A qui et à quoi sert la comptabilité ? Un état de l'art et quelques réflexions

A qui et à quoi sert la comptabilité ? Un état de l'art et quelques réflexions théoriques pour dépasser le déterminisme des différents paradigmes Dakkam Mohamed Ali, 39e Congrès de l’Association Francophone de Comptabilité́, Nantes, 2018. L’auteur tient à remercier les deux reviseurs anonymes pour leurs commentaires constructifs. Introduction À qui et à quoi sert la comptabilité1 ? 1 Cette question a fait l’objet d’un travail plus approfondi sous forme d’une thèse en sciences de gestion 1 Ce travail s'intéresse aux différents paradigmes en histoire de la comptabilité pour comprendre l’émergence, le développement, les usages et les fonctions de la comptabilité. Dans un premier temps nous avons réalisé un tour d'horizon sur les différents travaux qui se sont penchés sur la question de l'évolution des pratiques et théories comptables. Ce premier travail nous a permis d'élaborer une grille de lecture théorique permettant de dépasser les typologies réductrices de la recherche en histoire de la comptabilité pour aboutir à une typologie valorisante. Ensuite nous nous sommes penchés sur la possibilité de mobiliser des explications à la fois néo- classiques, foucaldiennes et marxistes pour décrire et expliquer les pratiques comptables d’une entreprise. Pour se faire nous proposons d’utiliser une approche transversale qui permet à la fois de mobiliser les postulats de ces travaux mais sans pour autant pêcher dans un déterminisme de quelque sorte soit-il. Cette approche est inspirée des travaux de Flichy, elle doit permettre de saisir à la fois les fonctions rationalistes et les usages sociaux de la comptabilité. Ce cadre de réflexion théorique sur les usages et les fonctions d'une technique proposé par Flichy nécessite bien évidement de tester sa capacité heuristique pour étudier l'évolution des pratiques comptables au sein des entreprises et dans la littérature. Mots clés : comptabilité, contrôle de gestion, histoire, théories. This study looks at different paradigms in accounting history to understand the emergence, development, uses and functions of accounting. Firstly, we gave an overview of the various works that have examined the question of the evolution of accounting practices and theories. This first work allowed us to elaborate a theoretical grid allowing to go beyond the reducing typologies of the research in history of the accounting. Then we looked at the possibility of mobilizing neoclassical, Foucaldian and Marxist framworks to study and explain the developmenet and uses of accounting practices. To do so we propose to use a transversal approach that allows both to mobilize the postulates of these works but without fishing in a determinism of any kind. This approach is inspired by Flichy's work, it must make it possible to grasp both the rationalist functions and the social uses of accounting. This framework of theoretical reflection on the uses and the functions of a technique proposed by Flichy obviously requires to test its heuristic capacity to study the evolution of the accounting practices within the companies and in the literature. Key words: accounting, management control, history, theories. Il s’agit d’une question qui se trouve à la fois au cœur des préoccupations de l’Autorité des Normes Comptables (Haas 2010) mais également pour les chercheurs des sciences de gestion (Meyssonnier 2015). À cette question les réponses ne manquent pas. Ces dernières sont souvent divergentes et comme aucune ne s’impose (Bryer et al. 2005 ; Loft 2005), elles doivent être considérées comme autant d’hypothèses (Colasse 2007, p. 12). Certains auteurs, adeptes d’une approche néo-classique nous diront qu’il s’agit d’un outil de rationalisation. D’autres, en adoptant une approche marxiste nous diront qu’il s’agit plutôt d’un moyen de partage du bénéfice entre les propriétaires dont « les clefs » sont bien gardées par les dirigeants. D’un autre côté, des auteurs adoptant une approche foucaldienne verront dans la comptabilité un outil de discipline et de pouvoir qui dépasse le seul cercle de l’entreprise et qu’il faut inscrire dans un cadre d’analyse globale qui reflète la complexité des sociétés. Ainsi, dès qu’il s’agit de répondre à cette question, le lecteur peut se retrouver rapidement devant une multitude de réponses aussi valables les unes que les autres (Bryer et al., 2005). Ce constat est d’autant plus marqué par l’existence de différentes définitions de la comptabilité. Car, là encore les définitions ne manquent pas. Commençons par évoquer la plus « officielle », celle du Plan Comptable Général qui la définit comme « un système d’organisation de l’information financière permettant de saisir, classer, enregistrer des données de base chiffrées et présenter des états reflétant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entité à la date de clôture » (art. 120-1). À cette définition trop « technicienne », Colasse