Secteur informel, cas du Maroc Adil Boutda, 2011. Le secteur informel continue

Secteur informel, cas du Maroc Adil Boutda, 2011. Le secteur informel continue de jouer un rôle prépondérant dans notre économie nationale. Medias et officiels ne cessent d’en souligner la forte nuisance, puisqu’il ne paye ni impôts pour l’Etat, ni couverture sociale pour ses employés, et pratique ainsi, une concurrence déloyale aux entreprises structurées. Ces dernières sont donc gênées dans leur développement, et in fine, c’est l’émergence d’une véritable économie moderne au Maroc, qui s’en trouve hypothéquée. Pourquoi le secteur informel ne décline pas et continue de constituer une grande partie de notre économie? Pourquoi les entreprises informelles s’éternisent dans l’illégalité, et ne franchissent pas le seuil de la formalisation ? D’aucuns penseraient que ce sont les entrepreneurs informels qui refusent toute légalité. Mais cette assertion, ne peut résister à un simple examen de bon sens : En effet, l’entrepreneur est le premier qui souffre de sa clandestinité, puisque le bénéfice de se soustraire aux impôts et aux charges sociales, ne pèse pas lourd devant les inconvénients de l’informel : Pas de crédits bancaires possibles, pas d’assurances, et surtout, aucun moyen de recouvrer les créances en souffrances des clients indélicats ! Retenons donc, que l’entrepreneur, est souvent retenu dans le noir, contre son gré ! Par ailleurs, c’est l’informel qui représente la forme originelle, normale, et majoritaire du tissu économique des pays en développement, et c’est le secteur structuré qui vient progressivement s’y greffer. Cette remarque n’est pas anodine, puisqu’elle permet de corriger l’illusion d’optique, qui voudrait voir dans l’informel, une excroissance récente, conséquence de l’incapacité du secteur « formel » d’absorber les nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi (cf. rapport du cinquantenaire « Le Maroc possible »). L’informel étant le moment premier de toute économie en devenir, ce n’est pas sa présence en soi, qui doit nous inquiéter, mais c’est son incapacité à grandir et à se moderniser, qui doit nous interpeller. Je pense que trois grands facteurs, agissent de concert, pour condamner nos entreprises informelles en particulier, et notre industrie en général, à un nanisme perpétuel : Notre faible compétitivité, un environnement international défavorable, et la permissivité de nos frontières. Des causes : I. Notre faible compétitivité : Au Maroc, tout le monde s’accorde à dire que notre compétitivité est lamentable. C’est le consensus ! Le déficit abyssal de notre balance commerciale en est une preuve suffisante. Inutile donc, d’en rappeler les causes. Quant à ses innombrables conséquences, une seule au moins devrait retenir notre attention : Un entrepreneur, qu’il soit dans l’informel ou qu’il ne le soit pas, aura presque toujours des prix de revient plus élevés que ceux obtenus, sous des cieux plus cléments. Nous ne pouvons donc compter sur l’exportation pour développer notre tissu industriel. Reste alors notre marché national. Malheureusement cette notion de marché domestique n’existe plus au Maroc, puisque les produits fabriqués localement subissent une farouche et déloyale concurrence des divers biens importés. Et je décrirais cette inique concurrence dans les lignes qui suivent. II. Notre environnement international : Des pays comme la Chine ou le Brésil, sont compétitifs dans l’absolu. Leurs produits sillonnent le monde. D’autres pays en revanche, sont relativement compétitifs. J’entends par là, qu’ils sont plus compétitifs que leurs voisins immédiats. Leurs entreprises bénéficient donc d’un marché régional, en plus de leur marché domestique. C’est le cas de la Turquie qui profite pleinement de sa proximité avec la Russie, l’Asie centrale, le Proche et le Moyen- Orient! C’est aussi le cas de la Tunisie, parfaitement lovée entre deux pays pétroliers et totalement dépourvus d’industries de transformation : La Libye, et l’Algérie bien sûr ! En revanche, nos entrepreneurs ne bénéficient d’aucun marché régional, et pour cause :  Le désert du Sahara les coupe de l’Afrique de l’ouest.  Le différend politique les isole du Maghreb.  Le différentiel de développement les éloigne de l’Europe. III. La permissivité de nos frontières : Les accords de libre échange Tout d’abord, l’inhibition légale de nos frontières, à cause des fameux accords de libre échange signés avec des pays comme l’Allemagne, la Turquie, la Tunisie, et l’Egypte. Tous ces pays ont un point commun entre eux : Ils sont tous performants à l’export, contrairement bien sûr, à notre pays ! Un bien manufacturé au Maroc sera presque toujours moins qualitatif et/ou moins performant qu’un produit allemand. Et un produit fabriqué au Maroc sera toujours plus cher qu’un produit égyptien, turque, ou tunisien. Qu’espérions-nous donc, pouvoir vendre à ces champions de l’exportation ? Eux en tout cas, ne se posent visiblement pas ce genre de questions, puisque leurs exportations en notre direction, progressent de manière exponentielle! En effet, leurs entreprises bénéficient d’innombrables avantages concurrentiels :  En Egypte, Smig à 400 Dhs/mois, très faible coût de l’énergie, et subventions de l’Etat pour les exportateurs.  