COVID-19 & TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES Mise en place de mesures

COVID-19 & TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES Mise en place de mesures d'urgence Bassamat FASSI-FIHRI Hanane AIT ADDI Zineb LARAQUI 18 MAI 2020 2 La crise sanitaire du Covid-19 a entraîné une baisse substantielle de l’activité économique consécutive aux mesures de confinement et à la cessation d’activité édictées par le Gouvernement. Elle aura indéniablement pour conséquence une dégradation de la situation économique et une augmentation des défaillances d’entreprises. Le Comité de Veille Économique (CVE) a été chargé d’identifier et de mettre en place des mesures appropriées d’accompagnement des secteurs d’activités les plus impactés. C’est dans ce contexte que doit s’inscrire l’évaluation de la pratique judiciaire des procédures de traitement des difficultés puisque le recours à celles-ci sera démultiplié nonobstant les soutiens financiers mis en place en faveur des entreprises. La législation actuelle, le nombre insuffisant de juridictions spécialisées et le manque de formation spécifique des organes de la procédure ne sont aujourd’hui, manifestement pas en mesure, de prendre en charge le sauvetage des entreprises, la préservation des emplois et l’intérêt des créanciers. Il s’agit d’envisager très rapidement, la mise en place d’un système d’accompagnement efficace et efficient lors de l’ouverture des procédures de traitement des difficultés pour mettre en mesure les juridictions de choisir la procédure appropriée aux difficultés de l’entreprise et les mesures de soutien en faveur des organes de la procédure. La détérioration de la situation de l’entreprise risquant de s’accroître de façon exponentielle, il faudra privilégier une intervention aussi prompte que possible pour soutenir et accompagner les tribunaux de commerce. L’absence d’intervention rapide aura toujours un temps de retard en considération des risques de dégradation de l’activité de l’entreprise. Bassamat Fassi-Fihri 3 SOMMAIRE I. Repenser les demandes d’ouverture de la procédure 9 A. Réglementation 9 B. Pratiques judiciaires 9 C. Recommandations 9 II. Mettre en place un comité de soutien 12 A. Absence d’obstacles juridiques à sa mise en place 12 B. Composition et compétences 12 C. Objectifs 14 D. Engagements 14 III. Contributions du comité lors de l’examen de la demande 15 A. Appréhender les critères juridiques et comptables fondamentaux à l’analyse de la demande 15 1. Réglementation 15 2. Pratiques judiciaires 16 3. Recommandations 18 B. Procéder aux investigations préalables 20 1. Réglementation 20 2. Pratiques judiciaires 21 3. Recommandations 21 C. Mettre en place un site dédié à la publication des jugements d’ouverture 22 1. Réglementation 22 2. Dangerosité du système actuel 22 3. Recommandations 23 4 IV. Contributions du comité à la restructuration de l’entreprise lors de la préparation et de l’analyse du bilan fnancier, économique et social 24 A. Réalités du bilan financier, économique et social de l’entreprise, établi par le syndic 24 1. Réglementation 24 2. Pratiques judiciaires 25 B. Nécessité d’une restructuration globale de l’entreprise en difficulté 26 1. Restructuration fnancière 26 a. Réglementation 26 b. Pratiques judiciaires 27 c. Recommandations 27 2. Restructuration organisationnelle 28 a. Réglementation 28 b. Pratiques judiciaires 28 c. Recommandations 28 3. Restructuration sociale 29 a. Réglementation 29 b. Aspects pratiques 29 c. Recommandations 30 4. Restructuration juridique 30 a. Réglementation 30 b. Aspects pratiques 31 c. Recommandations 31 5. Restructuration opérationnelle 32 a. Réglementation 32 b. Aspects pratiques 33 c. Recommandations 34 V. Conclusion 36 VI. ANNEXES 37 SOMMAIRE 5 Contexte Objectif de la législation actuelle La loi relative aux mesures de traitement des difficultés s’inscrit dans la volonté de : Préserver le tissu économique des entreprises marocaines, Aider les entreprises en difficultés, Protéger les emplois et l’écosystème (clients, fournisseurs, établissements financiers, prestataires, etc.). L’urgence de préserver le tissu économique L ’insolvabilité doit être traitée de façon ordonnée, rapide et efficace, afin de ne pas perturber inutilement l’entreprise, et contribuer à maximiser la valeur des actifs. Tout le processus doit être soigneusement pensé afin de viser à liquider les entreprises non viables et inefficaces, et à assurer la survie de celles qui sont potentiellement viables. Il s’agit de tenter rapidement et par tous les moyens de préserver le tissu économique puisque le droit des entreprises en difficulté est étroitement lié à la conjoncture économique pour concilier : Le sauvetage de l’entreprise La préservation des emplois La prise en compte de l’intérêt des créanciers Genèse Le Code de commerce1 a pris en compte les difficultés des entreprises dès 1996 par une nouvelle approche moderne, marquée par la primauté de l’aspect économique sur l’aspect juridique, le législateur marocain s’inspirant largement de la législation française a voulu privilégier la prévention des entreprises en difficulté pour éviter le risque de liquidation. 