La fonction du chèque : Entre droit et pratique 1 Safa Saidi Soukaina Soualih S
La fonction du chèque : Entre droit et pratique 1 Safa Saidi Soukaina Soualih Sara Tarchoun Yousra Sekkat Introduction Le Droit commercial est défini comme l’ensemble des règles du droit privé applicables aux commerçants et aux non commerçants lorsqu’ils accomplissent des actes de commerce par le biais d’effets de commerce. Par ailleurs, les sources du droit des instruments de paiement et de crédit ont été créées par la pratique commerciale. De ce fait, les commerçants sont également à l’origine de nombreuses règles professionnelles consacrées par la loi ou la jurisprudence. De la sorte, les usages commerciaux occupent une place fondamentale dans la création et la réglementation des effets de commerce, mais la législation peut intervenir pour limiter l’excès de certaines pratiques. Ainsi, le Code de commerce stipule « qu’entre commerçants, tout paiement d’une valeur supérieure à 10.000 Dirhams doit avoir lieu par chèque barré ou par virement ». Cela a été mis en place afin de pouvoir garder une certaine rigueur dans les comptabilités des commerçants, mais aussi afin de permettre à l’administration fiscale d’avoir un aperçu transparent des transactions commerciales. Certes, le Code de Commerce marocain ne donne pas de définition d’effets de commerce, mais il les énumère à travers son Livre III. De ce fait, on serait amené à définir l’effet de commerce tel un titre négociable permettant la réalisation des créances à court terme1et leur transmission d’un bénéficiaire à un autre. Ils servent donc d’instruments de paiement ou de crédit. Ainsi, les principaux effets de commerce sont la lettre de change, le billet à ordre, et le chèque. Cependant, notre intervention portera uniquement sur le dernier effet de commerce, principalement en ce qui concerne sa fonction. 1LAKHSSASSI HICHAM, Instrument de paiement et de crédit, Polycopié : Licence S4 1 Au Maroc, le chèque a vu le jour au 19ème siècle avec l’évolution des relations commerciales avec l’Europe. Les commerçants utilisaient déjà à cette époque le chèque en tant que moyen de paiement, également pour éviter les risques de pillages lors de transport d’espèces et pour faciliter le déroulement financier des opérations d’import- export. Il faut savoir que les chèques qui étaient utilisés au Maroc provenaient de banques Européennes (vu qu’il n’existait pas encore de véritables banques dans notre pays). En effet, après l’Indépendance, l’utilisation du chèque s’est progressivement développée avec la création de la banque en 1959 et la promulgation du Décret Royal du 21 Avril 1967 (loi bancaire). Ainsi, la création du chèque obéissait à un besoin économique, à savoir contrôler et réduire la quantité de monnaie fiduciaire en circulation grâce à une monnaie scripturale, simple et rapide dans son utilisation. En outre le chèque devait aussi faciliter les transactions civiles et commerciales en ayant pour fonction de remplacer les espèces. Ainsi, de part sa fonction de paiement, il sert également à diverses opérations impliquant un transfert de fonds. Le Dahir du 1er Août 1996 formant Code du commerce n’a pas défini le chèque, mais il n’a fait qu’évoquer sa fonction2. Face à ce silence législatif sur la définition du chèque, la Doctrine et la Jurisprudence ont bien défini celui-ci comme étant un écrit ou un titre part lequel une personne appelée « tireur » ou « émetteur » donne l’ordre à un établissement de crédit appelé « tiré » de payer à vue une somme d’argent soit à son profit, soit à une 3ème personne appelée « bénéficiaire »3. Ce Dahir s’est donc basé juste sur la fonction du chèque en tant qu’instrument de paiement. En effet, le législateur Marocain a placé le chèque parmi les effets de commerce contrairement au législateur français qui l’a réglementé non pas dans le code de commerce mais dans le Code monétaire et financier. Nonobstant ces diverses réglementations, le chèque ne demeure guère un moyen de paiement sécurisé. Afin d’assurer une certaine confiance des utilisateurs à travers le chèque, le législateur établit un certain nombre de sanctions pénales notamment en ce qui concerne les chèques sans provision. En revanche, il continue à être le sommet des instruments de paiement. Certains auteurs prédisent toutefois la disparition future du chèque en raison de l’apparition de nouvelles technologies. Aujourd’hui, le chèque demeure inconnu du droit vu la complexité de son système et de l’ambiguïté de sa fonction. Ainsi, le thème étant abordé, ceci nous invite à ces réflexions: “ Qu’en est-il de la fonction du chèque ? Parle-t-on d’une ou de plusieurs fonctions du chèque ? ”Avant de rentrer dans le vif