106 Rencontre n° 34 / Mars 2018 Condition Féminine 106 L CONDITION FÉMININE Sit
106 Rencontre n° 34 / Mars 2018 Condition Féminine 106 L CONDITION FÉMININE Situation de la femme haïtienne, ses besoins, droits et responsabilités Fred DOURA Cet article étaie l’importance des femmes dans l’économie sociale et solidaire en Haïti, de données illustrant de manière significative la place qu’elles occupent dans l'industrie, l'agriculture et les services aussi bien au niveau social dans l’éducation et la prise en charge de leur famille. Un plaidoyer à visage humain pour réhabiliter la femme haïtienne reje- tée dans la marginalisation, la prostitution, la domesticité et l’informel, et réclamer pour elle plus de justice sociale quant au droit à l’éducation et à la prise en charge. Rasin, Jwèt pèch, 2010 ’article 17.1 de la Constitution, stipule que « Le principe du quota d’au moins trente pour cent (30%) de femmes est reconnu à tous les niveaux de la vie nationale, notamment dans les services pu- blics ». Si les femmes représentent 51,8% de la population active totale on retrouve cependant beaucoup moins de femmes dans l’économie formelle que dans le secteur l’informel (58,8%). La distribution des personnes acti- ves par secteur d’activités économi- ques, se donne comme suit en milieu urbain : Environ 40% travaillent dans l’agriculture ; Plus de 25% s’adonnent au com- merce, desquels 77,5% sont des femmes ; Plus de 15% sont dans l’offre de services, dont 29,3% sont des fem- mes. En particulier, la rame hôtels et restaurants emploie une grande majorité de femmes, soit 73,8% des employés ; Environ 11% sont employés dans l’industrie, desquels 22,2% sont des femmes ; On estime à 7% le taux des arti- sans indépendants ; Et l’administration publique em- ploie 2% de la population économi- quement active. En milieu rural, environ 72% des personnes actives travaillent dans l’agriculture et 17% dans le com- merce. Ce secteur de la production 107 Rencontre n° 34 / Mars 2018 Condition Féminine 107 est caractérisé par l’absence de technologies modernes, d’infras- tructure de base et d’assistance technique. Les producteurs agrico- les travaillent souvent sur des superficies agricoles inférieures à deux hectares. Les données sociales sur les fem- mes et les filles méritent d’être aussi soulignées : l’espérance de vie de la femme haïtienne est de 54 ans; 67,5 % des femmes souffrent d'analphabétisme; 10% des fillettes âgées de 5 à 9 ans travaillent ; 33% des fillettes âgées de 10 à 14 ans travaillent ; le salaire perçu par les femmes est de 40% inférieur à celui des hommes ; jusqu'à 15% de séropositivité féminine est recensée en Haïti, à cause principalement des viols; seulement 1% de témoignage des victimes de viol alors que les unités médicales dénombrent 7,8% d'atta- ques sexuelles ; 43% de familles monoparentales ont une femme comme chef de ménage. En milieu urbain, ce taux est plus élevé, soit 64% dans l’aire métropolitaine contre 60% des ménages des villes de province. La femme haïtienne remplit un rôle essentiel dans la société haïtienne. D’une part, tout le commerce national repose sur ses épaules, puisqu’elle est au centre des activi- tés commerciales des produits au niveau microéconomique. D’autre part, elle se retrouve souvent seule à assumer toutes les responsabilités dans l’éducation des enfants, en l’absence de l’homme dans la plupart des cas. On trouve la femme haïtienne principalement dans le secteur informel de l’économie sociale et solidaire (ESS)1. La commercialisation des produits agricoles repose essentiellement sur les démarches des intermédiaires. L’un des intermédiaires incontour- nables du circuit de commercialisa- tion des produits vivriers est la « madan Sara », agente de contact infatigable entre les consommateurs urbains et les producteurs ruraux, et dont l’appellation lui est donnée par analogie à cet oiseau qui picore au gré de son vol. On distingue plusieurs catégories de « madan Sara ». Le salaire perçu par les femmes est de 40% infé- rieur à celui des hommes, alors qu’elles assument quasiment la charge familiale et parentale sans conjoint Les madan Sara les plus humbles, souvent représentées dans les tableaux, sont celles qui descendent les pentes accidentées des mornes portant sur la tête des paniers de fruits et légumes pesant souvent 25 kg pour la vente au marché. Les madan Sara qui peuvent se payer un véhicule font partie d’une deuxième catégorie. Elles achètent aux paysans du coin et revendent au marché de la ville. Enfin, les plus aisées fréquentent les lignes aériennes caribéennes et apportent en Haïti des produits introuvables ou hors de prix (tissus, produits de beauté, etc.). Par les chemins, ces femmes altières se rendent à la ville ou à quelque marché isolé où l'on ne peut y arriver qu'à pied, comme les colporteurs autrefois appelés « boîtes à dos », à la recherche de prix les plus avantageux, fusse même pour quelques gourdes en moins. Les madan Sara les plus riches sont des voyageuses louant ou possédant de véritables caravanes dans les régions isolées, ou fréquentant les lignes aériennes caribéennes pour ramener des produits introuvables ou hors de prix en Haïti (tissus, produits de beauté, etc.