n°08 mai 2013 POINT SUD les études du CNCD-11.11.11 Les mécanismes de l’injusti
n°08 mai 2013 POINT SUD les études du CNCD-11.11.11 Les mécanismes de l’injustice fiscale mondiale © Gus Estrella 2012 par Antonio Gambini, Chargé de recherche Financement du développement au CNCD-11.11.11 02 1/ introduction 02 2/ fiscalité et développement 03 3/ l’architecture institutionnelle internationale en matière fiscale 08 4/ la lutte « officielle » contre les paradis fiscaux 10 5/ les traités fiscaux internationaux 15 6/ la fiscalité des entreprises multinationales 22 7/ les conseils fiscaux 28 8/ conclusion 31 9/ les recommandations du CNCD-11.11.11 aux décideurs politiques belges et européens 32 10/ lectures conseillées 33 L’objet de la présente étude est le lien entre la question de la justice fiscale mondiale et le développement. Nous croyons qu’aujourd’hui le système international tel qu’il existe organise un véritable scandale mondial aux dépens des populations du monde entier et du Sud en particulier. Nous verrons en premier lieu quelles sont les estimations de besoins de financement pour lutter contre la pauvreté et contre le réchauffement climatique. Ces chiffres seront mis en relation avec les estimations des flux illicites sortant des pays en développement (PED), dont le moteur principal est la volonté de se soustraire à l’impôt. Ensuite nous esquisserons les éléments de la gouvernance mondiale actuelle en matière fiscale pour en identifier les acteurs principaux, notamment le club des pays industrialisés que représente l’OCDE et les Institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale) régies par le principe «un dollar, une voix». Le G20 a décrété officiellement depuis 2009 une guerre contre les paradis fiscaux, dont nous essaierons de décrire les étapes et les résultats, à ce stade peu convaincants. Les traités en matière fiscale ressortent de deux grandes catégories, les conventions de prévention de la double imposition et les accords d’échange d’information en matière fiscale, dont nous étudierons la portée et les effets. La prévention de la double imposition se transforme dans la plupart des cas en une véritable double exemption fiscale au bénéfice de certains contribuables privilégiés, alors que les accords d’échanges d’informations «sur demande» promus par l’OCDE se révèlent totalement inadéquats pour détecter fraude et évasion fiscales. La fiscalité des entreprises multinationales est une des sources principales de déperdition de ressources fiscales. Nous étudierons l’encadrement juridique international de la question, qui permet aujourd’hui à certaines multinationales de réduire leur contribution fiscale à des niveaux proches du taux de zéro pourcent des bénéfices, et les différentes pistes de progrès et de solution. Enfin, avant de conclure et de proposer des recommandations aux décideurs politiques belges et européens, nous évoquerons la question des activités de conseil en matière fiscale à destination des pays du Sud entreprises par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). Pour l’essentiel, sous couvert d’efficacité économique, ces institutions prônent un modèle fiscal injuste qui protège les personnes les plus riches et les grandes entreprises, aux dépens des petites et moyennes entreprises (PME) et de la majorité pauvre de la population. sommaire 1/ introduction La satisfaction des besoins essentiels de la population, l’éradication de la pauvreté et donc le respect des droits humains dans leurs dimensions économique et sociale sont des objectifs qui demandent des moyens. De plus, le phénomène de réchauffement climatique mondial vient encore alourdir la facture pour les pays du Sud, qui doivent mobiliser des ressources pour permettre l’adaptation aux effets des changements climatiques et pour contribuer aux efforts de limitation des émissions de gaz à effet de serre1. Le rapport des Nations Unies, intitulé «Étude sur la situation économique et sociale 2012 2» estime à un millier de milliards de dollars US par an les investissements nécessaires pour faire face aux enjeux climatiques et sociaux dans les prochaines décennies. Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) visent des progrès significatifs mais partiels à l’horizon 20153. Les besoins de financement sont néanmoins considérables. Ainsi l’OCDE estime que 60 milliards de dollars sont nécessaires annuellement pour réaliser les seuls OMD liés à la santé 4. Or, les flux illicites de capitaux, sortant des pays en développement (PED) pour se diriger ailleurs (typiquement vers les paradis fiscaux et les pays développés) sont une des sources principales d’appauvrissement des pays du Sud. La comparaison de ces sorties financières (flux illicites sortants, service de la dette publique et profits expatriés légalement) et des entrées financières des PED (aide publique au développement- APD, argent envoyé dans le pays d’origine par les travailleurs migrants-remittances en anglais, investissements directs étrangers- IDE, prêts entrants) conduit au constat que les flux illicites représentent la source d’appauvrissement la plus stable et la 2/ fiscalité et développement plus importante de ces pays. Les flux d’investissements privés (investissements directs étrangers et investissements de portefeuille) peuvent être très