1 Loi n° 15-95 promulguée le 1er août 1996 formant Code de commerce 6 Baisse vertigineuse du classement du Maroc dans le rapport Doing Business (DB) Après plus de vingt ans, la pratique a révélé que le recours aux procédures de prévention (prévention interne et règlement amiable) était quasi inexistant, et que la majeure partie des procédures de traitement des difficultés aboutissait à la liquidation judiciaire des entreprises. Ce constat néfaste a été relevé plusieurs fois dans le rapport annuel Doing Business de la Banque Mondiale qui consacre un indicateur spécifique au règlement de l’insolvabilité2, il précise que les créanciers ne parviennent à recouvrer que 28% de leurs créances, avec des délais de recouvrement extrêmement longs, par rapport à des pays à niveau de développement économique comparable. Ce rapport, a considéré qu’il s’agissait d’un facteur manifeste d’insécurité juridique nuisible au climat des affaires et à l’investissement au Maroc, ce qui a fortement impacté la note et a conduit à un classement très désavantageux et une perte de 63 points entre 2012 et 20163. Une nouvelle loi au chevet des procédures collectives… Afin de remédier à cet échec et d’améliorer cette notation, le législateur marocain s’est empressé d’apporter une réforme au Livre V du Code de commerce en édictant la loi n°73-17 promulguée le 17 Avril 2018, abrogeant et remplaçant le Titre V de la loi n° 15-95 formant Code de commerce relatif aux difficultés de l΄entreprise. … Et au chevet de la notation DB du Maroc Cette loi, promulguée à la hâte a été élaborée et votée sans que l’on ait pris la mesure de l’efficacité du Livre V de 1995 mais a toutefois permis d’améliorer considérablement le classement pour l’indicateur « Resolving Insolvency » de Doing Business par sa simple promulgation, puisque ce dernier est passé de la 134ème à la 71ème place entre 2018 et 20194, bien que l’efficacité de ces dernières innovations ne peut être véritablement mesurée à ce jour. Même en l’absence d’un système de traitement informatisé des données pour juger de l’efficience réelle des procédures collectives, l’échec de celles-ci dans la pratique est avéré. En effet, une loi considérée moderne doit pouvoir faciliter l’accès aux procédures, et ne peut pêcher par manque de critères clairs et objectifs susceptibles de recenser, préserver et recouvrer des actifs et les droits devant servir à apurer les dettes. Elle doit être efficace et effective en mettant en mesure le débiteur et ses créanciers de participer de la manière la plus rapide et la plus économique possible, avec l’assistance de professionnels pour aboutir tant à une restructuration qu’au règlement des créanciers. 2 Doingbusiness.org “Resolving insolvency” 3 Cnea.ma dossier de presse 2016 4 Cnea, “Evolution du classement du Maroc sur l’indicateur règlement de l’insolvabilité”. 7 Une décentralisation insuffisante Le traitement des difficultés des entreprises est dévolu aux juridictions commerciales. Or il n’existe actuellement que huit tribunaux de commerce au Maroc (situés à Rabat, Casablanca, Fès, Tanger, Marrakech, Agadir, Oujda et Meknès) et trois Cours d’Appel de Commerce (situées à Casablanca, Fès et Marrakech). Chaque tribunal de commerce couvre un large ressort territorial.5 Une formation initiale incomplète, et une spécialisation inexistante des organes de la procédure La législation marocaine du traitement des difficultés des entreprises est largement inspirée des lois et ordonnances françaises aussi il semble judicieux de comparer la catégorie et la formation des juges en charge de ces procédures pour se convaincre de l’insuffisance de la formation qui leur est prodiguée eu égard à la difficulté de la matière et à sa technicité. Un tableau comparatif des attributions6 ainsi qu’un comparatif des formations7 complète cette analyse. Le syndic est l’un des principaux organes de la procédure, le Code de commerce a été élaboré sans tenir compte de la mise en place d’une formation spécifique préalable alors que dans d’autres pays, il doit avoir bénéficié d΄une formation complète pour connaître à la fois de la procédure judiciaire et de l΄activité de commerce que pratique les entreprises, avoir des connaissances en droit mais également en gestion d΄entreprise, en finance et en comptabilité, être en mesure de discuter avec de nombreux interlocuteurs : délégués du personnel, tribunal, chef d΄entreprise, fournisseurs... Au Maroc, le syndic désigné peut être un agent du greffe ou encore un expert choisi dans la liste des experts assermentés. 5 Décret n° 2-97-771 du 25 joumada II 1418 (28 octobre 1997) fixant le nombre, le siège et le ressort des tribunaux de commerce et des cours d'appel de commerce. 6 Annexe 1: Comparatif des attributions des organes de procédure au Maroc et en France. 7 Annexe 2: uploads/Finance/ difficultes-des-entreprises-mesures-d-x27-urgence-pdf 2 .pdf

  • 31
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Dec 24, 2022
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
  • Taille du fichier 2.4133MB