LAURENT TROUDE Guéant De2002à2004,l’ex-directeurdecabinet deSarkozyàl’Intérieur

LAURENT TROUDE Guéant De2002à2004,l’ex-directeurdecabinet deSarkozyàl’Intérieuradétourné10000euros parmoisdes«fraisd’enquête»despoliciers… REPORTAGE EXCLUSIF: MALTRAITANCE, LA PAROLE AUX ENFANTS Pendanttroisjours,«Libération» avéculequotidiend’uncentre deplacementenurgence. PAGES 12­15 PAGES 2­5 LAMAINDANSLESAC •1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9976 MARDI 11 JUIN 2013 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA. La découverte d’un possible détournement de fonds publics d’environ 250000 euros entre 2002 et 2004 pourrait valoir à l’ancien ministre de nouveaux ennuis judiciaires. Guéant,l’agent comptant R attrapé par des affaires diverses et variées, exoti- ques parfois (pages 5-6), liées à des suspicions de financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 ou d’intervention dans l’arbitrage de Bernard Tapie pour Adidas,Claude Guéant pourrait se voir repro- cher par la justice de possibles «détournements de fonds publics». Le ministre de l’Intérieur, Manuel V alls, a transmis hier soir au procureur de la République de Paris le «Rapport sur les frais d’enquête et de surveillance» (FES) des ins- pections générale de l’administra- tion (IGA) et de la police nationale (IGPN). Ce document établit en ef- fet que «des versements de l’ordre de 10000 euros mensuels» –prélevés sur les fonds en espèces dédiés aux opérations de police– ont été effec- tués entre mai 2002 et l’été 2004 au profit du directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur, Claude Guéant. Ce qui était strictement in- terdit et illégal. Car les primes de cabinet ministériel en numéraires ont été abolies le 1er janvier 2002, puis versées sur les salaires et, donc, déclarées au fisc. D’après le rapport, Guéant aurait «rétabli» ce système de dotation en prélevant 10000 eurosparmois. Qu’ils’agisse d’enrichissement personnel, de re- distribution à «deux ou trois collabo- rateurs» –c’est ce qu’avance Jean- Marc Leclerc du Figaro, très lié à Guéant– ou du pilotage de «la tra- que de Ferrara et plus encore d’un Co- lonna», voire de financement poli- tique de son mentor Sarkozy, cet éventuel «détournement de fonds pu- blics» pourrait venir épaissir le dos- sier des juges Serge Tournaire et René Grouman déjà ouvert contre X pour «corruption, trafic d’influence, abus de biens sociaux et blanchi- ment». Selon nos informations, Claude Guéant a été entendu jeudi par la Division nationale des inves- tigations financières et fiscales (Dniff), saisie par les magistrats à propos de mouvements de fonds suspects sur ses comptes bancaires. «ÉLECTROMÉNAGER». Cette en- quête a démarré après les déclara- tions de l’intermédiaire Ziad Ta- kieddine sur des mallettes d’argent du colonel Kadhafi, prétendument remises à Sarkozy pour qu’il accède à l’Elysée en 2007. Puis une perqui- sition menée, le 27 février, au cabi- net et au domicile de Me Guéant, a permis de découvrir un versement suspect de 500000 euros en prove- nance de Malaisie et de nombreuses factures réglées en espèces. Suite aux révélations du Canard enchaîné du 30 avril, Claude Guéant a justifié ce gain d’un demi-million par la vente «à un confrère avocat malai- sien» de deux croûtes d’un peintre flamand du XVIIe siècle qui ne va- lent pourtant pas grand-chose, se- lon l’expert Artprice. Pour expli- quer ses achats en liquide, Claude Guéant a assuré à Libération qu’il s’agit de «dix factures d’électromé- nager et d’équipement de maison, pour un montant total de 20000 à 25000 euros» payées en liquide avec les «frais d’enquête et de sur- veillance» qu’il touchait au cabinet du ministère de l’Intérieur. Il nous a même précisé que cet argent au black s’élevait «à des milliers d’euros par mois, de l’ordre de 3000 à 5000 euros». Le rapport des ins- pections évoque le double ou le triple de billets pris sur les fonds publics. Le plus cocasse, c’est que Guéant s’est assis sur ses propres principes édictés le 3 février 1998, en tant que directeur général de la police natio- nal, dans une note adressée aux pa- trons de police stipulant «qu’en aucun cas» ces frais d’enquête et de surveillance ne doivent être «consi- dérés comme permettant d’alimenter un régime indemnitaire». Il interdi- sait donc que ces fonds servent à fi- nancer des primes occultes en li- quide. Mais en 2002, ayant changé de casquette, il paraît avoir «oublié» ces règles, ponctionnant 10000 euros dans cette enveloppe dédiée aux policiers. Un comble pour Jean-Marc Bailleul, leader du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI), directement inté- ressés par ces «gratifications» et «frais», qui exige que «Guéant rende l’argent»: «Il doit rembourser les sommes qu’il a indûment touchées sur le dos des services de police.» «VIREMENT». Sans nul doute, Claude Guéant devra rendre des comptes à la justice sur ces 250000 euros de faux frais de po- lice perçus à l’époque, mais égale- ment –comme l’a révélé l’Express– sur «un virement de 25000 euros versés depuis la Jordanie» découvert dans les documents retrouvés chez lui ainsi que «deux notes à en-tête du ministère de l’Intérieur qui évo- quent ses relations régulières» avec trois hommes d’affaires sulfureux: Ziad Takieddine, Alexandre Djou- hri et l’avocat Robert Bourgi.