7 Chapitre 1 Éléments d’histoire de la pensée économique 1. Qu’est-ce que l’éco
7 Chapitre 1 Éléments d’histoire de la pensée économique 1. Qu’est-ce que l’économie ? Une première approche 1.1. Origine et évolution du terme « économie » Issu du grec ancien « oikonomia » le terme « économie » désigne à l’origine l’art d’administrer la maison. C’est le philosophe grec Aristote (384-322 av. J.C.), qui le premier élargit le concept à l’art de bien gérer la cité antique, donc l’État et la société dans son ensemble. Depuis l’ «économie » a connu différentes acceptions particulières. Au XVIe siècle, le Français Antoine de Montchrestien 1 publie son Traité d’économie politique. Depuis l’économie politique désigne jusqu’à nos jours l’étude du fonctionnement matériel des sociétés et plus particulièrement des modalités d’action de l’État dans ce domaine. L’économiste apparaît, dès lors comme le « conseiller du Prince » dans les domaines d’intervention de l’État: réglementation économique, fiscalité, etc. À partir du XIXe siècle le qualificatif « politique » a été jugé trop normatif et nombre d’économistes ont préféré utiliser le terme de « science économique » (au singulier ou au pluriel). En effet certains économistes veulent faire passer leur discipline du statut d’art plus ou moins empirique à celui de science. De nos jours l’« économie », l’« économie politique », la (les) « science(s) économique(s) », l’« économique » sont des appellations qui coexistent et désignent (avec des nuances) le même objet. 1 Antoine de Montchrestien, 1576-1621. 7 8 1.2. L’économie, branche des sciences humaines et sociales Doc.1. L’économie dans les sciences sociales Philosophie Sciences Mathématiques humaines Linguistique Psychologie Sciences Histoire Géographie sociales humaine Sciences Sciences Sciences Sociologie juridiques économiques politiques Microéconomie Macroéconomie Le schéma ci-dessus indique la place que l’économie tient dans le domaine de la connaissance. En tant que science, l’économie vise à expliquer une réalité à partir d’une démarche rationnelle et systématique : observation et interprétation des faits ; formulation d’hypothèses et déduction ; vérification et rejet ou adoption (toujours provisoire) des conclusions. Par cette démarche la science économique est semblable aux autres sciences hypothético-déductives. Mais c’est une science sociale, tout comme la sociologie, les sciences politiques et les sciences juridiques, ce qui la différencie des sciences de la nature sur trois points essentiels : • Son objet d’analyse évolue rapidement ; il est même fuyant, car la société est en perpétuel, et parfois très rapide, changement, contrairement à la nature, immuable du moins à l’échelle humaine. • Conséquence : en règle générale, si l’on excepte quelques expériences de psychologie économique, les situations étudiées par l’économiste ne sont pas reproductibles, ce qui différencie l’économie, comme les autres sciences sociales, des sciences « dures », qui utilisent la méthode expérimentale pour valider leurs hypothèses. L’on dit parfois que « le laboratoire de l’économie c’est l’Histoire », mais on sait que celle-ci ne se reproduit jamais à l’identique, que tout au plus, elle « bégaie ». C’est donc là, pour l’économiste un obstacle de taille qui peut limiter la portée de ses analyses dans le temps et dans l’espace et l’oblige à « remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier ». Il ne 8 9 faut donc pas s’étonner de la succession des écoles de pensée économique : elle est, en grande partie, la conséquence de l’évolution historique des sociétés. • Enfin, l’économie n’est pas une science « froide » : il ne peut pas y avoir, entre l’économiste et son objet d’étude, la distance qui existe entre l’astronome et les étoiles, qu’il observe, ou le biologiste et la grenouille, qu’il dissèque. L’économiste fait lui-même partie de l’objet qu’il étudie, puisqu’il est d’une époque, d’une certaine société, d’une certaine classe sociale ; il a ses affects et ses propres intérêts, dont il lui est difficile de se détacher. L’économie est donc une science « passionnelle ». Ces caractéristiques font que, d’une époque à une autre et d’un économiste à un autre, en examinant un même problème, les hypothèses, les analyses et les conclusions pourront être différentes. Ceci ne doit cependant pas conduire à un relativisme qui renvoie chacun dos à dos : l’Histoire, bien que n’étant pas véritablement un laboratoire scientifique, se charge de faire le tri entre les théories qui se trouvent validées dans les faits et celles qui ne correspondent pas à la réalité observée de manière objective. Ces questions épistémologiques seront quelque peu approfondies au §1.4, ci- dessous. Pour l’heure demandons-nous plus précisément ce qu’est l’économie. 