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HAL Id: hal-02498326 https://hal.science/hal-02498326 Submitted on 4 Mar 2020 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Contexte et violence verbale Claudine Moïse To cite this version: Claudine Moïse. Contexte et violence verbale. Michelle Auzanneau. La mise en œuvre des langues dans l’interaction, L’Harmattan, pp.79-101, 2007. hal-02498326 CONTEXTE ET VIOLENCE VERBALE MOISE CLAUDINE UNIVERSITE D’AVIGNON INTRODUCTION Voilà quelques années que nous cherchons avec notre équipe d’Avignon à cerner dans sa plus grande complexité la notion de violence verbale, largement utilisée dans les médias et dans le cadre de l’Etucation Nationale, quand se généralisent les discours sur l’insécurité, la violence et les difficultés d’intégration. Les actes de langage menaçants (VINCENT, D., 2005) constituent un large champ investi par différentes équipes de recherche de Chambéry à Bruxelles ou Québec pour le monde francophone et participent de la violence verbale. On peut citer, entre autres, l’insulte, le mépris, la mencace, le dénigrement, voire la médisance (MOUGIN, S, 2006). Si nous nous intéressons à tous ces phénomènes et avons travaillé sur le malentendu ou l’insulte par exemple, nous essayons aussi de définir un processus global qui se manifeste dans des « montées en tension », analysables d’un point de vue interactionnel (AUGER, N., FILLOL, V, LOPEZ, J. et MOÏSE, C., 2003). Ce « genre » interactionnel a été très peu décrit si ce n’est à travers « la dispute » (VION, R., 1992 ; TRAVERSO, V., 1996). Nous avons toujours posé comme préalable, dans une perspective classique en ethnographie de la communication, que les pratiques discursives et les interactions étaient à considérer comme des pratiques sociales. Ainsi ce projet nous a poussés à analyser comment, à travers la violence verbale en jeu, les locuteurs donnaient sens à leurs actions et à leurs revendications, et comment ils marquaient des prises de pouvoir ou des positionnements identitaires. Dans une autre mesure, et non des moindres, cette recherche nous a nécessairement obligés à nous poser des questions d’ordre méthodologie et éthique. Comment appréhendrer les données et l’analyse ? Quelle est la place du contexte dans l’analyse ? Est-il Contexte et violence verbale 2 configurant de la violence verbale ? Le chercheur est-il partie prenante du contexte ? C’est cette question du contexte que je voudrais ici aborder pour voir comment il participe de la construction du schéma interactionnel de la violence verbale ou, pour le dire autrement, du processus de montée en tension. Un positionnement théorique Un ancrage sociolinguistique J’ai, à diverses reprises (MOÏSE, C., 2002,2003), posé mes « intentions sociolinguistiques ». Je ne reviendrai pas ici sur les différents champs de la sociolinguistique relatifs à l’histoire même de la discipline si ce n’est pour souligner à la fois combien ils sont divers, allant du variationnisme qui s’est emparé de l’étiquette « sociolinguistique », à celui plus mouvant d’une sociologie du langage. La sociolinguistique variationniste considère les catégories sociales (sexe, âge, origine, catégorie socio-professionnelle) comme préétablies, éléments constitutifs du réel et pouvant rendre compte de variations en langue. Les autres sociolinguistiques, de l’analyse du discours à celle des interactions – même si la position ethnométhodologique n’est pas la même que celle de l’ethnographie de la communication – tentent, dans une certaine mesure, d’appréhender la société à travers la langue, de voir comment les pratiques langagières rendent compte d’activités, de stratégies et de positionnments sociaux, voire de prises de pouvoir. Reste que les approches interactionnelles ne se donnent pas toutes, ni les mêmes visées ni les mêmes prérequis. L’analyse interactionnelle Ce projet sur la violence verbale nous a très vite poussés à savoir ce que nous recherchions à travers l’appréhension des interactions violentes et ce que nous devions considérer comme pertinent dans l’analyse. Pour l’ADI (l’analyse de interactions verbales selon Catherine Kerbrat-Orecchioni) « l’objectif est de comprendre comment les énoncés sont compris (KERBRAT- ORECCHIONI, C., 2005) », et pour l’AC (l’analyse Contexte et violence verbale 3 ethnométhodologique des conversations), il s’agit de comprendre comment les locuteurs construisent et négocient les activité langagières dont ils sont patie prenante. Pour nous, dans la filiation de l’ethnographie de la communication, l’analyse de la violence verbale, notamment dans des relations dissymétriques et institutionnelles, nous permet de mieux cerner les poisitionnements identitaires, les téléscopages idéologiques, les crispations et les tensions sociales. Ainsi, la manifestation et l’analyse de la violence verbale nous renseignent sur le changement social en cours et donc sur