• ParPATRICIATOURANCHEAU L’ESSENTIEL LE CONTEXTE Selon un rapport administratif, Guéant a puisé près de 250000 euros dans les fonds dédiés aux enquêtes entre 2002 et 2004, lorsqu’il était dircab du ministre de l’Intérieur. L’ENJEU Manuel Valls a transmis ce rapport à la justice. REPÈRES Depuis 2002 et sur décision de Lionel Jospin, alors Pre­ mier ministre, les «indemnités de sujétion particulière» (ISP) ont remplacé les primes issues des «fonds spéciaux de gouvernement», versées en liquide aux chefs des cabinets des ministères, qui les répartissaient ensuite auprès de leurs troupes. CLAUDE GUÉANT EN 10 DATES 17 janvier 1945 Naissance à Vimy (Pas­de­Calais). 1971 Sort de l’ENA. 1991 Préfet des Hautes­Alpes. 1994 Nommé directeur géné­ ral de la police nationale. 2002 ­2007 Directeur de cabinet de Sarkozy au minis­ tère de l’Intérieur et à Bercy. 2007 Directeur de la campa­ gne présidentielle de Nicolas Sarkozy. 16 mai 2007 Secré­ taire général de l’Elysée. 27 février 2011 Ministre de l’Intérieur et de l’Immigration. Juin 2012 Battu par un dissi­ dent de droite aux législatives à Boulogne. 19 décembre 2012 Devient avocat. Les frais d’enquête et de surveillance (FES) sont cen­ sés rémunérer les informa­ teurs, les opérations de police et gratifier des enquêteurs. Cet argent liquide est distri­ bué par le directeur général de la police national (DGPN) aux différents services. RÉCIT LIBÉRATION MARDI11 JUIN2013 2 •EVENEMENT Payer des indics ou financer des filatures, les «frais d’enquête» sont parfois dévoyés. La très pratique cagnotte policière P as tout à fait noire, la caisse des frais de police reste encore opaque. Manuel Valls entend la rendre encore plus «transpa- rente» par un système de «traçabilité des verse- ments et de contrôle» préconisé par les deux inspections (IGA et IGPN) lui ayant rendu hier le rapport qu’il avait commandé le 2 mai pour élucider les histoires de primes en espèces in- voquées par Claude Guéant. «Madame Henriette». Inscrite dans la loi de finances, une discrète ligne budgétaire attribue près de 10 millions d’euros à ces «Frais d’en- quête et de surveillance» contre 12,6 millions entre 1998 et 2004. C’est le directeur général de la police nationale qui gère ces espèces son- nantes et trébuchantes, et les redistribue aux patrons de la police judiciaire, des services de renseignement intérieur (DCRI –RG et DST avant 2008), police aux frontières (PAF), sécu- rité publique ou encore aux flics d’élite du Raid. Lesquels redispatchent les billets de la main à la main à leurs commissaires et officiers pour payer des indicateurs et, selon un enquê- teur, du «petit matériel, des vêtements ou des re- pas durant des surveillances discrètes pour ne pas se faire repérer. Si l’on sort la carte de police et le carnet de chèques, c’est fichu. Cet argent liquide sert à régler la chambre dans l’hôtel borgne où se planque un gros voyou, la place de concert ou d’opéra nécessaire pour suivre la cible, etc.» Ces enveloppes servent également à donner des «gratifications» aux policiers ayant fait «une belle affaire» qui vont de «30 euros par flic à des milliers d’euros». Les tombeurs du com- mando ayant assassiné le préfet Erignac ont touché 15000 euros pour les RG et 23000 euros pour la PJ. De grosses enveloppes servent aussi aux opérations de lutte contre le terrorisme, le trafic de stupéfiants et le grand banditisme. Ces fonds légaux sont remis par la Banque de France à la comptable de la DGPN. C’est Ma- dame Henriette qui, jusqu’en 2007, officiait comme «manutentionnaire de billets», selon un ancien haut fonctionnaire de la DGPN, et ré- partissait les liasses numérotées dans des boî- tes à chaussures qu’elle remettait en grand se- cret aux patrons de police. «Les deux G». Claude Guéant l’a pratiquée lui aussi comme uploads/Finance/ liberation-n09976-mardi-11-juin-2013-pdf 3 .pdf

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  • Publié le Mar 27, 2022
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