Mémoire Droit de l’environnement Les entreprises et l’information environnement

Mémoire Droit de l’environnement Les entreprises et l’information environnementale Pierre BONNEAU SciencesPo Semestre de printemps 2012 2 Introduction L’émergence d’un droit à l’information environnementale a été consacrée dans le droit international lors de la Conférence de Rio sur l’Environnement et le Développement de 1992, dans le cadre du Principe 10 relatif à la participation. Toutefois, selon ce principe, les obligations d’information, notamment environnementale, reposent entièrement sur les autorités publiques – et en aucun cas sur les entreprises. Pourtant, le développement progressif d’instruments juridiques volontaires et contraignants et de partenariats incitatifs aux niveaux internationaux, régionaux, communautaire et nationaux, a fait émerger depuis une dizaine d’années une problématique de l’obligation d’information environnementale des entreprises, comme corollaire du concept de « Responsabilité Sociale et Environnementale » - c’est-à-dire les actions (ou préventions) des entreprises en faveur de l’intérêt général (droits de l’homme, environnement, gouvernance). Ainsi, alors que les seules obligations d’informations des entreprises portaient auparavant sur les informations financières à apporter régulièrement à leurs associés pour juger de l’évolution des affaires, les obligations de notification de l’information environnementale ou de « reporting RSE » acquièrent ainsi des portées de plus en plus contraignantes à tous niveaux. Que signifie la notion d’information environnementale ? Selon la Convention d’Aarhus de 1998, le terme d’information environnementale recouvre “toutes les informations disponibles sous forme écrite, visuelle, orale ou électronique et portant sur l’état d’éléments de l’environnement (...) des facteurs (...) qui ont ou risquent d’avoir des incidences sur l’environnement, et l’état de santé de l’homme (...) et des sites culturels (...) dans la mesure où ils risquent d’être affectés”1. Et quel est l’enjeu du reporting environnemental ? D’une part, celui-ci permet d’apporter une lisibilité élargie de la valeur de la société par rapport à ses investisseurs et à ses grands partenaires. Mais il agit également comme outil de pilotage pour déterminer les forces et faiblesses de l’entreprise (sur des enjeux sociétaux en particulier) et peut donc conduire à des démarches d’amélioration. De plus, le reporting encourage les bonnes pratiques dans la concurrence internationale tout en fondant un dialogue avec les parties prenantes. Parallèlement, l’accès public à l’information en matière d’environnement favorise une plus grande sensibilisation aux questions d’environnement et incite à une plus grande participation du public à la prise de décision en matière d’environnement2. Pour l’entreprise, le reporting est enfin un moyen d’être comptable (ou 1 Article 2.3. http://www.unece.org/fileadmin/DAM/env/pp/documents/cep43f.pdf 2 Directive 2003/4/CE du Parlement Européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement. 3 “accountable” en anglais) de ses actes face à ses actionnaires, ses potentiels investisseurs et les autorités publiques, et de prouver qu’elle respecte bien ses potentiels engagements RSE. Il n’y a toutefois pas pour l’instant de définition juridique précise et consensuelle des obligations de notification de la durabilité des entreprises, ni de la notion de RSE, ce qui peut expliquer l’état de flou normatif des obligations de notification d’information environnementale des entreprises : les lois contraignantes adoptées tiennent plus de l’incitation que de la contrainte, car bien souvent la sanction est absente en cas de non-divulgation. Ainsi les diverses propositions de convention internationale sur la RSE et le reporting émises dans le processus de préparation de Rio+20 autour de l’article 24 du Draft Zero doivent être analysées dans le sens d’une plus grande lisibilité normative sur ces concepts de RSE et sa base informationnelle. L’article 24 du Draft Zero propose en effet, de manière quelque peu évasive, « un cadre politique mondial obligeant les entreprises cotées et importante à prendre en compte les enjeux de développement durable et publier des informations afférentes dans le cadre de rapports annuels”3. Notre rapport se propose donc d’étudier la problématique de l’obligation d’information environnementale – appelée « obligation de reporting » - des entreprises au regard de l’état actuel de bouillonnements normatifs à tous niveaux. Il s’agit d’en comprendre en premier