Chapitre 2 - Du XVème au XVIIIème siècle: les économistes entre l’ordre divin e

Chapitre 2 - Du XVème au XVIIIème siècle: les économistes entre l’ordre divin et l’ordre social Les Mercantilistes La première école d’économistes que nous rencontrons dans cette période et celle que l’on nomme un peu rapidement l’école mercantiliste. Rapidement car cette école correspond plus à un regroupement de penseurs ayant la même sensibilité qu’à un groupe cohérent, homogène et organisé autour d’hypothèses communes et de doctrine partagées. Ce courant de pensée est né au 16ème siècle en Espagne et au Portugal, a connu son apogée au 17ème en France et à disparu définitivement au 18ème siècle étant en complet décalage avec les mutations de la révolution industrielle. Il est né d’un angle de vue identique mais avec des point de départ différents. Il rassemble des auteurs européens vivant en France, en Allemagne, dans la péninsule ibérique ou en Autriche et en Allemagne. Les premiers mercantilistes sont espagnols, portugais et plus anecdotiquement italiens. Leur préoccupation est simple: comment enrichir l'Etat ? Leur réponse est du même ordre: la richesse d'une nation est son stock de métaux précieux. Leur nom est venu de cette réponse: on les nomme les «bullionistes» car ce stock de métaux précieux prend alors la forme de barres (bullion est un mot anglais signifiant or en barres ou or et argent en lingots). Leurs conseils en matière de politique économique sont aussi très simples et peuvent se résumer en trois points (comme le présente L. Ortiz publiant en 1588 un ouvrage considéré comme représentatif de ce courant de pensée et intitulé Mémoire au Roy pour empêcher la sortie de l'or): - il faut interdire la sortie des métaux précieux et encourager leur entrée sur le territoire afin d'enrichir le prince et la nation; - il ne faut acheter à l'étranger que si l'étranger achète aux commerçants nationaux et se protéger par un système douanier efficace; - il faut enfin exploiter au maximum les mines de métaux précieux, au besoin en conquérant les territoires nouveaux. Ce dernier point est d’ailleurs développé de manière différente par les auteurs hispaniques et les auteurs italiens. Giovanni Bénisius Botero (Della cause della grandeza della città, 1598) et Antonio Serra (Bref traité des causes qui font abonder l’or et l’argent dans un pays où il n’y a pas de mines, 1613) insistent sur les manières différentes pour faire entrer les métaux précieux en Italie. La seconde phase.de de développement de ce mode de pensée sera anglaise, hollandaise et de manière plus restreinte, suédoise. Ces auteurs écrivent ou XVIIème siècle lorsque les centres de pouvoir se déplacent vers le nord des côtes atlantiques. Leur préoccupation est la même que celle des auteurs précédents mais leur réponse est différente: la richesse d'une nation et de son prince est sa capacité à être le banquier et le pavillon (au sens du commerce maritime) du monde. Pour ce faire ils proposent trois moyens d’action : - il faut que la nation ait une banque forte et une flotte commerciale efficace ; - la monnaie est un instrument complexe qu’il faut maîtriser en mettant en œuvre une politique monétaire au service du commerce et en évitant la hausse des prix (elle même entraînant une baisse des revenus, des pouvoirs d'achat et des exportations); - le taux d’intérêt doit être peu élevé pour accroître les consommations de tous les biens, y compris les biens de luxe. Leur nom est venu de ces propositions : on les nomme les «commercialistes» car ils mettent l’accent sur le commerce mondial. Josiah Child représente très bien cette pensée en Angleterre: négociant et amiral de la Compagnie des Indes, il préconise une baisse des taux 1 d’intérêt, le développement du commerce et celui de la navigation (A New Discourse of Trade : brief observations concerning trade and interest of money, l688). En même temps il s’interroge sur le fait que cette limitation des taux puisse servir à chasser l’argent hollandais d'Angleterre, argent honni mais néanmoins indispensable ! De la même façon on peut citer Thomas Mun, Charles Davenant ou William Petty pour l'Angleterre et une série d'auteurs réclamant une aide plus forte en direction de la flotte suédoise. La troisième phase de développement de ce mode de pensée sera allemande et autrichienne. Ces auteurs (Von Horneck, Von Schröder) écrivent au XVIIème siècle alors que leurs pays sont à la recherche d'une unité nationale plus forte. Leur préoccupation est là encore la même que celle des auteurs précédents mais leur réponse est différente: la richesse d'une nation et de son prince est sa capacité à s'organiser et à contrôler ses structures commerciales. Leur nom est venu de ces propositions: on les nomme les « caméralistes » car ils mettent l'accent sur les « chambres» (institutions