C’est maintenant ! 3 ans pour sauver le monde JEAN-MARC JANCOVICI ALAIN GRANDJE

C’est maintenant ! 3 ans pour sauver le monde JEAN-MARC JANCOVICI ALAIN GRANDJEAN SEUIL - 2009 N° 360 / JUIN 2009 LIVRES D’ACTUALITÉ présente, chaque mois, un certain nombre de notes de lecture d’ouvrages apportant un éclairage sur les mouvements d’idées, les tendances qui se dessinent en ce début de XXIe siècle. DÉPARTEMENT RESSOURCES D’INFORMATIONS : Tél. : 01 42 75 78 23 LYDIE GORDEY : Tél. : 06 33 53 18 39 - Mél. : lydie.gordey@free.fr Livres d’actualité N O T E S D E L E C T U R E 2 Nous confondons en permanence les réalités (les ressources) et les symboles ou conventions (les prix). Nous ne voyons pas que l’argent n’est évidemment pas la richesse matérielle, même s’il sert d’étalon de mesure de cette richesse. Et l’illusion a la vie dure, car même les mots nous font croire le contraire en permanence. Ainsi, quand nous croyons acheter un verre, nous n’ache - tons pas un verre. Ce que nous payons réel lement, c’est juste la succession des revenus des gens qui ont contri bué à sa fabrication en partant de res - sources gratuites. Nous payons le travail hu main qui correspond à l’extraction du sable d’une carrière, le salaire des gens qui ont construit et exploitent le four, puis le salaire des personnes qui ont fabriqué et exploité le camion trans portant le verre jusqu’au magasin, etc. Mais à aucun moment nous n’avons payé le résultat de plusieurs milliards d’années de réactions nucléaires dans la génération d’étoiles qui a précédé le soleil, et qui a abouti à l’apparition des constituants du sable et des métaux permettant de faire un four à verre, ni le résultat de quelques milliards d’années de plus pour que les mouvements de l’océan trans forment des roches en sable. Nous n’avons pas plus payé la vie plancto nique d’il y a 60 millions d’années et la géothermie qui sont à l’origine du pétrole et du gaz utilisés dans les camions et le four. Cet exemple est généralisable à tout ce que nous achetons. Nous croyons acheter un poisson ? Illusion d’optique, écri vent les auteurs. Nous payons en fait le salaire du pê cheur, celui du charpentier qui a construit le ba teau, ainsi que celui du banquier qui a prêté de l’argent au pêcheur pour qu’il achète son bateau. Tout ce beau monde ne fait que profiter d’un poisson qui est apparu dans l’océan sans que personne y soit pour quoi que ce soit. L’économie ne consiste qu’à acheter des heures de travail et des rentes à des gens qui ont transformé des ressources naturelles ou qui se trouvent en être les propriétaires du moment, mais qui ne les ont pas créées. En vérité, ces res sources sont gratuites pour tout le monde. Leur prix n’est que le salaire de leur extraction, ou du consentement à s’en défaire quand l’Histoire a fait de vous leur propriétaire. On va aussi trou ver des dividendes pour les actionnaires des entreprises, et des impôts pour les États. Au bout du compte, on ne paie que la contrepartie de revenus humains : l’argent n’achète que des hommes. L’argent n’achète pas la nature, qui ne se fait payer ni pour le pétrole ou la photo synthèse qu’elle nous fournit gratuitement, ni pour les dégradations que nous lui infligeons. Notre système de conventions nous rend aveugles aux dépréciations qui ne touchent personne à bref délai. Si un million de kilomètres carrés de banquise dis paraît, comme personne n’a d’activité basée sur l’utilisation de la banquise, c’est une disparition totalement indolore pour l’économie. Logique ! L’éco no mie, ce n’est que des flux d’échan - ges entre les hommes. Une évidence que nous oublions en permanence. Nous parlons du prix du pétrole, de celui de l’eau, et même de celui de l’énergie solaire, comme si nous avions la possibilité de créer du pétrole, de l’eau et du soleil ! D’une convention comptable – qui ne compte que le facteur humain – est née une tragédie. Nous vivons dans un univers bien physique, mais l’essentiel des décideurs sont dans un univers virtuel, fait de conventions. Nous vivons tous dans Second Life. I 2009 - 280 pages - 19,50 € C’est maintenant ! 3 ans pour sauver le monde Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean* * Jean-Marc Jancovici est consultant et enseignant. Alain Grandjean est économiste. Tous deux anciens élèves de l’École polytechnique, ils sont les fondateurs de la Société Carbone 4, qui aide les entreprises et la puissance publique à comprendre et à agir face au problème “énergie-climat”. 