François Geoffroy, Pascal Koeberlé 2018-1-Crédit aux PME : les objectifs commer

François Geoffroy, Pascal Koeberlé 2018-1-Crédit aux PME : les objectifs commerciaux influencent les décisions des banquiers Les points forts Il existe une relation entre l’octroi de crédits aux PME et les objectifs commerciaux des banquiers. Une recherche qualitative confirme ce lien et dévoile les pratiques informelles pour stopper, retarder, accepter ou accélérer l’octroi de crédits. Nous apportons une vision pragmatique de l’octroi de financements aux PME en prenant en compte à la fois le fonctionnement des banques et le comportement de leurs cadres. La difficulté à obtenir des financements bancaires est une problématique récurrente qui touche principalement les PME et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les PME sont par nature peu transparentes : d’une part, elles ont du mal à anticiper une gestion globale aussi bien du point de vue commercial que stratégique, opérationnel et humain ; et d’autre part, elles manquent de visibilité du fait de leur business plan peu étayé. Ensuite, la plupart d’entre elles ont une dépendance vis-à-vis d’un client, et de ce fait, le banquier peut douter de la pérennité financière de l’entreprise. Enfin, les PME n’ont pas ou peu accès aux marchés financiers ou à l’autofinancement [1][1]Berger A. N. & Udell G. F. (2002). Small Business Credit…. Cette problématique est le plus souvent appréhendée sous l’angle de l’économie financière. Dans cette perspective, les banques subissent une situation d’asymétrie informationnelle car elles connaissent mal le risque des projets présentés et peuvent par prudence rationner leur offre de financements [2][2]Stiglitz, J. & Weiss, A. (1981). Credit Rationing in Markets…. Une alternative existe : les banques peuvent adopter un financement relationnel et s’orienter vers des relations de long terme afin de mieux évaluer le risque [3][3]Bass, T. & Schrooten, M. (2006). Relationship Banking and SMEs:…. Le financement relationnel est couramment défini comme une démarche de prêt dans laquelle le banquier produit une information soft à partir de la répétition des interactions avec l’entreprise-cliente, ses propriétaires, ses clients et ses fournisseurs [4][4]Berger A. N. & Udell G. F. (2006) ; A More Complete Conceptual… L’enjeu pour le chargé d’affaires entreprise (CAE) en tant qu’intermédiaire de la relation, est de mieux mesurer le risque en anticipant l’évolution de la santé financière et économique de la PME. Pour cette raison, la décision du CAE quant à l’octroi ou non d’un financement, repose sur une information quantitative mais aussi sur son jugement plus qualitatif. L’introduction de paramètres qualitatifs dans la décision crée des marges de manœuvre pour le CAE. Ces paramètres et leur impact sur le comportement du CAE et sur l’octroi de crédits ont été peu étudiés. Existe-t-il d’autres éléments expliquant la décision du CAE dans l’octroi de financements ? Le principal intérêt de ce travail est d’apporter une explication différente, plus gestionnaire, voire sociologique, de l’octroi de crédits aux PME en prenant en compte à la fois le fonctionnement des banques et le comportement de ses cadres. Nous prenons appui sur les résultats d’une recherche qualitative, menée par l’un des auteurs dans une banque française dédiée aux PME, qui montrent l’influence des objectifs commerciaux dans l’attribution de crédits et identifient des pratiques informelles associées. En ce sens, cet article constitue l’une des rares recherches à l’intersection du comportement organisationnel et du management bancaire. Relation bancaire et octroi de crédits Les relations bancaires ont évolué. Passant d’une approche formelle et rigide à une approche informelle et flexible, elles privilégient la confiance, la transmission d’informations et l’innovation. Les banques appellent cela le financement relationnel. Le financement relationnel Le processus d’octroi de crédits L’étape la plus importante du processus d’octroi de crédits est l’évaluation du dossier. À ce stade, le chargé d’affaire analyse l’information quantitative (hard) et qualitative (soft) du dossier pour quantifier le risque du financement [12][12]Berger A. N., Miller N. H., Petersen M. A., Rajan R. G. & Stein…. L’information quantitative est impersonnelle, objective, basée sur des chiffres tels que le bilan, le compte de résultat, le tableau de financement, la cotation Banque de France. Face à cette information, le risque d’une mauvaise interprétation par le banquier est relativement limité. À l’opposé, l’information qualitative est personnelle, subjective, non chiffrée, basée sur le jugement du CAE qui la collecte tout au long de la relation bancaire. Ces deux informations sont complémentaires et généralisées dans le milieu bancaire car elles améliorent la prévision du risque de crédit [13][13]Grunert J., Norden L. & Weber M. (2005). The Role of…. À partir de l’information quantitative, le CAE réalise une analyse financière classique (SIG, BFR, CAF) à l’aide du logiciel interne