1 Les rouages du capitalisme Christian Barsoc Eléments d’analyse économique mar
1 Les rouages du capitalisme Christian Barsoc Eléments d’analyse économique marxiste – La Brèche – TABLE DES MATIERES Introduction Chapitre1 La valeur et l’exploitation Chapitre 2 L’accumulation du capital Chapitre 3 Les fluctuations économiques Chapitre 4 L’impérialisme et l’économie mondiale Chapitre 5 L’alternative socialiste : éléments pour un débat Petit guide de lecture NB. Ce document correspond à peu de choses près au texte de la brochure parue en 1994 et aujourd’hui épuisée. 2 INTRODUCTION Le tableau que présente aujourd’hui l’économie mondiale a de quoi inciter à la réflexion et à la révolte : inégalités croissantes et chômage de masse dans les pays capitalistes développés, surexploitation des travailleurs et misère de la majorité de la population dans le Tiers Monde, baisse massive de la production et paupérisation de larges secteurs de la population dans les pays de l’Est auxquels un avenir radieux était pourtant promis après la chute du mur de Berlin. La réalité actuelle du capitalisme triomphant, ce sont donc ces monstrueux paradoxes : plus de trois millions de chômeurs officiellement décomptés en France, des jeunes réduits aux emplois précaires, alors que la durée du travail est bloquée, et que l’on repousse au contraire l’âge de la retraite. Alors que des centaines de millions de gens souffrent de la faim dans le Tiers Monde, la politique agricole de l’Europe veut réduire les surfaces cultivées. Alors que le Sida fait des ravages, on découvre (Le Monde du 6 mai 1994) que « la logique économique conduit certains géants mondiaux de l’industrie pharmaceutique à abandonner la recherche d’un vaccin contre le Sida ». La logique économique, le grand mot est lâché ! La littérature économique et le discours dominant tendent de plus en plus à exclure l’économie du débat démocratique (au nom des « contraintes ») et à dénoncer comme rêverie sans intérêt, voire nuisible, la moindre critique portant sur la logique et les finalités du système. Pour les économistes qui tiennent le devant de la scène, ce monde est le seul possible. Face à cela, on peut se sentir désarmé. Dès que l’on sort de chez soi, le « marché mondial » nous guette : Coréens et Japonais sont en embuscade. Au nom de ce nouveau « péril jaune », nous devrions serrer les rangs avec les patrons et les politiciens et accepter, en disant merci, la baisse des salaires et la dégradation des conditions de vie et d’emploi. Dans le même temps, ne craignant pas les acrobaties intellectuelles, la théorie dominante explique que l’harmonie naît de la liberté économique : que les marchandises circulent, que les prix et les salaires fluctuent sans contrainte et les meilleurs produits seront fabriqués, tandis que le chômage disparaîtra. Les mêmes ont décrété que nous vivons « au-dessus de nos moyens » et qu’il nous faudrait choisir, par exemple entre l’emploi et la protection sociale. Pour résister aux implications proprement réactionnaires de ces discours néo-libéraux, il faut aller au-delà de l’apparente raison économique, et chercher à comprendre. Comprendre quels sont les ressorts essentiels de cette machine qui nous broie, comprendre vers quels rivages nous mène cette dérive de fin de siècle. Nous sommes convaincus que les outils du marxisme sont plus que jamais utiles à ce travail de réflexion critique sur le monde qui nous entoure. La théorie économique n’a en effet rien d’une « science » unifiée, et la démarche de Marx, consistant à faire la critique de l’économie politique de son temps (c’est le sous-titre du Capital), reste d’actualité. Elle a été poursuivie et enrichie jusqu’à notre époque par les économistes qui ne sont résignés ni au capitalisme ni à la dénaturation de l’objectif d’une autre société par les dictatures bureaucratique de l’Est. La méthode marxiste, parce qu’elle en dévoile la réalité profonde, permet de saisir les grandes tendances du capitalisme contemporain. Ce marxisme dont nous nous réclamons ne saurait donc être un dogme intangible dont il s’agirait de préserver la pureté, puisque c’est au contraire un outil qui doit servir, pour la connaissance, et l’action. Le projet de ce petit ouvrage est de présenter les éléments fondamentaux de l’analyse marxiste autour de cinq questions-clés qui correspondent à peu près au découpage des chapitres : * D’où vient la valeur des marchandises et le profit ? * Comment se reproduit l’économie capitaliste ? * Pourquoi les crises économiques ? * Comment fonctionne l’économie capitaliste internationale ? * Comment pourrait fonctionner une économie socialiste ? Ces questions se situent à des niveaux théoriques différents, ce qui explique que les chapitres auront des tonalités plus ou moins abstraites. Les réponses