FORMATION MÉTHODOLOGIE De l'approche communicative à la perspective actionnelle

FORMATION MÉTHODOLOGIE De l'approche communicative à la perspective actionnelle CHRISTIAN PUREN (France) Le CECR ne prétend pas proposer une méthodologie, Pourtant, une lecture attentive du texte révèle une nette orientation vers la perspective actionnelle, sans doute parce qu'elle semble la mieux adaptée aux besoins linguistiques des citoyens européens" , " A en croire J,L.M, Trim, auteur du Guide d'utilisation (1997) du Cadre européen commun de rifé- rence (désormais < CECR ,) et par ailleurs l'un des concepteurs historiques des Niveaux seuil qui avaient, au début des années 1970, lancé en Europe l'Appro- che communicative (désormais «AC »). la nouvelle cohérence didactique ébau- chée dans ce cadre se situerait dans le simple prolongement de la précédente : {( La perspective privilégiée est de type actionnel. Cette orientation est la marque des travaux du Conseil de l'Europe depuis le début des annëes 70 ; elle considère l'ap- prentissage des langues comme une prépa- ration à une utilisation active de la langue pour communiquer. "L'apprenli!:isage fondé sur la tâche" est, tout naturellement, une tendance forte et croissante dans le cadre de l'approche communicative. » lier. Si les actes de parole se réalisent dans des activités langagières, celles-ci s'ins- crivent elles-mêmes à l'intérieur d'actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification. » (CECR Chap. 2, « Approche retenue », p. 15) On constate dans ces quelques lignes trois « décrochages )') plus ou moins implicites (plus ou moins inconscients ?) par rapport à l'AC: 1) L'exercice de référence de l'AC était la simulation, où l'on demande à l'ap- prenant en classe de faire comme s'il était un usager en société. Or est posée ici une distinction apprentissage/usage suffisamment importante pour être repri- se deux lignes plus bas sous la fotme apprenant/usager, 2) L'AC privilégiait les tâches langagières - et parmi celles- de (se) présenter, demander, informer, etc., c'est-à-dire de réaliser des actes de parole accompagnés, comme il est décrit dans la grammaire fonctionnelle, des notions indispensables (en ,'occurrence l'identité, le lieu, la date .. ,), Or l'agir de référence annoncé dans ce texte du CECR est l'action sociale, c'est-à-dire un agir avec l'autre (par la langue ou autrement, cf, le point 2 ci-dessus), dans lequel les actes de parole ne sont qu'un moyen. Ainsi, « passer une soirée chez de nou- veaux amis » va certes impliquer de se présenter, mais cet acte de parole n'est qu'un moyen au service d'un des objec- tifs sociaux de la soirée, qui est deJaire connaissance. La fin de l'idéologie communicativiste Comme toutes celles qui sont apparues auparavant dans l'histoire de la didacti- que des langues-cultures, cette dernière évolution majeure de la didactique des langues/cultures ne peut se comprendre que par rapport à l'évolution générale des idées; que comme la conséquence, en l'occurrence, d'une remise en cause de l'idéologie communicatÎviste qui avait en son temps permis l'avènement de l'AC (on parlait à l'époque de la< révolution de l'information et de la communication )'» au profit d'un autre systéme d'idées dont le noyau dur est l'action. Cette nouvelle idéologie impulse depuis maintenant une vingtaine d'années - dans de nombreux domaines d'activités sociales telles que le management d'entreprise ou l'admi- nistration publique - ce que l'on appelle une « orientation projet ». Mais le passage suivant du Cadre montre aussi clairement que, chez ses auteurs au moins, le CECR prend de la distance d'avec l'AC des Niveaux seuil: ci les seules tâches com- municatives, d'où le nom donné à cette approche-, Or il est afftrmé ici que f-r ;11 A 1 Nif NANT, 'Joui ~~ RËMONiE' z. ÇA WL» APPRf5N (lRA \.-1' fR.ANMI~ " Un Cadre de n{férence pour "apprentis- sage, l'enseignement et l'évaluation des langues vivantes, transparent, cohérenr et aussi exhaustif que possible, doit se situer par rapport à une représentation d'en- semble crès générale de l'usage et de l'ap- prentissage des langues. La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi, de type actionnel en ce qU'eU e considère avant fOUt l'usager et l'apprenant d'une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circons- tances et un environnemem' donnés, à l'intérieur d'un domaine d'action particu- les tâches ne sont pas seulement lan- gagières, 3) L'a gir de référence de l'AC était un agir sur l'autre par la langue: dans une situa- tion de prise de contact ini- tiale, il s'agit par exe mple 37 LE FRANÇAIS DANS LE MONDE . N°347 2006g "De l'approche communicative à la perspective actionnelle", Le Français dans le Monde n° 347, sept.