et administrations) et les organisations. La dernière phase de développement de ce mode de pensée sera essentiellement française. Ces auteurs écrivent au XVIIème siècle lorsque la révolution scientifique atteindra son apogée. On les nomme les « industrialistes » car ils mettent l'accent sur la production et les structures industrielles. La France connaissait alors une série de problèmes: - l'absence d'empire américain ne lui permet pas d'assurer une fourniture régulière de métaux précieux ; - le faible contrôle des mers malgré les efforts de la Royale limite son commerce international; - les tensions sociales et les remises en cause de l'ordre royal par les pauvres (révoltes des Croquants du Sud-Ouest en 1636, des Nu-pieds à Coutances en 1637-1639, des sabotiers de Sologne et des « lustucrus » du Boulonnais en 1658 et 1662), les nobles et les élus (frondes des princes et des parlementaires en 1648, conjurations nobiliaires diverses...) déstabilisent l'administration du royaume ; - et enfin, la mauvaise situation financière du roi en 1653 renforcée par des détournements de richesses au profit de l'Angleterre fait douter de ses capacités à gouverner. La France est alors dans une situation dominée par « l'esprit de vertige » (Voltaire). Elle a néanmoins quelques atouts : l’unification de la monnaie en 1640 autour de louis et l’existence d’administrations fortes permettent un contrôle plus efficace des échanges ; le développement des manufactures et l’encouragement à la recherche et aux chercheurs (création de l’académie des sciences en 1658…) renforcent la production même si la révolution scientifique y est moins rapide qu’en Angleterre et si les survivances du corporatisme médiéval sont encore fortes et contraignantes. C’est dans ce cadre que vont écrire les industrialistes. Leur préoccupation est bien entendu la même que celle des auteurs précédents mais leur réponse est différente : la richesse d’une nation et de son prince est sa capacité à produire. Pour ce faire ils proposent six moyens d’action : - le taux d’intérêt doit être peu élevé pour accroître les consommations et les productions de tous les biens; - il faut réduire les coûts de production en particulier, en contrôlant les prix agricoles; - l'emploi doit être privilégié; - et enfin, la monnaie ne doit jouer qu’un rôle de facilitateurs des échanges (« monnaie neutre ») Ces moyens d’action supposent pour ces auteurs : - une centralisation forte des pouvoirs autour d’un absolutisme royal ; 2 - une mobilisation de toutes les forces de la nation pour l'armée en temps de guerre, ou pour le commerce en temps de paix ; - et des mesures d’accompagnement précises comme la mise au point d’instruments comptables et statistiques, le contrôle de l'immigration, la mise au travail des nobles, la confiscation des biens des moines non productifs, la création d’un enseignement technique, le développement de ce que l'on a nommé « la religion du travail », la volonté de découvrir de l'or en dehors des Amériques (contrôlées par les Espagnols et les Portugais) et de la Méditerranée (domaine des pays arabes), la recherche de nouvelles routes de la soie et des épices. Les Réactions face aux mercantilistes Les mercantilismes vont disparaître à la fin du XVII ème siècle. Le mauvais fonctionnement des économies européennes, la pauvreté des mondes agricoles, les guerres et, surtout, le changement de rapport de force entre les puissances vont accompagner sinon provoquer la disparition de ces courants de pensée. Le colbertisme français ne survit pas à la disparition de Colbert vite remplacé par des intendants hostiles (Le Tellier, par exemple) ne partageant pas les mêmes idées de politique économique. Le bullionisme a fini de s'éteindre avec la déclaration d'indépendance du Portugal (1640 et 1665) après la victoire de villaviciosa puis sa mise sous tutelle anglaise (1703) er, surtout avec la perte de colonies ou des comptoirs (mer Rouge, Indes, chine...). Les commercialistes n’ont pas résisté aux guerres et au traité d'Aix la Chapelle (1668). De plus l'intolérance religieuse naissant à partir de 1685 (révocation de l'édit de Nantes en France, soulèvement antijacobine en Angleterre, répressions contre les hérétiques vaudois en Suisse….) remet en cause l'équilibre fragile qui avait été instauré entre l'idéologie catholique et l'idéologie réformée en particulier quant à l'attitude à avoir face à la richesse monétaire. Enfin une série de crises et de tensions apparaît: manipulations monétaires en France (1685) et échec d'une tentative de lancement d'une monnaie « papier uploads/Finance/ chap-1-du-15e-au-18e-siecle-les-economistes-partages-entre-l-x27-ordre-divin-et-l-x27-ordre-social-a.pdf

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  • Publié le Oct 21, 2021
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