Langue économique du Portugal et du Brésil, néologie contrastive et variantes A
Langue économique du Portugal et du Brésil, néologie contrastive et variantes Armelle Le Bars p. 449-464 TEXTE BIBLIOGRAPHIE NOTES AUTEUR TEXTE INTÉGRAL 1La langue économique portugaise connaît deux variantes principales, l’une est la langue du Portugal, très influencée par la participation économique de ce pays à l’Europe, et l’autre est la langue du Brésil, très influencée par son histoire économique récente et celle de ses voisins du Mercosul. Dans le cadre de la spécialisation en traduction et terminologie des études de portugais LEA et pour les étudiants qui deviennent traducteurs, interprètes ou chercheurs, nous avons observé et étudié la néologie et l’évolution de ces deux variantes de la langue économique. 1.1. Classification des niveaux dans la langue économique 1 Selon P. LERAT (1995). Notons son ouvrage précédent sur le langage juridique, pour justifier ensuit (...) 2Nous proposons d’abord une classification à laquelle nous ferons référence pour situer les niveaux de la langue économique1 que nous aborderons au cours de cette étude ; en effet la néologie ne présente pas les mêmes caractéristiques suivant la source de sa création et ses utilisateurs : NIVEAU 1 Recherche fondamentale – Langue conceptuelle Économie, recherche dans tous les secteurs du domaine Ouvrages très spécialisés Articles, communications, thèses Recherche appliquée – Langage heuristique Chercheurs en contact avec des professionnels Publications, articles des chercheurs Destinataires Public très spécialisé dont les chercheurs et enseignants-chercheurs NIVEAU 2 Langage didactique des enseignants Enseignants d’économie Livres didactiques Manuels de cours Dictionnaires, etc. Destinataires Public généraliste dont l’ensemble des étudiants Néologie généralement expliquée, définie NIVEAU 3 Langage professionnel des praticiens Tous ceux qui travaillent dans la finance, la banque, la gestion, le marketing, le commerce et le commerce international, l’administration des finances, des impôts, etc. Documents de travail publications spécialisées publications vulgarisées documents administratifs Destinataires Professionnels et usagers Grande créativité néologique NIVEAU 4 Vulgarisation Spécialisée Communicateurs du domaine a –> participation de 1 et 2 presse spécialisée Non spécialisée Communicateurs vulgarisateurs Grand public. b –> participation de 2 et 3 presse, radio, T. V Destinataires Néologie très riche, sources multiples 1.2. « L’Euroforia » ou la langue économique du Portugal 3L’entrée du Portugal dans la Communauté européenne a été l’occasion de faire une sorte d’inventaire des ressources linguistiques. On a assisté à un vrai bouleversement dans l’organisation économique du pays et le traducteur a pu suivre et mesurer l’évolution à travers l’apparition des publications, l’abondance des nouvelles collections de livres consacrés à l’économie, à la gestion et au marketing, des hebdomadaires ou mensuels spécialisés et des multiples documents traduits ; quant au terminologue, il a pu mesurer les effets de ces changements en découvrant et répertoriant la néologie qui a transformé la langue portugaise jusque dans les slogans publicitaires de la vie quotidienne. 4Jusqu’alors, la langue portugaise résistait vaillamment à l’influence et aux effets boomerangs de son héritière, la langue portugaise du Brésil. L’aventure européenne l’a précipitée dans une attitude non plus de conservatisme et de protectionnisme, mais dans une nécessaire dynamique de créativité et d’ajustement aux autres langues européennes. Elle avait pris du retard dans l’expression des domaines spécifiques et surtout dans leur communication, mais elle a rapidement évolué. 2 Livres de référence en économie, marketing et stratégie. Le livre de Samuelson : Economics, à parti (...) 5Les enseignants et les étudiants des sciences de la gestion allaient souvent vers d’autres pays d’Europe pour se spécialiser, et les langues de travail des cadres et des élites portugaises pouvaient être l’anglais ou le français, en plus du portugais. On ne trouvait pas beaucoup de publications d’actualisation économique, scientifique ou technique dans la langue portugaise du Portugal, car les publications spécialisées étaient limitées à des milieux très spécifiques, sans préoccupation de vulgarisation. La langue économique portugaise allait devoir rapidement évoluer en se différenciant de la langue économique brésilienne, surtout dans les domaines très spécifiques pour lesquels elle n’avait pas assez de création lexicale. Au Brésil les centres de recherche et d’enseignement de la gestion publiaient déjà des thèses et des revues, et l’on pouvait d’ailleurs noter que la langue de l’économie et de la gestion des enseignants-chercheurs était bien le portugais avec peu d’emprunts à d’autres langues (niveau 1 de notre classification). Au Portugal, les centres d’enseignement de l’économie étaient des universités dans lesquelles les étudiants avaient rapidement une connaissance suffisante de l’anglais, et, dans certains cas, du français pour consulter les manuels de référence dans les langues sources. Mais ces centres ont aussi changé l’orientation de leur formation pour aborder davantage les secteurs