Aglietta et Orléans 1  Les hérétiques à la Schumpeter ont d’autant moins besoi

Aglietta et Orléans 1  Les hérétiques à la Schumpeter ont d’autant moins besoin de justifier socialement leur point d’observation, qu’ils ont la naïveté de croire que la quête de la vérité est reconnue en soi. Certains vont même plus loin. Ils n’ont pas besoin de justifier un point d’observation de l’économie, car la quête de la connaissance pour la connaissance n’est pas liée à une transformation de l’économie. C’est quand le savoir économique se dégrade et devient politico- économique qu’il a besoin de justification. C’est à ceux qui dégradent le savoir en politique à se justifier, pas à eux. Nous retrouvons là la bonne conscience de l’intellectuel en général et du chercheur scientifique en particulier. Ils refusent d’avouer la responsabilité du savoir et accusent les autres, au nom du droit imprescriptible qu’a tout intellectuel de contester le pouvoir. Subrepticement, ils s’arrogent, au passage, le droit d’agir dans la société, sans avoir besoin, socialement, de se justifier.  Ce n’est que récemment que l’on a vu des Schumpétériens s’intéresser de façon directe à la valeur (Aglietta et Orléans). Pour saisir le sens de l’enchainement théorique suscité par le problème de la valeur, il faut prendre conscience des conditions de la socialisation des hommes. Elle nait de la nécessité de maitriser la violence du désir mimétique. L’être en voie d’humanisation est mû par un formidable désir d’imiter l’autre, de le capturer pour se l’approprier. Mais l’autre aussi est mû par le même désir mimétique. Personne n’accepte plus, d’instinct, le rôle de dominé. La stabilité des sociétés animale est rompue. Chaque membre du groupe peu, par la ruse et à l’aide de pierres, abolir la force physique qui permettait autrefois la domination.  Au-delà du sacré, de ses rites et de ses sacrifices, du monarque et de son droit de transgresser les rites, d’user de la violence, peu à peu, les hommes ont tenté de détourner la violence vers les objets. Le vol, le don réciproque et bientôt la monnaie, appartiennent à la domestication tâtonnante de la violence.  L’utilité nait d’une impérieuse nécessité de survie sociale. Elle n’exprime pas les rapports de l’homme avec la nature, mais les rapports sociaux entre les hommes. Afin de détourner la violence du désir mimétique, l’autre désigne un objet qui lui appartient comme substitut de soi-même (et inversement). Nous sommes dans le monde des rites et non de l’économique, du désir et non de la nécessité. Si le rite échoue, le désir montera jusqu’au paroxysme, jusqu’au meurtre …  Cet enracinement dans l’irrationnel, ou plus exactement de l’économie dans le culturel et les rites du sacré, a été refusé par les classiques, les néo-classiques et les marxistes. Ne prenant pas en compte les conditions de la socialisation des hommes, classiques, néo-classiques et marxistes font préexister l’échange à la monnaie. Dans tous les cas, la valeur camoufle les conditions d’apparition de l’économie et, en même temps, justifie un groupe social. Elle oblige les autres groupes à adhérer à la logique qui fonde sa domination. Elle participe au grand mythe du sacré et à l’instauration des interdits, des tabous, du bien et du mal.  Comme nous l’avons vu, peu à peu, les hommes, à travers les rites, ont détourné la violence sur les victimes émissaires et les choses. A travers ce détournement se fonde la société. La monnaie est l’élément qui va faire basculer la socialisation dans l’économie. Par un accord commun, dans un processus identique à celui qui fait de la victime émissaire le facteur de la réconciliation du groupe, un bien est rejeté de la consommation. Il va alors devenir ce que chacun recherche et vers quoi il va détourner sa violence acquisitive.  Ainsi la monnaie n’est pas un bien comme un autre, un moyen d’échange. Elle est une institution sociale, celle qui crée le champ de l’économique, permet son développement et désacralise notre monde tout en entretenant de subtils liens avec le sacré.  La monnaie n’a donc pas été une nécessité économique, mais une nécessité sociale qui fondé l’économique.  Pour que le troc soit possible, il faut que chacun se réfère à une valeur supérieure à l’échange. Or, l’échange est fondé sur un mutuel désir de capture l’autre ; il ne peut parvenir à la stabilité. Il n’y a pas possibilité d’égaliser des évaluations, puisqu’aucun référent extérieur l’échange n’existe, ni valeur-travail ni valeur-utile. L’échange des choses, quand il dépasse le cadre du don rituel ou du vol, ne veut être, sous une forme ou sous une autre, qu’un échange monétaire. uploads/Finance/ aglietta-et-orleans.pdf

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  • Publié le Sep 15, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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