1 LES CONCENTRATIONS D’ENTREPRISES EN DROIT INTERNE ET EN DROIT COMMUNAUTAIRE C

1 LES CONCENTRATIONS D’ENTREPRISES EN DROIT INTERNE ET EN DROIT COMMUNAUTAIRE CEMAC Dr Nandjip Moneyang Sara Assistante, Département de Droit des Affaires. Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Douala. nandjip 2003@yahoo.fr RESUME Les concentrations d’entreprises ressortent des pratiques anticoncurrentielles prises en compte par le Règlement CEMAC N° 1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999 portant réglementation des pratiques commerciales anticoncurrentielles dans la sous-région Afrique centrale. Ce texte vient s’ajouter à une législation interne dont les dispositions affrontent celles du texte communautaire. Par conséquent, la juxtaposition des législations pose la question des conditions d’admissibilité des opérations de concentration, de l’organisation de leur contrôle et de l’efficacité des sanctions en cas d’infraction à la réglementation. Mots clés : concentration d’entreprise – droit communautaire – droit interne. 1 L’économie mondiale est de plus en plus intégrée, non seulement sous l’effet de la libéralisation du commerce international, mais aussi en raison de l’expansion considérable de l’investissement étranger direct1. Les pratiques anticoncurrentielles des entreprises acquièrent davantage une dimension transfrontière et touchent de nombreux pays et dans certains cas, le monde entier2. Des études ont montré que, de façon générale, lorsqu’un pays met en œuvre d’ambitieuses mesures de libéralisation du commerce, ce phénomène s’accompagne de pratiques déloyales, notamment la concentration, l’inélasticité de la demande (lorsqu’il n’y a pas de produit de substitution) etc…3 La concentration est au centre de la concurrence, car cette dernière est d’abord un problème de nombre. Pour qu’un marché soit concurrentiel, il faut qu’un nombre suffisant de rivaux se partage les faveurs des consommateurs. La concurrence lorsqu’elle renvoie à une compétition économique, est une pratique de l’offre par plusieurs entreprises distinctes et rivales de produits ou services qui tendent à satisfaire des besoins équivalents avec, pour les entreprises, une chance réciproque de gagner ou de perdre des faveurs de la clientèle4. La doctrine, pour sa part,5 rappelle que la langue française a longtemps distingué la concurrence comme rivalité, de la concurrence comme compétition. C’est cette dernière conception qui nous intéresse ici, car la lutte concurrentielle peut être conduite par d’autres voies que la conquête de la clientèle. Les entreprises peuvent poser des opérations qui visent à contrôler leurs concurrents. Cet affrontement mené par les entreprises est encadré, notamment par le droit de la concurrence dont les règles sont dominées par un principe qui garantit l’accès au marché et qui permet à chaque entreprise de concurrencer les opérateurs installés : la liberté du commerce et de l’industrie, qui a une valeur constitutionnelle6, et qui est le prolongement du principe de la liberté de la concurrence.7 Ce principe signifie que tout 1 2 procédé qui n’est pas interdit est permis. La clientèle appartient en effet au commerçant qui se montre assez « habile pour l’attirer et assez diligent pour la conserver »8. Cette liberté de la concurrence, repris par le droit communautaire, occupe des proportions importantes à travers les regroupements de sociétés en vue de renforcer leur compétitivité sur le marché. Ces regroupements fondent aujourd’hui la réalité de la vie économique9 que le législateur national ou communautaire ne peut ignorer. Le principal objectif de la loi sur la concurrence réside alors dans la préservation et la promotion de la concurrence en tant que moyen d’assurer une allocation efficiente des ressources et d’accroître le choix, d’améliorer la qualité, de réduire les prix et de stimuler l’offre de produits aux consommateurs10. Outre la promotion de l’efficience, la législation sur la concurrence doit poursuivre d’autres objectifs comme la lutte contre la concentration de pouvoir économique, notamment la création d’entreprises dominantes ou même d’oligopoles par le biais de fusions et d’acquisition ou de coentreprises. En effet, le droit de la concurrence doit d’abord s’assigner un rôle préventif. Le but de la réglementation communautaire n’est pas d’interdire par principe les concentrations, mais de faire obstacle à celles qui procureraient, à certaines firmes, un pouvoir de marché jugé incompatible avec le marché commun11. C’est le cas du Règlement CEMAC n°1/99/UEAC-CM-639 du 31 mars 1999 réglementant les pratiques commerciales anticoncurrentielles dans la sous région Afrique- Centrale, qui vient harmoniser les législations plus ou moins effectives réglementant déjà l’activité commerciale dans les pays membres12. Ce texte soulève le problème de l’admission des concentrations d’entreprises et des sanctions de celles qui sont considérées comme nuisibles à la concurrence sur le marché commun. Sur le plan interne, les concentrations d’entreprises comme forme de positionnement sur le marché n’ont été que tardivement envisagées. La première réglementation portant sur l’activité commerciale au Cameroun fut la loi n° 80/25 du 27 novembre 1980. Cette dernière ignorait les pratiques anticoncurrentielles et n’envisageait une concurrence saine et