notre monde en mouvement. La notion de contexte Les analyses interactionnelles posent de façon traditionnelle le contexte extra-discursif et le contexte intra-discursif. L’ethnométhodologie pose comme un de ses principes (outre la réflexivité – capacité des locuteurs à interpréter les signes qu’ils observent pour construire du sens et donc les interactions - et l’accountability – les faits sont reconnaissables et donc analysables comme tels -), celui de l’indexicalité, en référence au contexte interlocutif, et s’attache donc essentiellement à l’analyse située des interactions. Dans cette perspective, le contexte préexiste moins à l’interaction que l’interaction le détermine et dévoile les éléments pertinents à considérer dans l’analyse, puisque donnés par les locuteurs eux-mêmes. C’est à travers l’analyse des tours de paroles et des indices observables, et non des informations extérieures, que l’on peut saisir comment les locuteurs usent du contexte et donc construisent du sens. Pour ma part, si je ne nie pas que le sens se construit dans l’interaction, je considère que le contexte et donc le positionnement des acteurs nous permettent de mieux comprendre d’une part les mécanismes interactionnels (l’élaboration des thèmes ou topics, les réparations, les évitements, renoncements ou collaborations) constitutifs d’un certain déroulement de la violence verbale et d’autre part les enjeux sociaux de la violence verbale. Ainsi, elle est signifiée Contexte et violence verbale 4 d’un côté par le contexte d'énonciation (le co-texte) mais d’un autre côté, par le contexte social, ethnique, médiatique, symbolique voire psychologique. Si le contexte interactionnel est très vaste, allant du contexte immédiat (où se déroule une altercation) aux discours politiques en circulation par exemple, certains éléments ou facteurs contextuels nous sont apparus incontournables dans l’analyse. Les interactions et les interactants sont pris dans une multitude de liens, de relations qui participent de l’élaboration interactionnelle, au-delà des routines et des contraintes conversationnelles. Il existe donc des contextes hiérarchisés et même si, en leur temps, Fishman et Hymes en ont proposé des taxinomies, il reste toujours, il est vrai, difficile d’en délimiter les frontières (HELLER, M., 1995) et d’en cerner parfois la réelle pertinence. Mais pour ma part, je retiendrai ici certains éléments contextuels récurrents dans nos analyses. Les représentations sociales et la circulation des discours Il est intéressant de comprendre alors comment la montée en tension est liée aussi (comme toute interaction d’ailleurs) à la représentation que l’on se fait de l’autre, (je parle en fonction de ce que je me représente de l’autre et de ce que je me représente de ce que l’autre se représente de moi). Cette représentation pose l'autre dans des formes stéréotypées et réductrices, formes qui se rejouent et se reconstruisent sans cesse dans l'interaction (puisque tu es comme ça, je ne peux te parler autrement). Les représentations sont à la fois sociales et interculturelles et reposent inéluctablement sur la représentation identitaire de l'autre opposée au même. Ces représentations sont d'autant plus efficaces qu'elles sont réactivées, reprises par toute une production collective, qu'elles se diffusent au sein du groupe et le construisent dans des processus interactifs de catégorisation (ce qui « fait » élève, citoyen, client, etc) (MONDADA, L., 1998) et dans les discours rapportés en circulation (HELLER, M., 2002 ; FAIRCLOUGH, N., 1992) La violence verbale pourra émerger dans des refus de catégorisation et dans des renégociations du sens attribué. Ainsi, Contexte et violence verbale 5 on peut dire que les interactions construisent, à un niveau social plus large, des espaces discursifs idéologiques (HELLER, M., 2002) qui servent la reproduction de l’ordre établi et les pouvoirs légitimés. On sait alors que les interactions sont prises dans des formes d’interdiscursivité et dans des discours qui se répondent. Et pour suivre la citation devenue célèbre de M. Pêcheux (1975 :147), le propre de toute formation discursive est de dissimuler, dans la transparence du sens qui s’y forme […], le fait que « ça parle » toujours avant, ailleurs ou indépendamment. On peut alors reconnaître ce qui doit être des interactions entre un enseignant et un élève, entre un père et son fils (consensus idéologique construit par les discours en circulation autour de certaines notions comme la politesse, l’autorité etc…) et toute rupture des enchaînements interactionnels établis et attendus (non respect des tours de parole par exemple), si elle ne peut être renégociée dans l’interaction, pourra basculer dans la montée en tension. uploads/Finance/ contexte-cm.pdf
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- Publié le Dec 24, 2021
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