3 Remettre l’énergie à sa juste place en physique Puisque l’énergie est au centre de la totalité de nos flux physiques et donc de nos activités économiques, il faut lui donner une place équivalente dans nos politiques publiques. En pratique, cela signifie que les gouvernements, la Commission européenne, l’OMC et le FMI s’interdisent de faire des plans pour l’avenir sans vérifier qu’ils sont compatibles avec un approvisionnement en hydrocarbures qui baisse, ou des émissions de gaz à effet de serre qui suivent délibérément la même trajectoire. Q Cela revient en fait à tout passer au crible. L ’une des premières choses à faire est donc de nommer un “conseiller technique ressources et énergie” dans chaque cabinet de chaque ministère. Son rôle serait de vérifier que les projets de loi ne sont pas complètement irréalistes au regard des limites physiques connues à ce jour. Q Il faut ensuite que les députés des commissions “affaires économiques” et “finances” se forment d’urgence et de manière lourde sur l’énergie, le changement climatique et les contraintes associées. Q Enfin, il faut adopter – en France et en Europe – une stratégie à trente ou quarante ans sur l’énergie, avec un volet sur la demande et un volet sur l’offre. Cette stratégie – en France et en Europe – doit devenir consensuelle et aussi évidente que le financement des retraites ou l’existence d’une sécurité sociale. Le volet sur la demande de ce plan est d’une “simplicité biblique” : d’abord réduire, ensuite, réduire, enfin réduire et s’y mettre tout de suite. Les vrais besoins ne sont pas négociables, mais ils ne sont à l’origine que de 10 % de la consommation humaine. Le plus souvent, là où nous ne pouvons pas, il faut comprendre que nous ne voulons pas, ce qui est radicalement différent. Un pan majeur du plan de sortie de crise concerne donc nos comportements. Pour réduire la consommation matérielle, il n’y a que deux voies : ou bien on limite par les quantités (interdictions, normalisations, quotas), ou bien on limite en faisant payer (taxes, tarifs modulés, etc). La taxe est mieux adaptée au diffus, la limitation par les quantités aux gros consom - mateurs, la normalisation étant un accélérateur utile pour certaines catégories très importantes (logements et voitures, par exemple) sans garantir le résultat à elle seule. Si l’on veut faire baisser la demande, il faut souvent aussi investir. Pour un ménage, cela pourra être l’investissement dans l’isolation du logement ou dans une voiture moins consommatrice. Pour la puissance publique, ce peut être dans le financement de ces dépenses, ou la formation des acteurs qui savent faire. En matière énergétique, l’État considérait jusqu’à présent que son domaine d’intervention était dans l’augmentation de l’offre. Il est urgent qu’il intervienne désormais dans le financement, éventuellement massif, de la baisse de la demande. Pour l’offre énergétique, nous avons trois gros secteurs : celui de l’électricité, celui de la chaleur (chauffage, chaudières industrielles) et celui de la mobilité. - La mobilité. Il faut à la fois supprimer une partie des transports, et rendre plus léger, plus lent et moins puissant ce qui reste. Cela passe par une normalisation drastique pour les constructeurs qui n’ont que trop traîné à se mobi liser, et une hausse programmée du prix des carburants routiers via la taxe carbone, en aidant par des transferts appropriés la reconversion des ménages – et des professions – les plus fortement pris au dépourvu. - Pour ce qui est de la production de chaleur chez les parti - culiers, gaz et fioul sont à remplacer par des renouvelables (essentiellement du bois, de la géothermie et du soleil) et un peu d’électricité de réseau. En fait, si la rénovation du bâti se fait à la bonne vitesse, l’énergie thermique résiduelle nécessaire chez le particulier et dans le tertiaire sera réduite à trois fois rien, et la substitution par les renouvelables sera grandement facilitée. - Pour l’électricité, le plus gros potentiel d’économie de CO2, à vingt ou trente ans, réside dans la capture et la séquestration dans les centrales à charbon existantes, et le déploiement du nucléaire là où il ne pose pas de problème majeur de mise en oeuvre. Quoi, pas d’éolien ? Non, pas d’éolien dans ce “crash programme” : en Europe, modifier toutes les centrales à charbon en vingt ans avec de la capture et de la séquestration pour qu’il n’y ait plus de CO2 relâché dans l’air va coûter cher, mais beaucoup moins que de uploads/Finance/ livres-d-x27-actualite-n0360-c-x27-est-maintenant.pdf

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  • Publié le Jan 02, 2023
  • Catégorie Business / Finance
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