En Tunisie, un Dinar dévalué de 50% par rapport au Dhs, entre 2000 et 2010.  En Turquie, des économies d’échelles grâce aux grandes structures, et des ressources humaines performantes. Les dédouanements frauduleux Nos importateurs, usent et abusent de diverses ruses, afin de minimiser les droits de douane qu’ils devraient payer : Sous-facturation, fausses nomenclatures, faux certificats d’origine, .etc. Inutile de préciser, que toutes ces pratiques sont possibles grâce à notre sport national : La corruption bien sûr ! Les Admissions Temporaires : Les entreprises exportatrices sont majoritairement sous-traitantes, pour le compte de donneurs d’ordres européens. Ils reçoivent tous leurs intrants de ces derniers sous le régime des AT (Admissions temporaires). Mais ils ne peuvent en aucun cas exporter 100% des quantités prévues, pour diverses raisons. Et tout ce qui n’est pas exporté, est bradé sur le marché local. Elles provoquent ainsi, un véritable parasitage de l’offre. La contrebande : Quant à nos frontières terrestres, sont-ce là de véritables autoroutes de la contrebande. Dans les lignes qui suivent je décrirai succinctement ces flux de marchandises : 1. Sebta et Melilla : Une poignée de barons contrôle la quasi-totalité des flux contrebandiers, depuis ces deux zones franches, jusqu’aux différents grossistes du marché nationale. Elle utilise pour cela, quelques 30 000 « mules humaines » qui chargent les colis sur leurs dos, et traversent quotidiennement, les frontières à pieds (cf. la revue Economia déc. 2010) Ces marchandises ont d’énormes marchés comme points de chute, dans quasiment toutes les villes du royaume, qu’elles atteignent grâce à la gigantesque flotte de bus interurbains qui sillonnent nos routes, nuits et jours. Cette contrebande est tolérée par l’Etat pour « raisons sociales », puisque les gens du nord n’auraient point d’autres « domaines » où travailler ! Je pense que cet argument pouvait encore tenir il y a trente ans de cela, car nous n’avions pas encore, de véritable tissu industriel, qui risquait de souffrir de cette concurrence déloyale. Aujourd’hui les usines existent bel et bien, et l’Etat doit comprendre, que pour toute mule humaine « tolérée », c’est une ouvrière qui, faute de travail, reste sans emploi ! 2. Algérie : Notre voisin de l’est n’est pas un pays ordinaire. C’est même un drôle de couple : Un Etat riche/ un peule pauvre. Et pour ne pas perdre le second, le premier joue à la providence, en subventionnant grassement, et la production, et l’importation de tous les biens de consommation. Ces derniers circulent donc sur le marché algérien, à des prix beaucoup plus bas que leurs propres prix de revient ! Des affairistes des deux bords, saisissent « l’aubaine » et introduisent frauduleusement au Maroc, d’importantes quantités de marchandises. Celles-ci suivent les mêmes circuits sinueux que leurs consœurs du nord, pour atterrir sur les étals de nos commerces. 3. L’Europe, ou l’autre versant de la chine : Je m’explique : Si la chine réussit à produire d’énormes quantités de produits avec un excellent rapport qualité/prix, l’Europe en est le plus gros consommateur. Dans les dépôts de ses centrales d’achats, où transitent de très grandes quantités de biens de consommation, il se trouve toujours des fins de séries, des stocks « morts », ou des invendus. Et ces gros importateurs, cherchent toujours à s’en débarrasser, dans des pays comme le Maroc, à prix sacrifiés bien sûr ! Et ce sont des MRE conduisant de grandes voitures utilitaires, ou encore des bus assurant les lignes internationales entre le Maroc et les différentes villes d’Europe, qui jouent le rôle de passeurs de toutes ces fins de séries européennes vers le Maroc. Ils franchissent allégrement la frontière, sous l’œil intéressé et complaisant des douaniers. En effet, et depuis l’ère Basri, notre douane a comme consigne, de faciliter le transit de nos chers MRE. La corruption aidant, cette « coutume » permet aujourd’hui d’importer illicitement, des quantités insoupçonnables de produits de consommations. 4. Mauritanie : Une 4ème zone de contrebande est entrain de se développer, c’est notre frontière sud. Les importateurs qui utilisent le port de Nouadhibou, payent de très faibles droits de douane. Ils acheminent ensuite ces marchandises vers le poste frontalier de Lagouira, qu’ils arrivent à traverser sans coup férir, et rejoignent ainsi nos routes nationales ! Des conséquences : La permissivité de nos frontières sus-décrite, a uploads/Finance/ maroc-informel.pdf

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  • Publié le Oct 09, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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