nous propose une autre plus fonctionnelle. L’auteur considère la comptabilité comme « un instrument de modélisation ou de représentation de l’entreprise qui permet à ses dirigeants de rendre des comptes (bilan, compte de résultat, tableau de flux de trésorerie, notes, annexes, etc.) sur sa situation et ses réalisations à ses différents partenaires économiques et sociaux, les parties prenantes, à son existence, et les aide à prendre leurs décisions la concernant » (Colasse 2007, p. 36). Enfin une dernière définition, moins objective de la comptabilité, nous est proposée par Richard et Colette : « un ensemble de systèmes d’information subjectifs ayant pour objet la mesure de la valeur des moyens et des résultats d’une entité » (Richard et Collette 2008, p. 3). Laquelle de ces définitions est la plus proche de la réalité de la comptabilité ? Difficile de répondre à cette question, d’autant plus qu’il ne s’agit ici que de définitions partielles de la (Dakkam, 2014). Par ailleurs cet article est issu en grande partie des recherches réalisées lors de ce travail de thèse. 2 comptabilité, limitées à une dimension financière. La dimension managériale de la comptabilité (la comptabilité de gestion) est définie par l’ancien Conseil National de la Comptabilité (CNC) comme « un mode de traitement des données qui doit fournir, d’une manière générale, des éléments destinés à faciliter la prise de décision ». L’un des objectifs de la comptabilité de gestion, toujours selon le CNC « consiste en la détermination des bases d’évaluation de certains biens appartenant à l’entreprise. Parmi ces derniers, les stocks représentent une part importante et leur mode d’évaluation a des conséquences directes sur la mesure de la performance de l’entreprise et le jugement que portera le chef d’entreprise sur les responsables, sur les structures et sur les activités ». Une autre approche de la comptabilité de gestion nous est proposée par Bouquin. Ce dernier l’assimile à « un système d’information comptable qui vise à aider les managers et à influencer les comportements en modélisant les relations entre les ressources allouées et consommées et les finalités poursuivies » (Bouquin 2003a, p. 10). Ainsi, qu’il s’agisse de la comptabilité générale (parfois désignée par financière) ou de la comptabilité de gestion (désignée sur certaines périodes comme une comptabilité industrielle puis analytique) il n’existe pas de définition de la comptabilité qui fasse l’unanimité (Colasse, 2010, p. 34). Bouquin, note dans le même sens que la comptabilité de gestion n’est qu’une « vérité relative » et une « construction parmi d’autres possibles » (Bouquin 2008, p. 19). En résumé, la définition de la comptabilité semble être « toujours datée et provisoire » (Colasse, 2010, p. 12). Quant aux fonctions de cette comptabilité, plusieurs auteurs s’accordent à dire que, contrôler et informer, semblent être les deux principales fonctions de la comptabilité. Deux fonctions qui seront régulièrement redéfinies en fonction de l’évolution des caractéristiques et des besoins des sociétés (Meyssonnier 2015) et des attentes des différents acteurs. Ainsi, la comptabilité est loin d’avoir « la passivité d’un objet technique » (Colasse, 2007, p. 6), bien au contraire, elle est en perpétuelle interaction avec son environnement. Sa nature ne peut donc être saisie qu’en référence à cet environnement. Partant de ce constat, nous allons essayer de saisir l’objet de la comptabilité2 à travers les différents paradigmes en histoire de la comptabilité qui ont cherché à étudier l’émergence, le développement, les fonctions et les usages de la comptabilité. De fait notre méthodologie est basée sur analyse exhaustive des recherches relatives à l’évolution de la comptabilité. Cette analyse a abouti à un recensement de 86 articles publiés sur la période 1960-2015, dans 2 Derrière la notion de comptabilité, nous entendons à la fois la comptabilité de gestion et la comptabilité générale. Limitons nous à préciser à ce niveau que le « dualisme » de la comptabilité semble être uniquement idéologique (Colasse, 2010, p. 34). 3 17 revues de type comptable-financière et managériale. Ce dénombrement résulte d’une consultation des bases de données électroniques interrogées à partir de mots-clefs spécifiques. L’objectif de cette revue de la littérature est d’élaborer dans un premier temps une grille de lecture permettant de mieux cerner les apports et les limites de chaque paradigme en histoire de la comptabilité. Dans un deuxième temps nous proposerons à travers les travaux de Flichy un nouveau cadre théorique pour étudier les fonctions et les usages de la comptabilité. 1. Un tour d’horizon des typologies proposées en histoire de la gestion Plusieurs grilles uploads/Finance/ article-congres-afc-2018.pdf

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  • Publié le Fev 19, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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