apportées ne sont pas figées : elles sont ici exprimées de manière synthétique, elles conservent la marque des débats qui ont parcouru la tradition marxiste, elles cherchent à offrir une introduction actualisée. Enfin, bien des questions ne sont évidemment pas traitées, comme la situation spécifique des femmes dans l’économie capitaliste, ou les apports de l’écologie à la critique du système. D’autres, en particulier le débat sur le socialisme, prennent un tour plus problématique. Ces limites correspondent à la taille de l’ouvrage et à son objet : mettre à la disposition de chacun, sous une forme que nous espérons accessible et non dogmatique, les éléments fondamentaux de l’analyse économique marxiste. Christian Barsoc est le nom de plume d’un collectif de travail auquel ont participé, dans l’ordre des chapitres dont ils étaient responsables : Albert Martin, Michel Dupont, Henri Wilno, Maxime Durand et Catherine Samary. 3 Chapitre 1 La valeur et l’exploitation L’oeuvre maîtresse de Marx, Le Capital, se présente comme une critique de l’économie politique : il s’agit à la fois de présenter une analyse globale du capitalisme, et de dévoiler les mécanismes de l’exploitation, mais aussi d’établir que le capitalisme est un mode de production contradictoire destiné à ce titre à être dépassé. Pour mener à bien cette démonstration, il choisit de commencer par l’analyse de la marchandise, parce que c’est la manière évidente de s’attaquer à l’étude du capitalisme : « La richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste s’annonce comme une « immense accumulation de marchandises ». L’analyse de la marchandise, forme élémentaire de cette richesse, sera par conséquent le point de départ de nos recherches. » 1 Mais l’étude de la marchandise et de la valeur constitue la pièce maîtresse qui permet de comprendre la spécificité de l’exploitation capitaliste. L’exploitation n’est pas en effet une invention du capitalisme, mais elle y revêt des formes nouvelles, et ses mécanismes y sont beaucoup plus opaques. Le salarié passe en effet tout son temps de travail dans la même entreprise : toutes les heures paraissent payées, et aucune ne semble fournie gratuitement au patron. Le salaire apparaît aux yeux des salariés comme la rémunération du travail effectué, ou, en d’autres termes, le prix de leur travail. Le salaire et le profit apparaissent comme des catégories quasi naturelles, et il n’est pas évident de discerner la réalité de l’exploitation derrière la belle symétrie entre profit du capital et salaire du travail. La théorie, en l’occurrence la théorie de la valeur, a ici pour fonction de dévoiler l’essence des choses, derrière leur apparence. Enfin, puisque les marchandises sont le produit du travail, étudier la marchandise et leur valeur conduit à s’interroger sur la façon dont une société organise le travail de tous ses membres, le travail social, pour subvenir à ses besoins. Chaque société résout ce problème de répartition du travail humain à sa manière. Le capitalisme possède quant à lui un mécanisme régulateur qui agit de manière inconsciente mais néanmoins réelle, que Marx appelle la loi de la valeur. Dans la société capitaliste, c’est la valeur qui organise la répartition du travail social, et qui par la même, régule la production. Marx dit du capitalisme qu’il est « un système de production où la règle ne fait loi que par le jeu aveugle des irrégularités qui, en moyenne, se compensent, se paralysent et se détruisent mutuellement ». Etudier la valeur permet de comprendre à la fois pourquoi le capitalisme peut fonctionner dans la durée, et pourquoi ses contradictions l’exposent à des crises périodiques. I. LA THEORIE DE LA VALEUR Notre objectif sera ici de retracer le raisonnement qui permet d’établir un lien entre salaire et profit d’une part, travail payé et travail non payé (surtravail) d’autre part. Cette démarche est entreprise par Marx dès le premier chapitre du Capital, où il montre que les prix sont fondamentalement déterminés par la valeur des marchandises dont la substance est le travail abstrait. 1 Karl Marx, Le Capital, Livre I, chapitre 1. Compte tenu de la multiplicité des éditions, nous ne donnerons pas ici de référence pour les citations du Livre I du Capital. Voir le "petit guide de lecture" qui figure à la fin de l'ouvrage. 1. Valeur d’usage et valeur « La marchandise est d’abord un objet extérieur, une chose qui par ses propriétés satisfait des besoins humains de n’importe quel espèce. Que ces besoins aient pour origine l’estomac ou la fantaisie, leur nature ne change rien à l’affaire ». Chaque marchandise uploads/Finance/ husson-amp-barsoc-les-rouages-du-capital.pdf
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- Publié le Nov 28, 2021
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