L'ÉVOLUTION DU CONFLIT CONJUGAL JACQUES POUJOL ET CLAIRE POUJOL Un conflit est
L'ÉVOLUTION DU CONFLIT CONJUGAL JACQUES POUJOL ET CLAIRE POUJOL Un conflit est vivant, il est porteur d'une dynamique comme en témoigne le vocabulaire qui y a trait : il couve, naît, éclate, explose, s'éteint, etc. Il connaît un début, un développement et une fin. Lorsque celle-ci est négative, elle se traduit par la mort de la relation dans un ou plusieurs domaines: affectif, sexuel, etc. Un conflit de couple traverse des phases bénignes et des phases d'aggravation. Souvent plus virulent dans ses débuts, il présente ensuite une alternance d’orages et de répits. S'il dure longtemps, il perd de son intensité. Mais un élément nouveau peut toujours le relancer comme se raniment les braises d'un feu. D'autre part il peut entraîner d'autres tensions, faire tache d'huile. On pourrait comparer le différend conjugal (lorsqu'il est mal géré) à une maladie du couple dénotant une inadaptation à trois niveaux : à soi-même, au partenaire et à l'environnement. 1. TOUT COMMENCE PAR LA DESILLUSION Ce désenchantement à des degrés plus ou moins importants, qui empoisonne et affaiblit l'amour consiste dans plusieurs éléments : A. La découverte des défauts de l'autre L'amour n'est aveugle qu'un temps. Même avec la meilleure volonté du monde et beaucoup d’amour pour l’autre, il est bien difficile d’être parfait ! Que dire, alors, que faire, quand mon partenaire est obtus, incompréhensif, peu désireux ou incapable de répondre à mon besoin de tendresse et de sécurité ? Une alternative est de devenir exigeant, une autre est de battre en retraite, tout en gardant pour moi mon hostilité. Aucune de ces solutions n’est créative. Avant le mariage, il n’est pas rare que les amoureux s’aperçoivent de petits défauts chez l’autre, mais ceux-ci sont habituellement minimisés. La vie quotidienne fait ressortir les traits de caractère d’un individu et on finit par découvrir des attitudes, de véritables défauts qui se révèlent choquants. Au début, l’amour transcende les frustrations. Anne retrouve constamment les chaussures de l’homme de sa vie au beau milieu du salon. Cela lui rappelle qu’elle est mariée. Mais avec le temps Anne est passée de : « Pourrais-tu ranger tes affaires, mon chéri, s’il te plaît ! » à : « Tu laisses toujours traîner tes affaires ! », et enfin à : « Range tes chaussures, Gérard, sinon je t’étrangle ! ». Ce processus risque fort d’aboutir à : « Je ne supporte plus ton laisser-aller, séparons- nous. » La princesse est déçue de son prince charmant, son rêve est brisé. B. Le sentiment que l’autre ne me comprend pas Mon conjoint me comprend en fonction de sa propre personnalité, de son vécu. Il a toujours l’impression d’être objectif et rationnel alors qu’en fait, spontanément et inconsciemment, ilinterprète mon comportement. Heureusement, avec le temps et une connaissance toujours grandissante de moi-même, normalement la perception qu’il a de moi colle de plus en plus à la réalité. Il n’empêche que j’ai largement eu le temps de me sentir incompris... Ma réaction la plus courante est de me décourager ou de me mettre en colère, d’adresser des reproches ou de me mettre en retrait, plutôt que de chercher à rectifier ses opinions inexactes. C. L'autre m’humilie Il me raille, me méprise, j’ai l'impression de ne pas être considéré alors que c'est un des mes besoins fondamentaux. Il se permet avec moi des paroles ou des attitudes qu’il ne se permettrait nulle part ailleurs… D. Mes attentes légitimes sont frustrées La désillusion naît de ce que l’autre ne répond pas comme je le souhaite aux espérances que je porte en moi. J’ai toujours tendance, d’une part à sacraliser la vie à deux, d’autre part à idéaliser la personne sur qui se sont portés tous mes espoirs. Je finis donc soit par en vouloir ouvertement à l’autre et à l’accuser, soit par refuser d’admettre que j’ai quelque chose contre lui, ce qui porte toujours à conséquence. E. Je me vois transformé en objet Je ne suis plus qu’un simple instrument de plaisir égoïste ou de domination. Je ne suis plus sujet, mais objet. F. Je me demande si je ne me suis pas trompé Je ressens un doute de plus en plus lancinant quant à la justesse du choix de mon partenaire et à la possibilité d’être heureux avec lui. 2. LES REACTIONS A LA DESILLUSION A ces déceptions, chacun réagit selon ses modes habituels de défense : A. L'acceptation Si j’accepte l’autre tel qu’il est, je minimise la déception, l’incident, je lui trouve des excuses ; je prête même attention à d’autres attitudes qui viennent compenser ce sentiment. C’est là une réaction dictée par l’amour. B. La fausse acceptation Au premier abord, cette façon