de la gestion, du commerce international, du marketing, engageant les enseignants formés à l’extérieur du pays à revenir enseigner dans leurs disciplines. Très souvent ces mêmes enseignants ont écrit des ouvrages adaptés à la situation économique du Portugal ; ils ont également traduit des ouvrages américains, anglais, français dans lesquels ils avaient étudié et, soucieux de réellement traduire des concepts importants, ils ont eux-mêmes proposé une néologie qu’il est utile de suivre car elle émane de spécialistes bilingues et on peut donc la qualifier de pertinente. Lorsque ce sont des manuels rédigés par des Brésiliens qui sont venus combler les lacunes et diffuser la norme brésilienne, l’éditeur portugais a généralement fait corriger la terminologie pour la rendre portugaise (1 et 2 de notre classification). On peut signaler ainsi les ouvrages d’économie générale de P. Samuelson (américain) dans des éditions différentes au Portugal et au Brésil, et deux éditions pour les ouvrages français de référence : Mercator et Strategor2. 3 Associação de terminologia portuguesa TERMIP, qui a édité la revue Terminologias, dont nous citons (...) 6Une équipe de terminologues de l’Université Nouvelle de Lisbonne, dirigée par M. T. Rijo de Fonseca Lino a observé, étudié, fait des recherches pour accompagner cette grande créativité lexicale de la langue portugaise, et nous avons suivi particulièrement les recherches menées par cette équipe en néologie de la langue économique3. 7Dans le même type d’effort et pour un même niveau de langue spécifique, il faut citer le premier Dicionário de economia e gestão, rédigé en quatre langues, portugais, français, anglais, allemand, par trois jeunes Portugais diplômés de l’École de Gestion de Lausanne et de l’Université de Washington (Castelo Branco, 1984). Ils ont été les premiers à réagir à l’absence de dictionnaire et ont voulu répondre, dès 1984, au besoin de définir les concepts et proposer éventuellement des solutions portugaises au langage économique le plus utilisé. Ils ont donc travaillé à la fois le langage heuristique, didactique et le langage des professionnels (niveau 1, 2 et 3 de notre classification). 8La difficulté rencontrée est celle de la limitation des domaines et des champs terminologiques. S’agit-il d’un dictionnaire d’économie générale ou d’un dictionnaire de gestion ? Avec 2513 entrées, il couvre les besoins de la langue économique générale des étudiants de gestion, finance et marketing, rentre dans le détail de certaines procédures, mais connaît aussi beaucoup de lacunes. Il comporte, en outre, une liste de 200 phrases-clés (Gouadec, 1994) correspondant à la terminologie économique du traité d’admission du Portugal dans la Communauté. Cette phraséologie, en portugais, français, anglais et allemand, a été une source très utile pour la traduction des documents concernant la procédure d’intégration à la Communauté. Aujourd’hui, ce dictionnaire demanderait à être actualisé et élargi, dans la mesure où il permettrait d’officialiser une néologie produite depuis 1986, qui demande à être vérifiée et normalisée par une commission constituée des utilisateurs et spécialistes compétents. 9Le contenu néologique comporte des créations sémantiques, lexicales avec des préfixations ou des suffixations, des mots- valises, des termes complexes et composés qui sont souvent des calques. Les nombreux emprunts consignés dans ce dictionnaire ont plusieurs sources. La première est celle du français qui apparaît plusieurs fois dans les activités d’import/export, comme le crédit documentaire avec le calque crédito documentário, qui est le moyen de paiement du commerce international par lequel la banque s’engage, par écrit, en établissant un accréditif, et c’est le gallicisme qui est proposé, contre la remise des documents suivants : facture finale/factura final, connaissement/conhecimento, police d’assurance/apólice de seguros. 4 Notons que ce terme français de comité a fait une grande percée dans le langage CEE. 10En gestion, le terme comité d’entreprise est proposé avec la traduction conselho de empresa ou comité4 de empresa en adoptant le gallicisme avec le même concept : forma de representação dos trabalhadores numa empresa. Au terme chiffre d’affaires est proposé le terme portugais facturação, alors que le terme habituel est volume de vendas. En finance, le gallicisme corbeille – balustrade circulaire au cœur de la Bourse autour de laquelle les agents de change sont seuls autorisés à se tenir –, l’anglicisme ring est également proposé. Le terme bons de caisse ou obrigações de caixa correspond au même concept et à la même définition qu’en français. Dans la langue courante les termes guiché, néologisme d’emprunt avec une adaptation orthographique, greve, emprunt assimilé sans accent, et le terme habitat, sans modification orthographique, dénomment les mêmes concepts. Le terme maquette, avec une proposition de traduction maqueta, néologisme avec suffixation en eta s’intégrant mieux au lexique portugais que le suffixe ete (diminutif). uploads/Finance/ langue-economique-du-portugal-et-du-bresil.pdf
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- Publié le Mai 07, 2021
- Catégorie Business / Finance
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