Article J.J. BENAIEM Finance d’entreprise et management stratégique : l’union l
Article J.J. BENAIEM Finance d’entreprise et management stratégique : l’union libre LA finance et la stratégie vivent-elles en couple ? Tout porte à le croire si on observe les liens étroits qui unissent ces deux disciplines dans la vie des affaires. Ainsi, le géant de la distribution en ligne, Amazon, a décidé de modifier radicalement sa stratégie en se portant acquéreur de la chaîne de supermarchés bio Whole Foods. Amazon voit désormais son avenir dans la distribution alimentaire et dans des magasins « en dur ». Pour ce faire, il a annoncé la levée d’un emprunt d’un montant exceptionnel de 16 milliards de dollars sur les marchés financiers. Toute nouvelle stratégie implique de trouver des financements appropriés. Pourtant, ces deux disciplines semblent évoluer isolément. Jalouses de leur indépendance, elles préfèrent mettre en avant leurs spécificités plutôt que leur complémentarité. Elles ont recours à des théories différentes et elles mobilisent des pratiques distinctes. Depuis Marie De Médicis, chacun sait que l’argent est le nerf de la guerre et les auteurs en stratégie relèvent nombre de similitudes entre le management stratégique et ce qu’ils nomment « l’art de la guerre ». On pourrait logiquement en déduire que la finance est un instrument au service des desseins stratégiques. Sauf que les financiers ne l’entendent pas ainsi. Ils ont développé leur cursus théorique et mis en œuvre des techniques qui leur sont propres pour créer de la valeur sans mettre en œuvre de stratégie commerciale comme par exemple le rachat d’actions quand l’entreprise est cotée en bourse, ce qui peut s’analyser comme un manque d’imagination ou d’audace stratégique. Ce duel permanent entre la stratégie et la finance semble avoir tourné en faveur de la finance depuis les années 80 mais les maîtres de la finance devraient rester vigilants car chassez la stratégie ; à la longue, elle finira toujours par s’imposer. Des disciplines qui évoluent en toute indépendance mais qui explorent des territoires communs Deux disciplines qui sont exercées isolément La finance et la stratégie figurent toutes deux en bonne place dans les enseignements de management et gestion mais ce sont des disciplines distinctes. Certes des cas d’entreprise mêlent stratégie et finance mais le contenu des cours fait référence soit aux techniques de l’analyse financière, soit au management stratégique. Ainsi en DCG, la transversalité est abordée dans les modules mais les épreuves de management et finance sont bien identifiables et correspondent à des exigences différentes en termes de connaissances et de compétences. Selon l’expression consacrée : « rien n’est plus pratique qu’une bonne théorie ». Pourtant les théories mobilisées dans chacune des disciplines sont loin d’être identiques, à quelques Article J.J. BENAIEM exceptions près. Les stratèges convoquent Porter, Lawrence et Lorsch, Cyert et March, Hamel et Prahalad ; alors que les financiers nous renvoient à Modigliani et Miller, Myers et Majluf, Stuz, Harris ou Raviv. Enfin, les deux disciplines utilisent des instruments de mesure de la performance bien différents. Alors que l’analyse stratégique s’appuie sur des matrices d’analyse globale (examen des ressources et des faiblesses internes et des caractéristiques environnementales), la finance a recours à des méthodes de calcul de création de valeur actionnariale et des indicateurs de performance synthétiques (Economic value added, valeur actuelle nette, taux de rentabilité interne, résultat net, cours de l’action etc.) Mais qui se partagent certains champs notionnels Dans tout conflit, les belligérants sont obligés de composer en se disputant des territoires partagés. Il en va de même de la stratégie et de la finance qui cherchent à s’approprier des contenus notionnels partagés. Deux chapitres sont communs aux deux enseignements : Le diagnostic et la gouvernance d’entreprise. Le diagnostic figure au programme du cours de finance. Il mobilise une méthodologie qui balaie des points clés : la profitabilité, la rentabilité économique et financière, l’équilibre financier et l’endettement, la solvabilité et la liquidité. Mais les résultats financiers sont les conséquences de décisions stratégiques qui ont été prises souvent lors de l’exercice précédent ou même avant et dont la pertinence peut être évaluée à l’aune d’outils prisés par les stratèges : la méthode SWOT, l’analyse concurrentielle prônée par Porter, la méthode PESTEL etc. Il existe de fait sur le thème du diagnostic une véritable complémentarité entre l’apport de la stratégie en amont et la contribution de la finance en aval. Ce chapitre commun aux deux disciplines pourrait être traité d’un seul tenant pour illustrer les liens de causes à effets entre décisions stratégiques et conséquences financières. D’ailleurs des outils existent, comme la matrice du Boston Consulting Group qui tente d’établir une passerelle entre choix stratégiques et indicateurs financiers en mettant en exergue les parts de marché d’une