qui attribue une note (de A+ à G-). Dans un second temps, le CAE mène une analyse qualitative du dossier de financement. Elle est plus ou moins importante selon les pratiques bancaires et son traitement peut être différent : laissé au jugement du CAE ou imposé par le système informatisé. Dans la banque étudiée, la partie qualitative est formalisée dans le logiciel interne en une série de douze questions regroupées sous quatre thèmes : la documentation financière (la méthode comptable employée, le délai de transmission des documents) ; les soutiens financiers (la politique actionnariale, l’existence de pool bancaire) ; l’environnement (le cycle du marché, les parts de marché acquises) ; le management (une stratégie claire, connaissance du secteur d’activité). Les réponses déterminent la note qualitative de l’entreprise (de A+ à G-). Finalement, une moyenne est calculée entre les volets quantitatif et qualitatif de l’analyse (de A+ à G- : A étant un excellent dossier et G une affaire très risquée). La moyenne détermine, outre le montant de crédits demandé, le taux d’intérêt proposé et le niveau de la prise de décision au sein de la banque, comme nous le verrons plus bas. Une observation participante dans un groupe mutualiste Nous avons mené une observation-participante de deux mois dans un centre d’affaires bancaire appartenant à un groupe mutualiste français. Nous l’appellerons dorénavant la Banque du Sud. Ce centre est dédié aux PME qui ont pour la plupart un chiffre d’affaires compris entre 3 et 6 millions d’euros. Aucun secteur n’est exclu sauf les casinos et boîtes de nuit. Les institutionnels peuvent aussi devenir client : mutuelles, assurances, caisses de retraite… Cette structure est dirigée par un directeur d’agence (DA) qui manage et contrôle le travail de sept chargés d’affaires Entreprise. Au quotidien, le CAE est responsable du suivi de son portefeuille de clients (175 entreprises en moyenne par portefeuille). Ainsi, le centre est constitué de sept portefeuilles, représentant 1 226 entreprises-clientes, réparties comme suit : Grandes et Moyennes Surfaces, TPE, PME, Institutionnel, Agriculture, Développement durable et Industrie. Le contrôle du DA porte à la fois sur le suivi commercial et la délégation-crédit. Le suivi commercial est fait par le DA qui vérifie l’atteinte des objectifs commerciaux du centre. Le contrôle de l’activité de crédit s’exerce grâce au principe de délégation-crédit. Dans la Banque du Sud, la délégation est identique pour tous les CAE et ascendante dans la ligne hiérarchique (cf. Tableau 1). Au-delà de sa délégation, le CAE confronte obligatoirement son appréciation à celle du DA. Dans le cas où le financement demandé dépasse la délégation-crédit du DA, alors le dossier est transmis soit au Directeur Marché Entreprise (DME) soit au Comité de Crédits (CC), dont l’avis doit être favorable pour que la décision soit appliquée. Collectivement, les sept CAE observés ont géré sur la période d’étude un portefeuille de 392 entreprises-clientes. Nous avons géré intégralement 21 dossiers de financements et assisté à 7 entretiens entre les CAE et les chefs d’entreprises. Notre recherche vise à comprendre la réalité au travers des observations et des interprétations qu’en font les acteurs qui y sont impliqués. Notre but étant d’appréhender comment le cadre bancaire, via des pratiques informelles, va infléchir sa décision d’octroi de crédits. Pour ce faire, nous avons utilisé un carnet de recherche dans lequel les faits et les comportements observés étaient notés. Une analyse de contenu a été réalisée avec le logiciel d’analyse Nvivo en codant les données présentes dans ce carnet. Nous avons suivi un protocole de traitement des données qui se décompose en un certain nombre d’étapes allant de la pré-analyse à l’interprétation des résultats en passant par le codage et la catégorisation [14] [14]Robert, A. D. & Bouillaguet, A. (2002). L’analyse de contenu,… : Une pré-analyse consiste en une lecture flottante, c’est-à-dire une lecture rapide et intuitive permettant de prendre connaissance des éléments importants du discours. Des lectures flottantes ont été effectuées à plusieurs reprises afin de condenser les données du carnet de bord via une analyse de contenu thématique. Ce travail de condensation vise à synthétiser, trier et organiser les données pour pouvoir ensuite tirer des conclusions. [15] [15]Miles, M. B. & Huberman, A. M. (1991), Analyses des données… Ce qui nous a permis aussi d’identifier les éléments des actions informelles qui décrivent un même thème ou une même pratique. Nous avons ensuite découpé le corpus en « unités d’analyse » à savoir en thèmes. À chaque thème, on a associé des exemples et/ou des citations des CAE illustrant la situation informelle. Une fois tous les thèmes repérés, une lecture uploads/Finance/ charge-d-x27-affiares-entreprises.pdf

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  • Publié le Mar 31, 2021
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
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