-oct. 2006, pp. 37-40. Fiche pédagogique correspondante : "Les tâches dans la logique actionnelle", pp. 80-81. Paris : FIPF-CLE international. Republication en ligne avec l'aimable autorisation de la revue : http://www.christianpuren.com/mes-travaux-liste-et-liens/2006g/ FORMATION MÉTHODOLOGIE Je me contenterai ici de pointer trois idées émergentes, mais très convergentes. en les illustrant d'exemples empruntés volontairement à des domaines d'action sociale différents de celui de l'enseigne- menUapprentissage des langues-cultu- res. "Action sociale» sera définie ici comme" action collective à finalité col- lective lI>: ceU e que réalise une équipe pose en émission de fournir à la bonne personne la bonne information au bon moment, et en réception de sélectionner et utiliser la bonne information au bon moment. On disait auparavant que fi: trop d'info nie l'info , . JI faut désormais dire que 1,( trop d'information tue l'action lt . Si auparavant certains parlaient beaucoup dispositifs techniques Facilitant la trans- mission et l·échange. Les analyses pro- duites par les sciences économiques et les sciences de gestion permettent une com- préhension de la dimension humaine et sociale du savoir. Les cbercheurs en sciences de l'information et de la communication ont tenté pendant deux jours de réimégrer la rénexion sur ce partage dans des contextes siruationnels, que ce soit en termes de contraintes structurelles (logiques économiques et sociales) ou d'adapta- tions conjoncrurelles (cri- ses). Dans ces différents types de situations. ils ont en particulier insisté sur la prise en compte nécessaire des dffféren- tes logiques d'action à l'œuvre et de leur dialec- dque. »(je souligne) 3) C'est l'action com- mune, ec non la simple communication, qui est la condition d'une véniable compréhen- sion dcl'Autre dans une entreprise. mais aussi des parents élevant leurs enfants, des joueurs de football sur le terrain, une ONG lors d'une mission humanitaire, un parti politi- que préparant une élection. Ou encore un groupe d'élè- ves travaillant un exposé à présenter devant leurs camarades, et plus généra- lement tout enseignant avec ses apprenants tout au long d'un cours de langue collec- tif, la perspective actionnelle ainsi conçue redonne de plein droit à l'enseignemenU apprentissage scolaire une authenticité que l'approche corrununicative lui a déniée pendant trois décennies. Dans l'approche communicative, la situation de référence d'usage social de la langue est le voyage touristique: modèle typique de la rencontre à la fois ponctuelle et initiale. ODavod sa~ RobtlirWCOfbrs jacques Demorgon a travaillé pendant des années comme ani- 1) La communication ne slfffit pas pour l'action sociale, et peut même la gêner Présentant ce qu'ils appellent • la révolution du travail collaboratif ", les responsables d'une entreprise proposant un fi: collecriciel lt (plate-forme informa- tique spécialement conçue pour cette forme de travail) écrivent, fi: La messagerie électronique est devenue dans la très grande majorité des entrepri- ses le seul outil de coUaboration utilisé par les employés. Mais la messagerie n'est pas un outil de collaboration, c'est un outil de communication, [d'où] le degré de satura- tion extrême auquel est arrivée la plupart des boîtes aux lerrres. » (Mayeticvillage, Livre Blallc, janvier 2(04) Dans la vie privée comme dans la vie professionnelle, l'enjeu en effet n'est plus de communiquer - les moyens tech- niques permettant actuellement à chacun de transmettre à n'importe qui n'im- porte quoi. .. et parfois 1,( du n'importe quoi, (cf. les blogs qui se multiplient sur lntemet, les fi: répondre à tOUS)JI intem- pestifs en courrier électronique, ou enco- re les spams qui envahissent les boites aux lettres électroniques). L'enjeu est désormais de maitriser l'information de manière à la rendre la plus efficace pos- sible pour l'action commune, ce qui sup- 38 LE FRANÇAIS DANS LE MONDE. N°347 pour ne rien dire, de nos jours certains instrumentalisenr les nouvelles techno- logies de la communication de manière à dire beaucoup pour ne rien faire ... 2) C'est l'action sociale qui détenml/e la communication Un chercheur dans le domaine de la communication en entreprise, Amos David, présente ainsi en 2005 ce qu'il considère comme « l'une des évolutions les plus marquantes de ces dernières années dans les domaines de recherche en système d'information» : « [Cette évolution} porte sur l'orientation utilisation de ces systèmes. Il ne s'agit plus simplement de modéUser les informa- tions en fonction de leurs contenus mais ellfollctioll des utilisatiolls qui ell seront .faites. Il faut donc prendre en compte à la fois les caractéristiques Uées aux problè- mes à résoudre par les informations ainsi que les particularités des utilisateurs de ces systèmes. " (p. 35,je souligne) Ce type d'analyse est de plus en plus partagé. Dans la synthèse d'un colloque publiée uploads/Finance/ art-1.pdf

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  • Publié le Fev 05, 2022
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
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