Les asymétries d’information sur les marchés (M. Montoussé) I. Présentation gén

Les asymétries d’information sur les marchés (M. Montoussé) I. Présentation générale L’information asymétrique est une situation extrêmement fréquente (les exemples sont faciles à trouver avec les élèves…) et pourtant l’économie ne s’en occupe que depuis peu (années 70) et les SES depuis… l’année prochaine ! On peut resituer rapidement la place de l’information asymétrique dans la pensée économique (A) et dans les SES (B)… A) La place de l’information asymétrique dans la pensée économique Il s’agit au départ d’un concept issu des travaux des nouveaux keynésiens, mais qui ne fait plus spécialement débat dans la science économique (il est communément admis…). Contrairement à Keynes, qui estimait qu’il n’y avait pas de pont possible entre la micro et la macro (no bridge), les nouveaux keynésiens estiment qu’il faut fonder la théorie macro-économique sur une base micro. En ce sens, on peut dire que la notion d’asymétrie d’information, quoique relevant du raisonnement micro, a vocation à avoir une incidence sur le raisonnement macro ! Pour les nouveaux keynésiens, quel que soit le bien considéré, les prix et les quantités se fixent bien sur le marché (on s’écarte donc de la vulgate keynésienne) mais ça n’est pas pour autant que les choses s’y passent parfaitement, car les dysfonctionnements intrinsèques au marché peuvent être nombreux (on retrouve ici la proximité avec Keynes1) : l’un de ces dysfonctionnements est lié aux asymétries d’information. Les néokeynésien reconnaissent que les agents économiques sont rationnels, mais à la différence des néoclassiques pour qui la rationalité des agents recouvre trois caractéristiques (utilitarisme – information parfaite – capacité à prévoir l’avenir), les néokeynésien ne voient dans la rationalité que la dimension utilitariste. B) La place de l’information asymétrique dans les SES L’asymétrie d’information apparaît dans le point 3.4 On remarque que les notions d’externalités et de biens collectifs sont déjà présentes dans le programme actuel. L’asymétrie d’information étant, en revanche, une notion nouvelle, cela explique que les indications complémentaires lui consacrent plus de place qu’aux deux autres : ça n’est pas pour autant, donc, qu’il faudra lui accorder plus de place dans les cours que l’on va faire ! On note aussi que les notions d’aléa moral ou de sélection adverse n’apparaissent pas explicitement, contrairement à ce qui se passe dans le projet d’enseignement de spécialité « Economie approfondie » : 1 Qui s’exprime aussi par le fait de chercher des explications au chômage involontaire (salaire d’efficience) et par le fait de considérer que la monnaie n’a pas un rôle neutre en économie… 1 3.4 Quelles sont les principales défaillances du marché ? Asymétries d'information, externalités, biens collectifs On montrera qu'en situation d'information asymétrique, on constate l'existence d'équilibres avec rationnement voire l'absence de marché (marché des voitures d'occasion, marchés des professionnels de santé et des avocats, marché de l'assurance, etc.). Les diverses manières de produire et de diffuser de l'information - labellisation, publicité, comparateurs de prix, magazines de consommateurs, etc. - pourront être évoquées, de même que la réglementation publique sur l'information. En s'appuyant sur des exemples, on montrera aussi que les marchés peuvent être défaillants dans le domaine de l'allocation des ressources en présence de biens collectifs ou d'externalités (pollution, éclairage public, pollinisation par les abeilles, etc.). Cependant, il semble bien, à la lecture des indications complémentaires (si l’on tient compte notamment des exemples cités…) qu’il faille tout de même en Première traiter la notion d’asymétrie de l’information dans une optique de sélection adverse (et, en revanche, pas tellement dans une optique d’aléa moral) II. Illustrations de l’information asymétrique et de ses conséquences (rationnement et risque d’absence du marché) On parle d’asymétrie d’information lorsque, sur le marché, soit les offreurs, soit les demandeurs, disposent d’une information parfaite, alors que l’information de leurs partenaires dans l’échange est imparfaite. L’asymétrie peut donc être soit en faveur des demandeurs soit en faveur des offreurs… dans les deux cas, cela entraine de nombreux effets pervers. Les exemples qui vont être développés ci-dessous traiteront de l’asymétrie d’information dans le cadre de la question de la sélection adverse. 