loyale que dans le cadre du commerce d’importation13 : « Le commerce d’importation doit s’exercer dans le cadre d’une concurrence saine et loyale »14. Ce texte a été abrogé par la loi du 10 août 199015, dont les principales dispositions ont disparu avec l’avènement de la loi du 14 juillet 1998 relative à la concurrence. Dans une définition plus large, cette dernière envisage les règles de droit des pratiques anticoncurrentielles prohibées. Elle interdit aussi bien les ententes illicites et les abus de position dominante, que les concentrations d’entreprises, définies comme un processus par lequel les entreprises, sur un marché, deviennent moins nombreuses et plus grandes. La loi de 1998 dispose en effet dans son article 42 alinéa 2 que « lorsqu’une fusion ou une acquisition d’entreprises diminue la concurrence ou aura vraisemblablement cet effet, elle est interdite ». La concentration est alors un ensemble d’opérations ayant pour objet l’accroissement de la dimension des entreprises et de leur puissance économique par la diminution de leur nombre16. Pour le législateur CEMAC, une opération de concentration est réalisée lorsque d’une part, deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent, d’autre part, lorsqu’une ou plusieurs entreprises acquièrent directement ou non, que ce soit par prise de participation au capital, par contrat ou par tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou des parties d’une ou plusieurs entreprises17. L’article 2 du Règlement CEMAC renchérit en ces termes : ne sont interdites que les concentrations qui « réduisent sensiblement » la concurrence18. Autrement dit, celles qui créent des barrières à l’entrée ou à la sortie du marché en cause, ou restreignent les possibilités de choix des fournisseurs et /ou des utilisateurs19. On peut, dès lors, craindre une modification durable des structures du marché, une perte de l’indépendance des différentes entreprises regroupées et un renforcement du pouvoir 3 économique de l’ensemble occasionnés par la concentration. On peut aussi légitimement s’interroger quant au positionnement sur le marché des entreprises concentrées20. D’où la question de leur légitimité ou mieux de leur admissibilité quant à la préservation de la concurrence. Cette question débouche inévitablement sur la nécessité de contrôler les opérations de concentration sur le marché afin de veiller à une saine et loyale concurrence, gage de la liberté d’entreprendre. Seulement, la juxtaposition de deux réglementations (les textes Camerounais régissant la concurrence et la réglementation CEMAC) ne manque pas de mettre en exergue un problème d’adéquation et dont d’applicabilité des textes d’autant plus que le droit communautaire, préséant21, se heurte le plus souvent aux réalités internes qui peuvent handicaper son application à plus d’un titre. Cette confrontation risque de priver les Etats- membres d’une partie de leur souveraineté dans la détermination de leurs politiques industrielles, au point d’amenuiser l’engouement de rentabilité et de compétitivité économiques recherchées par de tels regroupements22. Or, les réalités économiques particulières à chaque Etat ne peuvent être négligées par la législation communautaire. Dans le souci de trouver une imbrication harmonieuse du droit de la concurrence en général, de l’acceptabilité des opérations de concentrations en particulier et des remous ou distorsions réglementaires, fruit de la cohabitation plus ou moins imprécise de deux législations, il convient d’abord d’examiner le problème de l’admissibilité des opérations de concentration (I), avant de s’interroger sur la nature et l’efficacité des sanctions à la violation des règles qui gouvernent les regroupements concentrés (II). I - L’ADMISSIBILITE DES OPERATIONS DE CONCENTRATION EN DROIT INTERNE ET EN DROIT COMMUNAUTAIRE CEMAC Au sens de l’art. 2 du Règlement n° 1/99, les concentrations d’entreprises bénéficient d’un préjugé favorable23, bien que celui-ci soit masqué par la prééminence de l’Etat à travers ses organes de régulation de la concurrence. La réalité économique est celle d’une concentration horizontale24 sans cesse accrue pour toutes les activités au sein desquelles existent des économies d’échelle, c’est-à-dire une réduction des coûts de production avec l’augmentation de la taille. Cette tendance n’entraîne cependant pas une réduction sensible du nombre d’entreprises, contrairement aux prédictions de KARL MARX qui soulignait que de crise en crise, la concentration déboucherait à la longue sur une monopolisation de la production par quelques grands ‘’trusts’’, d’où la nécessité de canaliser de tels regroupements25. Pour cela, les différentes législations relatives au droit de la concurrence, sans véritablement fustiger l’opération de concentration comme anticoncurrentielle (A), s’efforcent de préciser les conditions dans lesquelles elle pourrait constituer une sérieuse entrave à la libre concurrence sur le marché, par la formation d’oligopoles économiques mondiaux.26 Par conséquent, et au regard de notre contexte économique, la question des concentrations se pose uploads/Finance/ les-concentrations-d-entreprises-en-droit-interne-et-en-droit-communautaire-cemac-pdf.pdf

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  • Publié le Oct 28, 2021
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