1 Nations Unies Commission Economique et Sociale pour l’Asie occidentale ESCWA

1 Nations Unies Commission Economique et Sociale pour l’Asie occidentale ESCWA SEMINAIRE SUR LES ACCORDS INTERNATIONAUX D'INVESTISSEMENT ET LE REGLEMENT DES DIFFERENDS INVESTISSEURS / PAYS D‟ACCUEIL Rabat 5-7 juin 2013 Cours du Dr. Walid BEN HAMIDA Maître de conférences en Droit à Sciences Po, Paris et à l’Université Evry Val d’Essonne Email : benhamida@gmail.com 2 La notion d’investissement et d’investisseur dans la jurisprudence arbitrale récente Dr. Walid BEN HAMIDA 1. La notion d‟investissement est au cœur du système du CIRDI. Elle figure parmi les termes qui désignent cette institution arbitrale – Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements-. Elle détermine la compétence des tribunaux arbitraux statuant sous les auspices du CIRDI. En effet, selon l‟article 25, (1), seuls les différends d'ordre juridique entre un Etat ….et le ressortissant d'un autre Etat contractant qui sont en relation directe avec un investissement peuvent être soumis à l‟arbitrage du CIRDI. Pour autant en dépit de ce rôle central, aucune définition de l‟"investissement" ne figure dans le texte de la Convention de Washington. Lors des travaux préparatoires, plusieurs raisons ont été invoquées pour expliquer cette carence. On a évoqué l‟imprécision de la notion d‟investissement et le désaccord entre les Etats sur son contenu. On a fait remarquer que cette notion était très évolutive et qu‟il serait inopportun de limiter la compétence du CIRDI. Certains auteurs comme M. Delaume1 expliquent cette lacune par le fait que les parties peuvent décider elles-mêmes de ce qui constitue un investissement, soit explicitement, soit implicitement en consentant à l‟arbitrage CIRDI. 2. En l‟absence d‟une définition conventionnelle, c‟est aux tribunaux statuant sous les auspices du CIRDI qu‟est revenue la tâche de définir l‟investissement protégé par le CIRDI. Deux théories ont été élaborées pour cette fin : la théorie subjective ou volontariste et la théorie objective ou autonome. 3. La théorie subjective consiste à déduire l‟existence d‟un investissement au sens de la Convention de Washington du seul accord des parties. Elle conduit à la fusion de la condition d‟investissement avec celle relative au consentement. Il en découle que le CIRDI sera compétent dès que les parties implicitement ou explicitement, en consentant à l‟arbitrage dans un contrat, dans un traité de protection d‟investissement ou dans une loi nationale d‟investissement, considèrent que l‟opération litigieuse est constitutive d‟un investissement. La théorie subjective semble trouver un écho dans le rapport des administrateurs de la Banque qui dispose qu‟ « Il n'a pas été jugé nécessaire de définir le terme « investissement », compte tenu du fait que le consentement des parties constitue une condition essentielle et compte tenu 1 Delaume (G.), ICSID and the transnational financial community, ICSID Rev. 1986, p. 237. 3 du mécanisme par lequel les Etats contractants peuvent, s'ils le désirent, indiquer à l'avance les catégories de différends qu'ils seraient ou ne seraient pas prêts à soumettre au Centre (article 25(4)) »2. Elle a été suivie dans les affaires Antoine Goetz et autres c./ République de Burundi3 et dans l‟affaire Middle East Shipping and Handling c./ Egypte4. Dans ces deux affaires, les tribunaux arbitraux se sont contentés de vérifier si l‟opération litigieuse est visée par l‟accord arbitral des parties pour la qualifier d‟investissement protégé au sens de la Convention de CIRDI. 4. La théorie objective, en revanche, pose des critères autonomes ou objectifs à la qualification d‟investissement. La qualification d‟investissement ne dépend pas de la volonté des parties ou de leur consentement à l‟arbitrage mais de la réunion des critères objectifs qui constituent au regard de la Convention de Washington la définition de l‟investissement. La décision Salini c/ Maroc5 contient la première définition objective générale de la notion d‟investissement qui a été reprise par les décisions postérieures. Le tribunal arbitral a jugé que l‟investissement au sens de la Convention de Washington supposait « des apports, une certaine durée d’exécution et une participation aux risques de l’opération ». Il a également ajouté à ces conditions, en se référant au préambule de la Convention de Washington, une condition relative à « la contribution au développement économique de l’Etat d’accueil de l’investisseur ». Connue sous nom de « critères Salini », cette définition objective, fondées sur les 4 critères cumulatifs évoqués a été reprise par les tribunaux arbitraux statuant des les affaires Consortium R.F.C.C. c./ Maroc6, Joy Mining c./ Egypte7 et Jan de Nul N.V. & Dredging International N.V. c. Égypte8. On retient plus particulièrement que dans l‟affaire Joy Mining, les arbitres affirment que « 49. Le fait que la Convention n'ait pas défini la notion d'investissement ne signifie pas que tout ce que les parties auront été d'accord pour qualifier d'investissement entrera dans la notion d'investissement au sens de la Convention…la liberté 2 § 27, Rapport disponible sur le site [http://www.worldbank.org/icsid/basicdoc-fra/partB- section05.htm] 3 Antoine Goetz and others v. Republic of Burundi, ICSID Case No. ARB/95/3, February 10, 1999, 15 ICSID Rev. 457 (2000). 