CJRS (Online)/ RCSR (en ligne) ISSN : 1925-2218 Vol. 33 (Special Issue/ Numéro
CJRS (Online)/ RCSR (en ligne) ISSN : 1925-2218 Vol. 33 (Special Issue/ Numéro spécial): 59-72 59 . LA CREATION D’ENTREPRISES ET SES RAPPORTS AU TERRITOIRE Marcus Dejardin Erasmus Universiteit, Rotterdam et Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix Faculté des Sciences économiques, sociales et de gestion 8, Rempart de la Vierge 5000 Namur Belgique. marcus.dejardin@fundp.ac.be Résumé. La problématique de la création d’entreprises et ses rapports au territoire intéresse l’économie régionale depuis plus de vingt ans. Un argumentaire explicatif s’est progressivement construit, sollicitant l’apport de l’économie du travail, de l’économie industrielle et de l’économie spatiale. De nombreuses hypothèses ont aussi été émises quant à l’effet de telle ou telle ressource prenant part à la différenciation des territoires. L’article propose une synthèse de l’argumentaire et questionne sa capacité à rendre compte des phénomènes appréciés dans leur dynamique. Quelques idées sont avancées pour aller dans ce sens. Mots clés : création d’entreprises, entrepreneuriat, territoire Abstract. The creation of firms and their territorial relationships The issue of the creation of firms and their territorial relationships has interested regional economists for over twenty years. One particular topic has received special attention, namely what are the factors explaining regional variation in firm formation rates. An explanatory framework has been built gradually involving contributions from other fields of economics, in particular from labour, industrial and spatial economics, with for example arguments relating to occupational choice including self-employment, competition and multiplier effect, or agglomeration economies. Additionally, many hypotheses have been raised about the effect of one or another particular resource involved in the differentiation of territories. This article provides a summary of the explanatory framework and questions its ability to account for the dynamics of firm creation and regional development. Theory appears highly fragmented and static, and hardly able to explain satisfactorily the dynamic interrelationships involved. Some ideas are suggested to move further ahead in this direction. Key Words: firm creation, entrepreneurship, territory Codes JEL / JEL-Codes: M13, J23, O12, R11 Introduction Dans cet article, nous revenons sur le traitement qu’a pu recevoir à ce jour, en économie régionale, la problématique de la création d’entreprises et ses rapports au territoire. Cette problématique intéresse les économistes depuis plus de vingt ans. Une question particulière a retenu l’attention, à savoir quels sont les facteurs explicatifs des variations régionales de taux de créations d’entreprises. Un argumentaire théorique s’est construit, sollicitant l’apport de l’économie du travail, de l’économie industrielle et de l’économie spatiale. Plus récemment, la recherche mettait en évidence l’importance de la composition CJRS (Online)/ RCSR (en ligne) ISSN : 1925-2218 Vol. 33 (Special Issue/ Numéro spécial): 59-72 60 sectorielle des tissus productifs locaux. Elle s’interrogeait sur le développement de l’économie dite de la connaissance et de son pouvoir explicatif dans les différenciations territoriales des dynamiques entrepreneuriales. Bien qu’annonçant volontiers des intentions d’explication dynamique, la recherche demeure souvent une analyse statique et très parcellaire ne pouvant rendre compte de manière satisfaisante des interrelations qu’elle souhaite étudier. L’intention dynamique est manifeste lorsque les contributions lient la problématique de la création d’entreprises à celle du développement régional. Elles n’apparaissent toutefois pouvoir servir de manière satisfaisante qu’une démarche comparative sur base d’évaluations transversales. Aussi en appelons-nous à la construction d’un argumentaire dynamique. Quelques idées sont avancées pour aller dans ce sens1 . Création d’entreprises et territoire : bref retour historique sur une problématique de recherche En économie, traiter de la création d’entreprises, c’est être amené plus ou moins rapidement à traiter de l’entrepreneur. La reconnaissance des fonctions spécifiques de cet agent n’est pas neuve dans la pensée économique. Elle connaît toutefois des moments plus ou moins fastes selon les questions voire les impasses théoriques du moment2 La création d’entreprises comme problématique de recherche en économie régionale a probablement ses origines dans les années 1970. Elle n’est pleinement reconnue qu’à partir des années 1980 à la suite de publications pionnières et de premières synthèses devenues des références classiques. Citons Cross (1981), Storey (1982 ; 1984), Keeble et Wever (1986) et Johnson (1986). L’intérêt pour la problématique ne peut être dissocié de l’environnement socio-économique auquel il se rapporte. Il est aussi en phase avec les interrogations plus générales posées alors aux économistes. Pour Maillat (2006 : 434), « (vers) le début des années quatre-vingt, le contexte général change : le temps n’est plus où la croissance économique allait de soi et où la politique régionale devait simplement l’orienter (Prud’homme, 1995). Il est en particulier notoire que les grandes entreprises créent moins d’emplois qu’auparavant et que, dans ce domaine, les PME sont beaucoup plus dynamiques. ». En 1979, l’économiste américain Birch publie une étude qui sera âprement discutée concluant à l’avantage des Petites et Moyennes Entreprises par rapport aux entreprises de grande taille en ce qui concerne la création nette d’emplois pour la période 1969-1976. . Cela étant, force est de reconnaître que l’entrepreneur reste aujourd’hui une figure en retrait des modèles et des explications théoriques fondamentales figurant dans les manuels (Kent et Rushing, 1999 ; Diamond, 2007). 