1 Appréhension Juridique de la Prévention des Difficultés de l’Entreprise au Ma

1 Appréhension Juridique de la Prévention des Difficultés de l’Entreprise au Maroc BEL-AMIN SAMIR Docteur en droit des affaires, Enseignant chercheur Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Ain Sebaa, Université Hassan II, Casablanca. Maroc samirbelamin27@gmail.com Résumé- Nul ne conteste le rôle joué par l’entreprise à l’époque contemporaine. Elle représente aujourd’hui un indice mesurant la bonne santé des économies modernes. Ceci s’explique par la pluralité et la diversité des intérêts lui étant inhérents. Cependant, nombreuses sont les difficultés qui peuvent menacer la pérennité de l’entreprise. C’est ainsi que le droit, en cherchant à sauvegarder les intérêts des différents partenaires de l’entreprise, va appréhender de manière particulière la vie de l’entreprise au cours de cette période critique. A l’instar des systèmes juridiques comparés, le droit marocain a connu une refonte remarquablee ayant concerné le livre V du code de commerce et avait pour objet principal, l’expansion de l’étendue de la prévention, en introduisant une procédure supplémentaire dite sauvegarde. C’est ainsi que la présente recherche s’est fixée comme objectif, l’analyse des aspects juridiques préventifs prévus en droit marocain et comparé des difficultés de l’entreprise, et leur impact sur l’amélioration de l’environnement des affaires sachant que le règlement de l’insolvabilité constitue l’un des indices du classement Doing Business établi par la banque mondiale . Mots clés- Difficultés de l’Entreprise ; Prévention ; Sauvegarde ; Redressement ; Continuation ; Cession ; Liquidation judiciaire. INTRODUCTION Le monde d’aujourd’hui est, incontestablement, marqué par l’hégémonie de l’esprit entrepreneurial. Il s’agit d’une conviction, universellement partagée selon laquelle, l’entreprise constitue la pierre angulaire et le moteur de tout développement économique tant personnel que global [1]. L’entreprise n’est plus considérée uniquement comme une entité économique de création de la richesse mais également et principalement un moyen de préservation de la paix sociale. C’est l’opérateur essentiel en termes de création de postes d’emploi de toutes qualifications confondues. Pour cette raison, le royaume du Maroc à l’instar de plusieurs Etats, a entrepris depuis la dernière décennie du siècle écoulé des réformes législatives tendant l’amélioration du climat des affaires, dont l’entreprise représente le noyau dur. Mais la réforme la plus importante est celle qu’a connu le droit des affaires avec l’adoption du code de commerce de 1996[2] tel qu’il a été modifié et complété en 2018 en vertu de la loi 73.17 [3], abrogeant et remplaçant le livre V, relatif aux procédures de prévention et de traitement des difficultés de l’entreprise[4]. Cette réforme qui consacre, bel et bien, la transition d’un droit commercial classique reposant sur la personne du commerçant, comme c’était le cas sous le régime de la faillite contenu au code de commerce de 1913[5], au droit des affaires ou encore droit économique s’articulant autour de l’entreprise. A vrai dire le droit commercial de 1913, a été emprunté pour la plus part au droit français de 1867 reposant sur la sanction du commerçant failli. De même, le code de commerce marocain de 1996 a tiré profit des évolutions du droit français aboutissant à la mise en place de la loi de 1994, en adoptant les deux procédures de prévention et de traitement des difficultés de l’entreprise. Par ailleurs, Si le droit français a adopté la procédure de sauvegarde en 2005[6], il a fallu attendre l’année 2018 pour Copyright 2020 ISSN 1737-9237 International Journal of Business & Economic Strategy (IJBES) Vol. 13 pp. 90-100 2 que le droit marocain l’intègre dans le livre V du code de commerce en vertu de la loi 73.17. Réputée une procédure judiciaire dont l’ouverture est subordonnée au prononcé d’un jugement, la sauvegarde présente une connotation beaucoup plus préventive que curative. Outre son caractère facultatif, Elle peut être enclenchée, alors que l’entreprise ne soit pas encore en cessation des paiements. Ceci dit, si le législateur marocain a élargi le champ de mise en œuvre des procédures de prévention, afin d’empêcher les entreprises à se trouver en situation de cessation des paiements [7], il serait légitime de nous interroger sur la portée préventive da la nouvelle loi sur les difficultés de l’entreprise. En vue d’approcher cette problématique, il s’avère judicieux d’examiner en premier lieu les procédures extrajudiciaires de prévention (I), avant d’envisager la procédure de prévention judiciaire en l’occurrence la sauvegarde (II). Toutes les deux permettront un redressement anticipé des difficultés de l’entreprise et d’éviter, ainsi, le traitement judiciaire à travers les procédures de redressement ou de liquidation judiciaire avec les diverses conséquences susceptibles d’être engendrées [8]. I. LES PROCEDURES EXTRAJUDICIAIRES DE PREVENTION Adoptant une logique médicale inspirée du droit français, le droit marocain a entamé la réglementation des procédures collectives de traitement des difficultés de l’entreprise, par