de réagir revêt la même apparence : je nie mon désappointement, je refoule ma frustration, je fais semblant de ne rien voir, je ne montre rien. Malheureusement une tension accumulée et refoulée finit par se décharger, contre moi-même ou bien à propos d’un incident même futile. La tension prend finalement des proportions inattendues. C’est le phénomène du sentiment élastique. C. La fuite Il est aussi possible, consciemment ou non, de refuser d’être déçu. Je m’isole, je me replie sur moi, je cherche en fait à me protéger moi-même. Cet état n’a parfois qu’un caractère passager, mais il risque aussi de se prolonger. Dans ce cas, on aboutit à diverses formes d’oubli, que ce soit dans l’alcool, l’excès de travail, les maladies psychosomatiques, la dépression, etc. Une femme souffrait de dépression dont personne n’arrivait à trouver la cause. Son enfance avait été heureuse, elle n’avait ni problèmes de couple ni difficultés avec son entourage. Sa seule insatisfaction était la maison que son mari avait choisie : elle ne l’aimait pas. Cependant, elle n’en voulait aucunement à son époux. Elle répétait à qui voulait l’entendre qu’il possédait un jugement sûr, qu’il se montrait attentionné et gentil, et qu’elle lui faisait pleinement confiance. C’est son mari qui finit par prendre conscience de la situation : incapable d’exprimer son insatisfaction, elle l’avait enterrée et refusait d’avouer qu’elle lui en voulait. Le problème fondamental ne résidait pas dans le fait que le mari avait acheté une maison qui ne plaisait pas à sa femme, même si cela représentait un facteur important. C’étaient les bases de leur relation qui avaient commencé à montrer des signes de faiblesse : il n’y avait ni compréhension ni communication profondes. Elle avait refoulé ses sentiments et, comme cela se produit dans ces cas-là, ils avaient resurgi sous forme de dépression. D. La recherche active de compensation Si je suis moins passif, je reporte mon affection sur les enfants, je recherche un succès professionnel ou sentimental ; cela va parfois jusqu'à l'organisation d'une double vie. E. La rupture du dialogue Je cohabite dans le silence avec mon partenaire pendant des semaines ou des mois. 3. L'ACCUSATION DE L’AUTRE C’est la réaction la plus courante. Des partenaires ont toujours du mal à se reconnaître en crise. Quand ils y parviennent, c'est aussitôt pour en imputer la faute à l'un des deux ! Pourtant dans toute relation, chacune des deux personnes impliquées est responsable pour sa part de la réussite ou de l'échec de cette relation. Mais dans un couple, l'homme et la femme ont du mal à percevoir leur rôle et leur responsabilité, parce que c'est un domaine très chargé sur le plan affectif, où même le plus clairvoyant perd ses capacités d'analyse. Le constat du désaccord aboutit souvent aux accusations réciproques : c'est l'autre qui est responsable de l'échec du couple. Chacun pense, de bonne foi, qu'il ne fait que réagir au comportement de l'autre, sans le déterminer. C'est un cercle vicieux, un jeu qui se poursuit à l'infini et apparaît lors des séances avec un conseiller conjugal. Ce conseiller est recherché comme un arbitre, on attend de lui qu'il persuade l'autre de ses torts : « Moi, je ne fais que réagir à son attitude, je suis plein(e) de bonne volonté, c'est l'autre qui doit changer. » C'est oublier que toute relation étant interactive, c'est en se remettant soi-même en question que l'on pourra espérer que l'autre évolue. Il y a aussi ceux qui, avec une contrition factice, prennent tous les torts sur eux pour justifier une nouvelle relation extra-conjugale. 4. LA « GUERRE » CONJUGALE C'est un état durable, différent du simple désaccord en ce qu'on n'est plus en mesure de s'en sortir sans aide extérieure. Elle est marquée par : A. L'exaspération permanente Des périodes de calme apparent alternent avec des phases d'explosion. Tout chez l'autre devient irritant, les attitudes, les manies, les tics, les paroles, le rire, la voix. C'est l'inverse de lacristallisation amoureuse qui, selon Stendhal, pare l’être aimé, lors des premières rencontres, de toutes les qualités. On ne parvient plus à camoufler l’agressivité, même en présence de tiers. On affirme être indifférent à l'autre mais en fait on s'acharne à l'épier, à ruiner l'unité du couple. B. La séparation émotionnelle Si l’on n’y prend pas garde, les échanges s’empoisonnent rapidement, la communication se dégrade et revêt alors des formes destructrices : silence, critiques, humiliations, négation uploads/Finance/ conflit-conjugal-poujol-j.pdf
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- Publié le Aoû 12, 2021
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