3 Toujours selon Maillat (2006 : 434), au début des années quatre-vingt « l’internationalisation de l’économie s’accélère et l’émergence des technologies nouvelles contribue à un renouvellement incessant des structures économiques. (…) C’est 1 Certains aspects de la réalité que l’économiste considère comme donnés le seront également ici. Il conviendrait pour éviter certains écueils d’interroger d’autres sciences sociales. L’article n’a pourtant pas cette prétention interdisciplinaire. 2 Cf. Schumpeter (1954), Barreto (1989) et Blaug (1999) pour un exposé des enjeux théoriques. 3 Cf. Birch (1979, 1987), Brown et al (1990) et Harrison (1994). Le résultat obtenu par Birch est confirmé par la suite pour d’autres contextes nationaux, mais il est remis en question dès lors que l’évaluation tient compte du biais de régression vers la moyenne (Davis et al, 1993 ; Baldwyn et Picot, 1995 ; Picot et Dupuy, 1998). CJRS (Online)/ RCSR (en ligne) ISSN : 1925-2218 Vol. 33 (Special Issue/ Numéro spécial): 59-72 61 ainsi que ces changements structurels ont provoqué, dans certains pays, un renversement spatial caractérisé par le déclin d’anciennes régions industrielles et l’émergence de nouvelles régions prospères dans d’autres parties du même pays (Aydalot 1986; Maillat et Lecoq 1992 ; OCDE 1993). » Le succès de régions nouvelles est caractérisé par un développement de type endogène (ou « développement par en bas »). Les processus qu’elle désigne ne peuvent être confondus avec l’objet des théories de la croissance endogène (ou nouvelles théories de la croissance). Pour Courlet et Garofoli (1995 : 8), « (un) modèle de développement endogène est (...) basé sur l’utilisation des ressources locales, la capacité de contrôle au niveau local du processus d’accumulation, le contrôle de l’innovation, la capacité de réaction aux pressions extérieures et la capacité d’introduire des formes spécifiques de régulation sociale au niveau local favorisant les éléments précédents. » Dans cette représentation du développement territorial, les créations d’entreprises découlent des décisions et des actes posés par la population locale. La création est intimement liée à un choix individuel d’entreprendre ancré à une origine et à une identité locales. Ces conceptions s’opposent au développement de type exogène, découlant de la localisation d’activités décidées ou incitées par des autorités apparaissant dégagées vis-à-vis de responsabilités territoriales. La concurrence territoriale peut être animée par des acteurs locaux. Elle découle toutefois davantage d’une politique d’attractivité et de développement exogène. L’articulation de ce choix de politique régionale à des options participant d’un développement endogène n’est cependant pas écartée. À la suite des travaux pionniers précités, l’économie régionale a développé un argumentaire explicatif de la création d’entreprises et de ses rapports au territoire. C’est cet argumentaire qui est présenté dans la section suivante. Création d’entreprises et territoire : l’argumentaire explicatif de l’économie régionale Les régions n’enregistrent pas toutes les mêmes taux de créations d’entreprises. Traduite en problématique de recherche, la différenciation territoriale de la création d’entreprises peut être présentée de différentes manières. Deux grandes approches sont distinguables. - La création d’entreprises est considérée comme un événement résultant d’un ensemble de processus impliquant un nombre important de facteurs. Parmi ces processus, certains relèvent d’un contexte englobant l’entité régionale (la nation, le continent, le monde). Si des différenciations régionales dans les taux de créations sont constatées, un lien causal explicatif de ces différenciations peut-il être identifié dans la différenciation régionale des processus ? Dans cette différenciation, il y a lieu de tenir compte d’éléments qualitatifs (les ensembles de processus rapportés aux régions peuvent être caractérisés par des listes différentes d’éléments constitutifs) et quantitatifs (les processus peuvent être d’intensités différentes) (Reynolds et al, 1994) ; - La création d’entreprises découle d’un choix occupationnel posé par l’individu arbitrant entre différentes situations (dont la situation d’entrepreneur) caractérisées chacune par une espérance de revenus. Plusieurs modèles compétitifs de choix occupationnels ont été proposés (Wit, 1993). En ressort l’argument selon lequel la probabilité de création d’une entreprise est une fonction croissante de l’écart entre le profit attendu à la suite de la création et le revenu attendu d’une occupation CJRS (Online)/ RCSR (en ligne) ISSN : 1925-2218 Vol. 33 (Special Issue/ Numéro spécial): 59-72 62 alternative (comme salarié). Cet écart peut être déterminé par une uploads/Finance/ 8-cjrs-33-article-4-dejardin.pdf
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- Publié le Mai 17, 2022
- Catégorie Business / Finance
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