1.3. Une définition de l’économie (parmi d’autres) L’économie recherche comment les hommes et la société décident, en faisant ou non usage de la monnaie, d’affecter des ressources productives rares (qui sont susceptibles d’emplois alternatifs) à la production à travers le temps, de biens et services variés et de répartir ceux-ci, à des fins de consommation présente ou future, entre les différents individus et groupes constituant la société. Paul A. Samuelson 2, L’économique, éd. A. Colin, 1972. Cette définition met en évidence un certain nombre de notions essentielles : L’usage de la monnaie. Dans l’économie des sociétés traditionnelles ou primitives, la monnaie ne tient qu’une place restreinte ou nulle : le don, le contre-don, le troc jouent un rôle prépondérant. Par contre dans nos sociétés contemporaines et développées, la plupart des opérations économiques utilisent la monnaie. Néanmoins, il en est qui ne passent pas par son truchement : c’est le cas par exemple des activités domestiques (éducation des enfants, ménage, lavage, etc.) à l’intérieur desquelles la monnaie n’intervient pas. L’économie domestique, bien que ne faisant pas usage de la monnaie, n’en constitue pas moins une base essentielle 2 Paul A. Samuelson, économiste américain (1915-2009) prix « Nobel » d’économie en 1970. 9 10 du fonctionnement matériel de la société et peut, à ce titre, intéresser l’économiste. La notion de ressources productives rares Pour produire un bien ou un service quelconque, il est nécessaire d’utiliser des ressources productives telles que du pétrole pour fabriquer des engrais, des matières plastiques, des carburants, et bien d’autres produits ; du fer et du coke issu du charbon, pour fabriquer de l’acier, etc. Il faut aussi du travail humain, car les machines ne fonctionnent pas toutes seules ni ne se reproduisent d’elles- mêmes. Or toutes ces ressources productives sont en quantités limitées. Elles sont rares, c’est pourquoi elles ont un coût et donc généralement un prix. L’emploi de ces ressources rares est alternatif. La tonne de pétrole qui a permis de produire x hectolitres de fioul, gasoil, essence, etc. ne peut être également utilisée pour entrer dans la fabrication d’engrais ou de matières plastiques, elle doit faire l’objet d’un choix alternatif dans lequel l’économiste a son mot à dire en fonction des résultats recherchés, un choix en termes de comparaison entre le coût de la production et son efficacité. Un bien n’est qualifié d’économique que dans la mesure, justement où il est rare et a un coût. La lumière solaire, l’air que nous respirons, la mer où nous nous baignons sont des biens en principe libres et gratuits ; en tant que tels ils n’intéressent pas l’économiste. Par contre si la lumière naturelle, l’air pur, le libre accès au rivage font défaut et qu’il faille produire de la lumière artificielle, assainir l’air, aménager l’accès à la plage, il y a production humaine d’un bien et ce bien, lumière, air, etc. devient économique. On voit donc que la notion économique de production désigne la transformation par l’activité humaine de biens et services en d’autres biens et services. Les biens sont matériels (acier, automobiles, immeubles…) les services sont immatériels (soins médicaux, cours d’économie, plaidoiries d’avocats…). Néanmoins, pour être produits, les services, nécessitent une certaine quantité de biens matériels tels que des ordinateurs, une craie et un tableau noir, etc. Inversement la production de biens matériels exige des services de recherche, d’entretien des machines, etc. Pour faire bref, la consommation est la destruction par l’usage de biens et de services. On distingue la consommation finale de la consommation intermédiaire : • Un bien ou un service fait l’objet d’une consommation finale quand il satisfait un besoin (alimentation, habillement, logement, etc.) sans entrer dans la production d’un autre bien ou service. • Par contre, un bien ou service constitue une consommation intermédiaire lorsqu’il sert à la production d’un autre bien ou service. Tel est le cas d’une matière première, d’un produit énergétique, etc. qui entrent dans une combinaison productive. La production conduit à la création de richesses qui sont réparties entre les habitants. Cette répartition, le plus souvent inégale, entre les individus et les groupes sociaux, est également un sujet d’étude pour les économistes. 10 11 Depuis 1933, à la suite des propositions de l’économiste norvégien Ragnar Frisch3, les sciences économiques se subdivisent en microéconomie et macroéconomie : • La microéconomie étudie le comportement des agents économiques tels que, par exemple, les ménages et les entreprises qui se « rencontrent » sur des marchés : marché du travail, marché des biens de consommation, etc. L’approche microéconomique des phénomènes repose le plus souvent sur l’hypothèse que les agents sont rationnels et utilitaristes (ils recherchent le « meilleur uploads/Finance/ extrait 15 .pdf
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- Publié le Apv 05, 2021
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