…). Plus touchée que l’homme par le phénomène d’analphabétisme, la femme haïtienne poursuit moins souvent des études. Ce sont les fem- mes appartenant à l’élite intellec- tuelle ou économique qui ont obte- nu le droit de vote pour la femme haïtienne en 1957. Aujourd’hui prenant conscience de leur rôle, elles se ressaisissent et s'organisent en divers groupements tels que « FANM D’AYITI » (Femmes d’Haïti) ou le mouvement féministe haïtien créé au lendemain du départ de Jean-Claude Duvalier. Leur but est d'inclure la lutte féministe dans le contexte général du retour à la démocratie, c’est-à-dire d’obtenir l’'accès aux droits fondamentaux, au travail et à la santé. Pilier de l’économie haïtienne, la femme, souvent seule à faire vivre une famille entière, exerce toutes sortes de petits métiers. Outre l’agriculture, elles sont brodeuses, couturières, femmes de chambre. L’économie du pays repose sur le courage de ces femmes. En ville, elles forment le bataillon de secrétaires dans les services publics et les entreprises privées, mais la majorité d’entre elles sont d’origine paysanne. Réduites à la misère, elles viennent de jour en jour grossir le nombre des ouvrières et des sans-emplois et vivent aujourd’hui dans les bidonvilles des principales villes. L’actuel Code du 108 Rencontre n° 34 / Mars 2018 Condition Féminine 108 Travail prévoit une protection insuffisante pour le personnel de maison dont la majorité est essentiellement féminine. 1. Femmes, Sous-emploi et Restavèk Le Fonds des Nations-Unies pour la population (UNFPA, Haïti) indique que seulement 14% des jeunes âgés de 15 à 24 ans révolus, exercent effectivement un emploi rémunéré ; 16% se retrouvent au chômage, donc sont en quête d’emploi, et 70% sont inactifs. La différencia- tion est nette selon le sexe et le secteur de résidence : 73,3% des filles sont inactives contre 66,3% des garçons. Le pourcentage d’inactifs s’élève à 76% en milieu urbain contre 64% en milieu rural. Si le degré de participation réelle dans l’activité économique est plus élevé en milieu rural qu’en milieu urbain (18,7% contre 9,2%), le taux de chômage est, par contre, plus faible chez les jeunes, dans les villes que dans les campagnes (14,7% contre 17,2%). L’emploi informel domine et concerne plus de 80% des actifs. L’emploi est ainsi distribué par secteur d’acti- vités : 40% dans l’agriculture, 25% dans les activités commerciales, 2% dans la fonction publique. Elles sont plus de 100 000 filles âgées de six à dix-sept ans (UNICEF, 2007) engagées comme domesti- ques en Haïti. Plusieurs de ces enfants surtout les filles, confiés par leurs parents qui ne peuvent les nourrir, à des familles à peine plus riches, « sont soumis à des sévices sexuels, psychologiques et psychi- ques, et travaillent dans des condi- tions très dures ». D’après l’étude de l’UNICEF, 11% des familles accueillant ces enfants ont pour leur part laissé leurs propres enfants à d'autres. Alors que l’article 32 de la Convention relative aux droits de l’enfant reconnaît à celui-ci « le droit […] d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail com- portant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social ». Elles sont plus de 100 000 filles âgées de six à dix-sept ans engagées comme domestiques dans des condi- tions très dures de travail et sujettes à des sévices divers 2. Un survol de l’économie haïtienne Le revenu moyen par habitant de 829,6 dollars (BM : 2015) est à peine suffisant pour couvrir les besoins essentiels du citoyen haïtien. Les données sur la pauvreté et les inégalités en Haïti révèlent que la pauvreté (au seuil de 2 dol- lars américains par jour) concerne 76% de la population, et l’extrême pauvreté, (au seuil de 1,25 dollar américain par jour), en affecte 56%. La pauvreté est plus accentuée en milieu rural soit 72% de la popula- tion. Selon l’enquête sur la jeunesse de 2009 (FAFO), 46% des hommes et 39% des femmes ont terminé l’école primaire. Les disparités de revenu en Haïti sont très uploads/Finance/ condition-feminine.pdf
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- Publié le Nov 07, 2022
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