4 Middle East Cement Shipping and Handling Co. S.A. v. Arab Republic of Egypt, ICSID Case No. ARB/99/6, April 12, 2002, 18 ICSID Rev. 602 (2003). 5 Décision rendue le 23 juillet 2001, JDI 2002, p. 196. Commentaire d‟E Gaillard. 6 Consortium R.F.C.C. c./ Maroc, , ICSID Case No. ARB/00/6, Décision sur la compétence, 1er juillet 2001, , paras. 58–66, available at <www.worldbank.org/icsid/cases>. 7 17 Joy Mining Machinery Ltd. v. Arab Republic of Egypt, ICSID Case No. ARB/03/11, Award of August 6,2004, available at www.asil.org/ilib/JoyMining_Egypt.pdf, traduction et commenatire d‟E Gaillard, JDI 2005, p. 163. 8 Jan de Nul N.V. & Dredging International N.V. c. Égypte (2006), Affaire no ARB/04/13 (CIRDI), décision du 16 juin 2006 sur la compétence, <www.investmentclaims.com> 4 des parties de définir un investissement connaît certaines limites, si elles souhaitent donner compétence à un tribunal CIRDI. Les parties à un litige ne peuvent pas, au moyen d'un contrat ou d'un traité, qualifier d'investissement aux fins de la compétence du Centre, quelque chose qui ne satisfait pas aux conditions objectives de l'article 25 de la Convention. Si tel n'était pas le cas, l'article 25 et la condition d'investissement qu'il pose, même si celui-ci n'est pas défini précisément, perdrait toute signification »9. Soulignant la constance de cette jurisprudence, certains auteurs ont évoqué que « le ce test objectif inaugurée par la jurisprudence Salini constitue la colonne vertébrale de l‟analyse de la notion d‟investissement au sens de la Convention de Washington »10. Cependant, dans les affaires, Consortium Groupement L.E.S.I.- DIPENTA c./ Algérie11 et L.E.S.I. S.p.A. et ASTALDI S.p.A. c./ Algérie12 , tout en reconnaissant le caractère objectif de la définition de l‟investissement au sens de la Convention de Washington, divergent sur l‟un de ses critères. En effet, les deux tribunaux déclarent qu‟«.. il paraît conforme à l’objectif auquel répond la Convention qu’un contrat, pour constituer un investissement au sens de la disposition, remplisse les trois conditions suivantes ; il faut a) que le contractant ait effectué un apport dans le pays concerné, b) que cet apport porte sur une certaine durée, et c) qu’il comporte pour celui qui le fait un certain risque ». En ce qui concerne le critère de participation de l‟investissement au développement, les deux tribunaux, prenant ainsi leur distance des critères Salini affirment qu‟ « Il ne paraît en revanche pas nécessaire qu‟il réponde en plus spécialement à la promotion économique du pays, une condition de toute façon difficile à établir et implicitement couverte par les trois éléments retenus »13. La même approche a été retenue dans l‟affaire Bayindir c/ Pakistan qui observe que « [c]omme cela a été affirmé par le tribunal ayant statué dans l‟affaire Lesi, cette [quatrième] condition est 9 § 49-50. 10 Dany Khait H 11 Consortium Groupement L.E.S.I.- DIPENTA v. Algeria , ICSID Case No. ARB/03/08 (Algeria/Italy BIT )-Award, 10 January 2005 (French). 12 L.E.S.I. S.p.A. et ASTALDI S.p.A. v. Algeria, ICSID Case No. ARB/05/3 (Italy/Algeria BIT). 12 3. 12 § 49-50. 12 Consortium Groupement L.E.S.I.- DIPENTA v. Algeria , ICSID Case No. ARB/03/08 (Algeria/Italy BIT )-Award, 10 Decision, 12 July 2006 (French). 13 § 13-15. See also Bayindir Insaat Turizm Ticaret Ve Sanayi A.S. v. Islamic Republic of Pakistan, ICSID Case No. ARB/03/29, Decision on Jurisdiction of November 14, 2005, § 137. 5 souvent d‟ores et déjà incluse dans les trois conditions classiques énoncées dans le “ critère Salini ”»14. 5. Depuis la parution de notre dernière chronique, trois décisions et sentences ont portée sur l‟interprétation de cette notion. Leur lecture ne fait que prolonger l‟état de fluctuation et d‟hésitation qui a caractérisé la définition de cette notion. Nous allons les commenter chronologiquement. I) 1er novembre 2006 : La décision M. Patrick Mitchell et le retour aux critères de Salini 6. Rendue dans un contexte d‟hésitations permanentes, la décision Patrick Mitchelle confirme le caractère objectif de la définition de l‟investissement et revalorise le critère de participation au développement. 7. M. Patrick Mitchell, ressortissant américain, était actionnaire du cabinet d‟avocats « Mitchell et associés » installé en République démocratique du Congo (« ci-après RDC »). Il a prétendu avoir été exproprié pendant une opération militaire menée par les forces armées. Il a engagé un arbitrage CIRDI sur le fondement du uploads/Finance/ evolution-cirdi.pdf

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  • Publié le Nov 18, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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