145 Edmond Picard (1881-1900) - Léon Hennebicq (1901-1940) - Charles Van Reepin

145 Edmond Picard (1881-1900) - Léon Hennebicq (1901-1940) - Charles Van Reepinghen (1944-1966) - Jean Dal (1966-1981) Editeurs : LARCIER, rue des Minimes, 39 - 1000 BRUXELLES 23 février 2002 121e année - N° 6044 Bureau de dépôt : Charleroi X Hebdomadaire, sauf juillet/août ISSN 0021-812X 8 2 0 0 2 LE FONDS DE COMMERCE VIRTUEL : UNE RÉALITÉ JURIDIQUE ? Le commerçant qui dispose d’un site web possède-t-il un fonds de commer- ce virtuel, la loi du 30 avril 1951 s’applique-t-elle à l’hébergement d’un commerçant sur internet? Le nom de domaine peut-il être assimilé au nom commercial ou à une ensei- gne? Est-il possible de mettre en gage un site web? Telles sont les questions auxquelles nous tentons de répondre. 1 INTRODUCTION Une entreprise qui exerce son commerce par le biais d’un réseau de communication élec- tronique, tel que l’internet (1), dispose-t-elle d’un fonds de commerce? Dans l’affirmative, peut-on considérer que ce fonds de commerce, que nous qualifions de virtuel, est différent d’un fonds de commerce classique? La question n’est pas sans intérêt pratique. En effet, la qualification de fonds de commerce entraîne plusieurs conséquences juridiques, puisqu’elle permet en particulier de grever le fonds d’un gage, et a des répercussions fisca- les en cas de cession. La question s’inscrit aussi dans l’actualité de ce qu’il est convenu d’appeler la « nouvelle économie » : des sites se vendent à coup de millions d’euros, sans que la cession n’ait né- cessairement lieu par le biais de la vente des actions de la société qui en est propriétaire (2). 2 DÉFINITION DU FONDS DE COMMERCE 1. — L’origine du fonds de commerce La notion de fonds de commerce s’est déga- gée au XIXe siècle sous une double nécessité. D’une part, avec l’émergence du capitalisme, les commerçants souhaitaient pouvoir protéger leur clientèle contre les attaques des concur- rents, donner à celle-ci la plus grande stabilité possible et, partant, protéger les investisse- ments intellectuels et financiers réalisés. En particulier, une reconnaissance du fonds de commerce permettait au commerçant de soutenir que son exploitation avait une valeur supérieure à la simple somme du prix de ses éléments constitutifs (3). D’autre part, la reconnaissance du fonds de commerce était souhaitée par les créanciers des commerçants, en tant qu’élément patrimo- nial de ces derniers. En créant l’entité « fonds de commerce », le contrôle des opérations ef- fectuées par le commerçant devenait plus commode, en particulier par la mise en place de règles de publicité (4). C’est dans ce contexte qu’est né le gage sur fonds de commerce, dans la mesure où il per- mit aux petits commerçant de lever plus faci- lement des fonds pour financer leurs activités et aux institutions de crédit de disposer d’une garantie plus efficace. 2. — Définition et fonction juridique Malgré l’ancienneté de la notion, et son omni- présence dans la vie économique, le fonds de commerce, en tant qu’institution juridique, ne reçoit aucune définition légale. Différents textes y font toutefois explicite- ment référence. S S O M M A I R E ■ Le fonds de commerce virtuel : une réalité juridique?, par Th. Verbiest et M. Le Borne . . . . . 145 ■ Instruction préparatoire - Règlement de la procédure - Ordonnance de renvoi - Appel de l’inculpé (Cour d’arbitrage, 9 janvier 2002) . . . . 150 ■ Responsabilité des avocats - Prescription - Point de départ du délai (Cour d’arbitrage, 30 octobre 2001) . . 152 ■ Discipline notariale (Cass., 1re ch., 1er février 2001, note) . 154 ■ Pratiques de commerce - Action en cessation (Liège, 7e ch., 11 octobre 2001) . . . . . 154 ■ Droit judiciaire - Jugement (Mons, bur. ass. jud., 20 novembre 2000 et 12 février 2001) . . . . . . . . . . . . . . . . 156 ■ Circulation routière - Accident - Autobus - Principe général de droit - Dommage (Civ. Bruxelles, 16e ch., 14 décembre 2001) . . . . . . . . . . . . . . . 