1) L’exemple du marché des « lemons ». (voir l’article original d’Akerlof distribué) Akerlof observe que sur le marché des voitures, les voitures d’occasion très récentes (six mois) sont très dévalorisées par rapport aux voitures neuves (-20%), alors qu’elles ne sont pas beaucoup plus usées que les voitures neuves. La raison de cette dévalorisation qui peut sembler excessive tient à l’asymétrie d’information. En effet, il peut arriver que, lorsque l’on achète une voiture neuve, l’on tombe sur un « mauvais numéro » (une voiture avec des défauts de fabrication…). Dans ce cas il est rationnel, pour leurs propriétaires de ces voitures de chercher à s’en débarrasser en la revendant très vite. Certes, il existe aussi des individus qui revendent très vite leur voiture tout simplement parce qu’ils aiment conduire toujours des voitures neuves : dans cas ils mettent en vente des voitures presque neuves et en parfait état. Or, si les vendeurs connaissent parfaitement la qualité des voitures qu’ils vendent, les acheteurs, eux, ignorent quelle est la qualité réelle des voitures qu’ils vont acheter (asymétrie de l’information). Ces derniers vont donc, a priori, adopter une attitude de défiance et ils vont « soupçonner » les voitures d’occasion très récentes de pouvoir correspondre à des voitures potentiellement défectueuses. Ils ne vont donc accepter de les acheter qu’à des prix relativement faibles (car ils estiment prendre un risque…) Cette situation aboutit à décourager, parmi les vendeurs, ceux qui auraient mis sur le marché des voitures récentes et de très bonne qualité : ceux-là estiment qu’à des prix trop bas, il n’est pas intéressant de se séparer de leur voiture. Finalement, les « bonnes voitures », découragées par les prix bas, vont finir par « quitter le marché ». Ainsi, des transactions qui, a priori, auraient pu avoir lieu profitablement, cessent d’avoir lieu : on est dans une situation rationnement (tel que décrit dans les indications complémentaires…). De plus, ce processus est dynamique : au fur et à mesure que le temps passe et que les voitures de qualité quittent le marché, la qualité moyenne des voitures qui restent sur le marché diminue, ce qui justifie d’ultérieures baisses de prix… qui renforcent, à leur tour, la « fuite » des voitures de qualité2. Au terme de ce processus, les transactions peuvent se réduire jusqu’à la disparition pure et simple du marché ! La logique de rationnement décrite plus haut se traduit graphiquement de la façon suivante : P P1 Q 2) L’exemple du rationnement du crédit 2 En ce sens on peut dire que « les mauvais produits chassent les bons », au même titre que la mauvaise monnaie chasse la bonne (Akerlof fait d’ailleurs explicitement référence à la loi de Gresham) 2 D O O 1 On voit bien qu’au-dessus du prix P1 les courbes d’offre et de demande ont un aspect classique et se croisent en un point d’équilibre E. En revanche, à la suite du processus décrit plus haut, les prix baissent (on est alors en dessous de P1), l’offre diminue (les bonnes voitures quittent le marché et l’on passe à la droite d’offre O1) et, surtout la courbe de demande devient « coudée » (elle quitte sa trajectoire théorique représentée en pointillée) ce qui traduit la diminution des quantités demandées alors même que les prix baissent : finalement, en dessous du prix P1, l’offre et la demande se retrouvent être deux fonctions croissantes du prix, ce qui empêche toute régulation par le marché. Par ailleurs, l’écart entre le point « théorique » E0 et le point E1 montre bien que l’équilibre atteint est un équilibre avec rationnement de l’offre. E E1 E0 Dans cet exemple, contrairement au précédent, ce sont les offreurs qui sont mal informés. En effet, les banques doivent proposer un taux d’intérêt à leurs clients sans être parfaitement informés du risque réel que représente chaque emprunteur. Ainsi, elles vont proposer un taux d’intérêt qui correspond à un risque « moyen », compte tenu des différentes caractéristiques possibles de leurs clients. Seulement, les emprunteurs, qui savent que leur projet est objectivement peu risqué, vont juger le taux d’intérêt proposé par les banques trop élevé et vont donc chercher d’autres types de financements. Ainsi, des transactions qui, a priori, auraient pu avoir lieu profitablement, cessent d’avoir lieu : on est dans une situation rationnement du crédit (là encore tel que décrit dans les indications complémentaires…). De plus, comme dans l’exemple précédent, le processus est dynamique : au fur et à mesure que le temps passe et que les emprunteurs peu risqués quittent le marché, la « risque moyen » sur le marché des crédits augmente, ce qui justifie d’ultérieures hausses des taux d’intérêt… qui renforcent, à leur tour, la « fuite » des emprunteurs peu risqués. Au terme de ce processus, les transactions peuvent se réduire jusqu’à la disparition pure et simple du marché des crédits! 3) L’exemple des assurances Comme dans l’exemple précédent les offreurs sont mal informés : l’assurance ne connait pas le risque représenté par chacun des assurés. Le niveau des primes uploads/Finance/ les-asymetries-de-l-x27-information.pdf

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  • Publié le Mar 16, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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