part et les flux de trésorerie générés par les portefeuilles de produits, d’autre part. La gouvernance des entreprises a été soumise aux candidats du BTS ou du DCG en management mais c’est aussi un sujet de dissertation sur lequel les candidats du DSCG ont dû « plancher » dans l’UE de finance. C’est dire l’aspect transversal de ce thème. La théorie principale mobilisée est aussi la même, c’est la théorie de l’agence. L’analyse des rapports de pouvoir entre les actionnaires, les dirigeants et les créanciers peut expliquer nombre de décisions qu’elles soient stratégiques ou financières. La « dictature du reporting » imposée par les actionnaires aux dirigeants peut les conduire à privilégier des décisions de court terme se traduisant par une augmentation du cours des actions (plans de licenciement par exemple) à des projets ambitieux et risqués susceptibles de ne porter leurs fruits que dans plusieurs exercices. La stratégie et la finance ont trouvé au travers de la théorie de l’agence une grille d’analyse commune. Le fait que la gouvernance des entreprises soit traitée dans deux disciplines différentes permet sûrement de bénéficier d’un angle de vue très large mais en même temps une approche plus systémique permettrait de mettre l’accent sur les la diversité des liens entre finance et stratégie à partir des conflits d’intérêts pouvant exister entre les parties prenantes. Article J.J. BENAIEM Chacune des deux disciplines possède une culture forte marquée par des codes (les mots clés du financier ne sont pas ceux du stratège), des entreprises mythiques (Goldman Sachs Vs McKinsey), des héros (Warren Buffet Vs Steve Jobs), des histoires d’entreprises (les OPA réussies Vs les success stories) etc. Cela pourrait expliquer cette imperméabilité apparente. Pourtant, dans la vie des affaires, la porosité entre finance et stratégie est évidente car elles ne peuvent exister l’une et l’autre qu’en se conjuguant de façon très étroite. Article J.J. BENAIEM Des pratiques managériales qui mêlent finance d’entreprise et management stratégique Pas de finance sans stratégie, ni de stratégie sans finance. Impossible de concevoir la mise en œuvre d’une stratégie sans prévoir les ressources qui l’accompagnent mais il est aussi peu vraisemblable d’envisager de réaliser des profits sans avoir élaboré au préalable une stratégie novatrice. La croissance d’une entreprise nécessite toujours la mobilisation de financements pertinents. L’exemple le plus illustratif en est le business plan ou plan d’affaires qui mêle dans la même présentation un descriptif détaillé du projet et de son marché et le plan de financement. Il a pour but de convaincre des investisseurs, donc par définition des financiers, de la pertinence du projet et de sa capacité à rapporter des gains. Or ces mêmes investisseurs s’intéressent moins aux chiffres prévisionnels figurant dans le business plan qu’aux items stratégiques : à savoir est-ce une solution innovante permettant de combler un besoin avéré ? L’équipe dirigeante est-elle suffisamment compétente pour porter le projet et enfin le marché est-il suffisamment important pour rentabiliser l’investissement. Ces 3 éléments, caractéristiques du diagnostic stratégique, suffisent pour les capital-risqueurs à se faire une opinion sur la réussite éventuelle du projet. Un autre exemple qui illustre la relation forte qui lie la finance à la stratégie tient à l ’essor du financement participatif qui a permis à des projets qui autrefois devaient être financés sur fonds propres de voir le jour. Ainsi, il est aujourd’hui possible de s’endetter en se passant de l’intermédiation des établissements de crédit. Certaines plates-forme de « crowdfunding » connaissent une croissance exponentielle et proposent aux internautes de participer au financement de plusieurs projets nouveaux par semaine. Cela illustre l’importance de la mobilisation des fonds dans le démarrage ou le développement d’une activité. Mais, pour emporter l’adhésion des investisseurs, les plates-forme de crowdfunding mettent en avant, non pas des caractéristiques financières mais des caractéristiques commerciales : la teneur du projet, son caractère novateur, l’originalité du modèle d’affaires, la faiblesse de la concurrence etc. Ainsi la « qualité de la stratégie » s’impose comme l’élément déterminant pour convaincre des financiers. Cette appétence des investisseurs pour l’analyse stratégique semble démentir catégoriquement l’idée que la finance est une discipline qui peut être pratiquée isolément du management stratégique. Les « success stories » d’entreprises sont souvent autant affaire de finance que stratégie Le développement des entreprises de la nouvelle technologie repose toujours sur un pari audacieux. Snapchat, par exemple, qui a annoncé avoir perdu 2,2 milliards de dollars en 3 mois continue de trouver des investisseurs. C’est bien la preuve, uploads/Finance/ finance-et-management-strategique.pdf
Documents similaires
-
15
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 02, 2021
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.1723MB