importants mais sont marqués par une grande volatilité pro-cyclique. Enfin, les prêts et emprunts publics donnent aujourd’hui des résultats très contrastés : les pays en développement qui peuvent se le permettre accumulent massivement des réserves de change, qu’ils placent en partie dans des titres de dette publique états-unienne et européenne, notamment pour éviter le risque de devoir à nouveau faire appel au FMI et à ses conditionnalités en cas de besoin de devises; les pays plus pauvres sont partiellement sortis de la spirale infernale de la dette, suite aux opérations d’allégement de la dette et à la hausse des prix des matières premières, mais recommencent à s’endetter et s’exposent donc au risque d’une nouvelle dette insoutenable. Les flux illicites contribuent donc grandement à expliquer la réalité de la persistance d’une concentration de populations vivant dans le dénuement et la misère dans les pays en développement, malgré des décennies de coopération au développement et de lutte contre la pauvreté. 03 1/ Voir notamment Gambini, A., Financer la lutte contre le réchauffement global: les marchés financiers au secours du Sud ?, CNCD-11.11.11, Point Sud n°3, novembre 2011, http://www.cncd.be/Financer-la-lutte-contre-le 2/ UNDESA, World Economic and Social Survey 2012. In Search of New Development Finance, 2012, http://www.un.org/en/development/desa/policy/ wess/wess_current/2012wess.pdf 3/ Voir notamment Zacharie, A., Les objectifs du millénaire : un bilan critique 10 ans après leur adoption, CNCD-11.11.11, Point Sud n° 0, septembre 2010, http://www.cncd.be/Les-objectifs-du-millenaire-un 4/ UNDP, Stijns, J.-P. et al., Can we still achieve the Millenium Development Goals? From costs to policies, OCDE, 2012 04 / fiscalité et développement Un des plus grand spécialistes de ces flux illicites, Raymond Baker, les divise en trois composantes: la corruption, estimée à hauteur de 3% du total, 30 à 35% issus d’activités criminelles en tout genre et enfin 60 à 65% résultant de manipulations commerciales (falsification totale ou partielle du prix d’échanges transfrontaliers de biens ou services par les entreprises)6. Une autre façon, complémentaire, d’envisager ces flux est de considérer qu’ils ressortent des trois catégories suivantes: 1/ l’expatriation des revenus d’activités illégales et criminelles (corruption, trafics), 2/ l’expatriation de capitaux par des personnes physiques aisées, 3/ le déplacement hors du territoire national de profits engrangés par des personnes morales (les entreprises multinationales dans la plupart des cas). La dimension fiscale se retrouve à deux niveaux, celui du mobile et celui des résultats. La volonté de se soustraire à l’effort contributif national constitue la motivation principale de l’expatriation de ces ressources. Cette supposition est souvent contestée. Certainement la volonté de se soustraire à la justice répressive par la dissimulation est la motivation du premier des flux, bien plus que celle d’éviter une ponction fiscale. Quant aux deux autres catégories, la question est en réalité relativement sans intérêt, car quelles que soient les motivations du mouvement de capitaux, le résultat est le même: une diminution des revenus déclarés aux autorités fiscales du pays d’origine, et donc une diminution de ressources publiques à la disposition des autorités des PED. Selon l’estimation la plus récente de l’ONG «Global Financial Integrity» (GFI), ces flux illicites seraient de l’ordre de 775 milliards de dollars en 20097 pour l’ensemble des PED. Ndikumana et Boyce calculent une moyenne de 115 milliards de dollars de flux illicites rien que pour les 33 pays d’Afrique subsaharienne sur la période 1970-20108. Enfin le PNUD9 calcule que les pays les moins avancés (PMA, les pays en développement les plus pauvres) ont perdu 26,3 milliards de dollars en 2008, soit presque 5% de leur PIB10. L’ensemble de ces estimations fait état d’une tendance lourde à l’augmentation, particulièrement depuis l’an 2000. ENCADRÉ 1 LES ENTRÉES ET SORTIES DE CAPITAUX (EN POURCENTAGE DE PIB) DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT (PED) ET LES PAYS À BAS REVENU (PBR), CALCULÉES EN 2012 PAR JESSE GRIFFITHS 5 PED PBR Emprunts privés (2010) +1,80% nd Remittances (2009) +1,50% +4,90% IDE (2011) +1,30% +1.60% Emprunts publics (2010) +0,70% nd APD (2011) +0,60% +10% Investissements de portefeuille (2010) +0,60% – 11% Flux illicites (2009) – 4,30% – 3% Prêts publics (2010) – 4,70% nd 8/ Boyce J. & Ndikumana L, Capital Flight from Sub-Saharan African Countries: Updated Estimates, 1970 – 2010, University of Massachusetts, Amherst, octobre 2012, http://www.peri.umass.edu/fileadmin/pdf/ ADP/SSAfrica_capitalflight_Oct23_2012.pdf 9/ Programme des Nations Unies pour le développement 10/ UNDP, Illicit financial flows from the least developed countries: 1990-2008, mai 2011, http://www.undp.org/content/dam/undp/library/ Poverty%20Reduction/Trade,%20Intellectual%20Property%20and%20Migra tion/FINAL%20_IFFs_from_LDCs.pdf 11/ Ibid., p. 10 5/ Griffiths, J., Development finance – where does it come from?, uploads/Finance/ les-mecanismes-de-l-x27-injustice-fiscale-mondiale.pdf
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- Publié le Jan 13, 2022
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