du sujet, il serait préalablement nécessaire de 222ص احمد شكري السباعي "الوسيط في االوراق التجارية" الجزء الثاني في آليات وأدوات الوفاء الطبعة االولى الرباط199 3MICHAEL CABRILLAC, Le chèque et le virement, Litec droit, 5ème édition, p.244 1 contourner la catégorisation du chèque (I) pour ensuite présenter l’ambivalence de la fonction du chèque (II). Plan I- L a catégorisation du chèque A- Le chèque est-il une monnaie ? B- L’appartenance du chèque aux effets de commerce 1 II- L ’ambivalence de la fonction du chèque A- Le chèque en tant qu’instrument de paiement à vue B- Le chèque en tant qu’instrument de crédit Partie I - La catégorisation du chèque Selon l’article 6 du Dahir n 1-05-178 du 15 moharrem 1427 ( 14 février 2006) portant promulgation de la loi n 34-03 relative aux établissement de crédit et organismes assimilés : « Sont considérés comme moyen de paiement tous les instruments qui, quel que soit le support ou le procédé technique utilisé, permettent à toute personne de transférer des fonds »4 . Qu’en est-il du chèque ? Le chèque de par sa fonction d’instrument de transfert de fonds, est vraisemblablement un instrument de paiement. Mais cela fait-il du chèque une monnaie ? Ainsi, l’assimilation du chèque à la monnaie doit-elle être perçue comme une vérité permanente ? D’autre part, la fonction du chèque en tant qu’effet de commerce a fait couler beaucoup d’encre et a soulevé des discussions doctrinales contradictoires tenant au fait de savoir si le chèque garde encore sa spécificité par rapport aux autres effets de commerce. A- Le chèque est-il une monnaie ? « Toute monnaie est un instrument de paiement, mais pas tout instrument de paiement est une monnaie ». Il s’agit là d’un adage très significatif qui remet en cause la tentative d’assimilation du chèque à la monnaie5. 4 Journal Officiel français du 25 janvier 1985. « Le terme de support se rapporte bien à l’instrument et désigne probablement le fait que celui-ci peut utiliser un support papier ou une bande magnétique », cf. à ce propos Éric FROMENT, « L’innovation dans les paiements », la Revue Banque n° 471, 1987. 5 HELMUT CRETUZ, LE SYNDROME DE LA MONNAIE : vers une économie de marché sans crise, ECONOMICA, Ed.2008. PARIS. P13. 1 Voyons si le chèque est une monnaie suivant la définition donnée par les économistes. On dit que cet instrument monétaire existe lorsque trois fonctions sont assurées : intermédiaire dans les échanges, unité de compte et réserve de valeur. Ces trois fonctions sont enseignées depuis longtemps6. La monnaie est tout d’abord un moyen d’échange : c’est à dire sans monnaie il ne serait pas possible d’acheter ou de vendre des biens ou des services. A première vue, l’utilisation du chèque améliore l’efficacité économique et permet de minimiser le temps dispensé à échanger des biens ou des services, mais cela fait-il de lui un intermédiaire des échanges ? La réponse ne peut qu’être négative vu que le chèque n’est pas largement accepté et n’est pas divisible dans la mesure où l’on ne peut jamais rendre la monnaie. -La deuxième fonction de la monnaie est de fournir une unité de compte : c’est la mesure que les individus utilisent pour établir les prix des biens, les comparer et comptabiliser les dettes. Là aussi, le chèque ne constitue nullement une unité de compte, vu que son utilisation n’est ni une référence de prix ni une détermination de la valeur des biens. -La monnaie est également une réserve de valeur : c’est un pouvoir d’achat mis en réserve et transférable dans le temps. Par contre cette fonction n’est pas présente en matière du chèque, étant donné que la pratique bancaire fait que la présentation du chèque au paiement soit prescriptible dans un délai d’un an à compter de la date de l’émission du chèque. Cette pratique bancaire, est loin de se baser sur un fondement légal. En définitive, l’on pourrait affirmer que le chèque n’est pas une monnaie et ne peut être assimilé à celle-ci du moment qu’il ne remplit pas les trois principales conditions fonctionnelles devant être réunies, et partant ne bénéficie pas des attributs juridiques de celle-ci. En effet, le chèque ne dispose ni d’un pouvoir libératoire ni d’un cours légal ni d’un cours forcé. Par ailleurs, il faut savoir que la monnaie a un caractère qui met en jeu le temps. C’est un moyen d’effet immédiat instantané. C'est-à-dire dès que le débiteur a remis la somme monétaire au créancier, la dette est éteinte, tout de suite. Il n’y a pas à attendre autre chose, d’autres conditions. uploads/Finance/ fonction-du-cheque 1 .pdf
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- Publié le Apv 23, 2021
- Catégorie Business / Finance
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