 3 UNJF - Tous droits réservés Jurisprudence Ainsi, a propos d'un engagement de « soutenir sa filiale dans ses besoins financiers et...si nécessaire, de se substituer à elle pour faire face à tous les engagements... », la Cour de cassation a-t-elle jugé, dans l'arrêt fondateur du 21 décembre 1987, Soc. Viuda de José Tolra (Bull. 1987, IV, n°281), que « celui qui, par une manifestation non équivoque et éclairée de sa volonté, déclare se soumettre envers le créancier à satisfaire l'obligation du débiteur si celui-ci n'y satisfait pas lui- même se rend caution de cette obligation » (v. dans le même sens mais retenant une analyse plus prudente, Cass. com., 7 oct. 1997, Bull. 1997, IV, n°248 ; JCP E 1998, n°20-21, p. 810, note D. Legeais relevant que les documents litigieux « emportaient engagement de payer la dette d'autrui »). Une question incidente se pose dans cette hypothèse de parenté, sinon d'identité avec le cautionnement : la mention manuscrite est-elle applicable à cette «super lettre d'intention» ? A priori il ne le semble pas, mais c'est peut être plus une habitude de raisonnement qu'autre chose. L'application de l'article 1326 du Code civil serait impossible car on se trouve en présence d'un engagement non de payer une somme d'argent mais de faire ou de ne pas faire (CA Paris, 26 sept. 1991). Néanmoins, pour reprendre les termes mêmes de la Cour de cassation, lorsque la lettre emporte engagement de payer la dette d'autrui, et considérant la fonction protectrice de la mention manuscrite, on peut s'interroger, particulièrement si l'auteur de la lettre n'est pas un professionnel averti (v. en ce sens, CA Paris, 12 avril 1995 ; 14 déc. 1999). Jurisprudence La Cour de cassation n'exclut cependant pas qu'entre l'engagement d'honneur et le cautionnement des situations intermédiaires puissent exister. Le même arrêt du 21 décembre 1987 affirme en effet que « malgré son caractère unilatéral, une lettre d'intention peut, selon ses termes, lorsqu'elle a été acceptée par son destinataire et eu égard à la commune intention des parties, constituer à la charge de celui qui l'a souscrite un engagement contractuel de faire ou de ne pas faire pouvant aller jusqu'à l'obligation d'assurer un résultat si même elle ne constitue pas un cautionnement ». A considérer de la sorte qu'une lettre d'intention constitue un engagement juridique - depuis l'ordonnance du 23 mars 2006 créant l'article 2322 du Code civil, cela semble désormais toujours le cas -, le comportement qu'elle implique à l'égard du débiteur principal est lui-même susceptible de variations, allant de l'obligation de faire de moyens, dont l'inexécution fautive se résout en dommages et intérêts (art. 1142, C. civ.), jusqu'à la promesse d'un résultat rendant son auteur de plein droit responsable du préjudice causé par la défaillance du débiteur, sauf pour lui à établir la preuve de l'existence d'une cause étrangère exonératoire (art. 1147, C. civ. ). Au titre du premier cas, on peut citer une affaire dans laquelle la société-mère s'était obligée à « faire tout le nécessaire pour que sa sous-filiale dispose d'une trésorerie suffisante lui permettant de faire face à son obligation de remboursement », et où il était précisé que « les organismes prêteurs pourraient exercer tous les recours qu'ils jugeraient utiles directement contre elle ». Jurisprudence La Chambre commerciale de la Cour de cassation juge, dans un arrêt du 18 avril 2000 (Bull. 2000, IV, n°78 ; JCP E 2000, n°50, p. 2007, note L. Leveneur), que la cour d'appel avait retenu à juste titre que « la société CFCI n'avait pris aucun engagement de se substituer purement et simplement à ceux de sa filiale », et a « pu en déduire que la société CFCI était tenue d'une obligation de moyens » (v. dans le même sens, Cass. com., 16 mai 2000). Il appartenait donc à la banque, conformément au droit commun, d'établir le défaut de soutien de la société-mère, ce qu'elle n'a pas fait. Obligation de moyens ici, mais obligation de résultat dans d'autres cas assez nombreux(mais toujours à propos de l'engagement de faire tout le nécessaire !) entraînant réparation de l'entier préjudice éprouvé par le créancier impayé. 4 UNJF - Tous droits réservés Jurisprudence A preuve, cette espèce dans laquelle une banque avait accordé à la Société L divers concours financiers, et où, pour obtenir le maintien des crédits de trésorerie et de découvert, la Société S, actionnaire principal, avait remis à la banque une lettre d'intention. La Chambre commerciale de la Cour de cassation affirme, dans un arrêt en date du 26 février 2002 (Bull. 2002, IV, n°43 ; Dr. et patrim. sept. 2002, p. 110 et s., note D. Poracchia) « qu'ayant relevé que la lettre litigieuse contenait l'engagement ferme de la Sté Sde faire le nécessaire pour que la Sté L dispose d'une trésorerie suffisante lui permettant de faire face à ses engagements au titre des crédits de trésorerie et de découvert envers la banque, ce dont elle a déduit que la première s'obligeait à l'obtention du résultat, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur l'existence d'une autorisation du conseil d'administration, a pu décider que le souscripteur de la lettre avait garanti au créancier le remboursement de la dette en cas de défaillance de l'emprunteur ». En savoir plus : Cass. com., 24 oct. 2000 V. dans le même uploads/Finance/ 4-les-lettres-d-x27-intention.pdf

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  • Publié le Dec 08, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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