la recherche des causes susceptibles de conduire une entreprise à la cessation des paiements [9]. Il a ainsi préconisé la règle selon laquelle : « prévenir vaut mieux que guérir ». C'est-à-dire la prévention des crises demeure plus garantie et efficace que leur traitement [10]. La promptitude en la remédiation aux difficultés de l’entreprise est susceptible de limiter la dégradation de sa situation ne représentant pas encore la cessation des paiements, soit par le biais de ses structures internes : prévention interne (A) présentant encore des carences, ou à travers l’intervention du président du tribunal de commerce (B), mettant en œuvre divers mécanismes et formalités. A. La prévention interne : persistance d’aspects d’inefficacité La situation sensible de l’entreprise vivant des difficultés et l’état psychologique critique du chef de l’entreprise dû au refus de révéler une difficulté passagère en craignant qu’une telle révélation risque de nuire au crédit de l’entreprise et de créer un mouvement de panique chez les salariés, étaient derrière l’instauration de règles visant le diagnostic anticipé des difficultés[11]. Il s’agit d’un dialogue interne de l’entreprise, seules les parties internes de l’entreprise peuvent s’en informer, les tiers ne doivent pas prendre connaissance ni même le président du tribunal de commerce. L’article 547 du code de commerce a déterminé le champ de mise en œuvre de la prévention interne (1) puis la procédure lui étant afférente (2). 1. Champ d’application assez restreint La procédure de prévention interne s’applique à certaines entreprises (a) faisant face à des difficultés de nature particulière (b). a. Les entreprises concernées par la prévention interne L’article 547 de la loi 73.17, dispose que « lorsque le chef de l’entreprise ne procède pas de son propre chef, au redressement des faits de nature à compromettre l’exploitation, le commissaire aux compte, s’il en existe, ou tous associés dans la société… » Il en découle que la prévention interne ne peut être mise en œuvre que pour les sociétés commerciales dont la désignation du commissaire aux comptes est obligatoire. Il s’agit des sociétés anonymes [12], des autres formes de sociétés commerciales [13] à savoir la société à responsabilité limitée, la société en nom collectif, la société en commandite simple et par actions et la société de participation lorsque son objet est commercial ainsi que les groupements d’intérêt économique à caractère commercial [14]. Sont exclus du champ d’application des procédures de prévention interne : les entreprises individuelles, les groupements d’intérêt économique à caractère civil, la société de participation, l’entrepreneur individuel. Cette attitude du législateur marocain s’avère contradictoire avec l’intitulé du livre V. D’un côté on considère l’entreprise comme critère d’application du régime des procédures collectives et de l’autre, on opte pour la restriction de l’étendue de mise en œuvre de l’une des procédures de ce régime [15]. Le législateur Marocain est resté, malheureusement attaché, dans la détermination des entreprises soumises à la prévention interne, à la logique du droit commercial classique, marqué par la limitation de son champ Copyright 2020 ISSN 1737-9237 International Journal of Business & Economic Strategy (IJBES) Vol. 13 pp. 90-100 3 d’application visant uniquement le commerçant personne physique et la société commerciale [16]. b. Les difficultés devant être informées L’article 547 du code de commerce dispose que la prévention interne peut être enclenchée afin de remédier à « …des faits ou des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, notamment ceux de nature : juridique, économique, financières ou sociales ». Il en ressort que l’article ci-dessus utilise « faits et difficultés » de façon interchangeable. Il a utilisé une expression générale, car il est tellement difficile de dresser une liste exhaustive des difficultés susceptibles de compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise une fois non rétablies, sachant que cette disposition a regroupé ces faits ou difficultés dans le cadre juridique, économique, financier ou social. La condition principale c’est que les faits et les difficultés requérant le recours aux procédures de prévention interne et de prévention de façon générale, ne doivent pas atteindre le stade de la cessation des paiements exigeant ainsi l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Par ailleurs, l’emploi du pluriel « des faits » révèle que l’information ne peut être déclenchée qu’en présence d’un ensemble convergeant de faits significatifs. Ceci dit un fait préoccupant, isolé, peut être contrebalancé par un fait favorable de sens contraire, le déclenchement de l’information serait, donc, inutile [17]. L’information doit être accomplie lorsqu’il y a une rupture de l’équilibre des flux financiers, c'est-à-dire uploads/Finance/ apprehension-juridique-de-la-prevention-des-difficultes-de-l-x27-entreprise-au-maroc 1 .pdf

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  • Publié le Apv 06, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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