156 ■ Chronique judiciaire : Enquêtes et reportages - La vie du Palais - Coups de règle - Courrier des revues - Dates retenues. (1) Les développements qui suivent englobent tant les sites internet que les sites WAP ou les mécanis- mes de transaction par PDA. (2) Ainsi, le site amazon.com a-t-il récemment dé- boursé 6,1 millions de dollars pour s’assurer les ac- tifs immatériels (nom de domaine, marque commer- ciale, base de données clients, etc.) du défunt site egghead.com... (3) M. Vercruysse et E. Lauwers, Le fonds de com- merce, Bruxelles, Larcier, 1967, p. 8. (4) G. Sadde, La notion de fonds de commerce vir- tuel, mémoire de D.E.A. Informatique et droit, Uni- versité de Montpellier I, 1999-2000, pp. 11 et s. Extrait du Journal des tribunaux no 6044 du 23 février 2002 et reproduit avec l’aimable autorisation des Editions Larcier 146 2 0 0 2 Ainsi en est-il de l’article 169 du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe (5), qui précise que « les droits dus sur les actes translatifs ou déclaratifs de propriété ou d’usufruit de fonds de commerce sont per- çus selon la nature de chacun des biens qui en font partie et sur les bases fixées par le présent Code. Les dettes, afférentes ou non au fonds de commerce, qui sont prises en charge par le nou- veau propriétaire ou usufruitier doivent être considérées comme charges de la convention ». La loi du 30 avril 1951 sur les baux commer- ciaux (6) dispose en son article 10 que « L’interdiction de céder le bail ou de sous- louer un immeuble ou partie d’immeuble ne peut faire obstacle à la cession ou à la sous-lo- cation faite ensemble avec la cession ou la lo- cation du fonds de commerce et portant sur l’intégralité des droits du locataire principal ». L’article 2 de la loi du 25 octobre 1919 sur la mise en gage du fonds de commerce contient toutefois une énumération, non limitative, des éléments du fonds de commerce : « Le gage comprend l’ensemble des valeurs qui composent le fonds de commerce et no- tamment la clientèle, l’enseigne, l’organisa- tion commerciale, les marques, le droit au bail, le mobilier de magasin et l’outillage, le tout sauf stipulation contraire. Il peut com- prendre les marchandises en stock à concur- rence de 50% de leur valeur » (7). Confrontés à la carence du législateur, la ju- risprudence et la doctrine ont fait œuvre utile en s’efforçant de dégager une définition juri- dique du fonds de commerce. Ainsi, selon la Cour de cassation, le fonds de commerce « constitue une universalité dont font partie des biens meubles tant corporels qu’incorporels » (8), ou « un ensemble de cho- ses conçu comme instrument d’une activité commerciale et non point différents éléments réunis directement dans cet ensemble » (9). La meilleure doctrine belge y voit un « droit mobilier incorporel, qui porte sur une valeur marquée par un rendement potentiel décou- lant de la possibilité d’attraire une certaine clientèle qui sera liée à l’organisation de l’éta- blissement commercial » (10). Un auteur français nous donne également une définition intéressante « le fonds de commer- ce est constitué par l’ensemble des biens mo- biliers affectés à l’exercice des activités com- merciales. Il permet essentiellement de retenir et de développer une clientèle attirée par le sa- voir-faire du commerçant, la qualité des mar- chandises vendues, l’emplacement de l’éta- blissement, l’enseigne, etc. Ses divers éléments présentent une certaine stabilité, une certaine unité, et peuvent se transmettre glo- balement » (11). Cette définition laisse poindre la notion cen- trale autour de laquelle s’articule le fonds de commerce : la clientèle. En effet, la clientèle est l’élément essentiel du fonds, ainsi que le souligne la jurisprudence de la Cour de cassa- tion de France (12). A cet égard, nous faisons nôtre la définition dite « essentialiste » d’un autre auteur fran- çais : « le fonds de commerce est l’ensemble des moyens utilisés pour attirer et fidéliser la clientèle » (13). C’est dans ce courant que s’inscrit la majorité de la doctrine belge, laquelle insiste sur le ca- ractère propre du fonds de commerce, à savoir « son aptitude productive et son pouvoir d’at- traction sur la clientèle, caractère qui l’empor- te sur les différents éléments du fonds » (14). Un arrêt de la cour d’appel de Liège a égale- ment consacré cette théorie essentialiste : « La clientèle est la composante essentielle du fonds de commerce. Les autres éléments du fonds — corporels et incorporels — ont pour seul objet de créer, de conserver et de déve- lopper cette clientèle ». La Cour ajoute : « Sans certains éléments essentiels dont l’ab- sence rend impossible l’exploitation du fonds, il ne peut y avoir de fonds de commerce négo- ciable. Tel est le cas lorsque la clientèle a dé- serté l’établissement et qu’il n’existe pas de volonté d’en recréer une et, dans le cas d’une banque, lorsque le portefeuille des uploads/Finance/ fonds-de-commerce-virtuel.pdf

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  • Publié le Apv 16, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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