lieu l’émergence au niveau international et régional (1) par le biais d’instruments conventionnels autour du droit à l’information environnementale et la participation (A), d’instruments juridiques autour des notions de RSE (B) et d’instruments incitatifs et hybrides (C). Ensuite, une focalisation sur le cas européen (2) permet d’affiner la problématique en nous attachant à l’analyse des différentes directives de modernisation comptable et des règlements portant sur l’information environnementale à notifier par les entreprises (A), et leurs transpositions et interprétations différentes dans le droit interne des états-membres (B). Enfin, une focale nationale par l’analyse approfondie du cas français (3), pionnier des obligations de reporting via la loi sur les Nouvelles Regulations Economiques de 2001 (A), étendant la nature et le périmètre de ces obligations via les Loi Grenelle 1 et 2 (B), éclaire la problématique sous l’angle des difficultés d’application des textes (C). I/ Le cadre international et régional : entre soft law et hard law, incitation et contrainte. A. Instruments juridiques internationaux et régionaux relatifs aux droits d’accès à l’information, à la participation et à la justice : 3 Draft Zero of Rio+20, Article 24, http://www.uncsd2012.org/rio20/mgzerodraft.html#IId 4 Comme précisé plus haut, c’est le principe 10 de la Déclaration de Rio de 1992, qui consacre, autour du principe de participation, trois types de droits d’accès en stipulant que « au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l'environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les Etats doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci. Un accès effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours, doit être assuré”4. Quoique relevant du droit mou, ce Principe 10 et en particulier ses deux premiers droits d’accès, à l’information environnementale, et aux prises de décision via la participation, ont été largement repris et traduits dans des centaines de législations nationales et régionales. Ainsi, la Convention d’Aaarhus de la Commission Economique de l’ONU pour l’Europe sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, ratifiée par 39 pays européens, est une application contraignante au niveau régional européen du principe 10. Comme précisé plus haut, elle définit amplement la notion d’information environnementale. Elle élargit notamment la définition de « l’autorité publique » à tout type de personne physique ou morale « assumant des responsabilités ou des fonctions publiques ou fournissant des services publics en rapport avec l'environnement »5. Plus encore, un Protocole additionnel signé à Kiev en 20036 et entré en vigueur en Octobre 2009 prévoit la création obligatoire de registres nationaux des rejets et transferts de polluants (PRTR) et d’un registre européen du même genre, inventoriant de manière publique les sources industrielles de pollution, dont les entreprises privées, et mettant en place un faisceau d’obligation d’informations environnementale sur ces entreprises polluantes quant à leurs rejets et transferts, notamment à l’étranger dans le cadre des pratiques de commerce international de déchets dangereux. Ainsi, le principe de participation et ses droits trois d’accès corollaires consacrent un droit à l’information environnementale du « public » et donc une obligation d’information environnementale des autorités publiques, laquelle peut s’appliquer dans certains cas (rejets 4 Déclaration de Rio sur l’Environnement et le Développement, http://www.un.org/french/events/rio92/aconf15126vol1f.htm 5 Article 2.2. http://www.unece.org/fileadmin/DAM/env/pp/documents/cep43f.pdf 6 Protocole sur les registres de transferts et rejets des polluants http://www.unece.org/fileadmin/DAM/env/pp/prtr/Protocol%20texts/PRTR_Protocol_f.pdf 5 polluants et/ou personne morale mettant en œuvre une “fonction publique”) aux entreprises privées. Et du côté du secteur privé, de nombreux cadres juridiques définissent des standards plus ou moins contraignant pour les entreprises en termes de RSE et de reporting. B. Instruments juridiques internationaux et régionaux de RSE et reporting Comme nous l’avons dit, le droit international reste encore très “gazeux” ou “mou” sur le sujet de la RSE. Cependant quelques textes , adoptés depuis le début des années 2000, promeuvent des obligations pour certaines entreprises d’informer les parties prenantes de leur respect de certains principes. Ainsi les Principes directeurs de l’OCDE sur les Multinationales sont contraignants pour les états-parties, et prévoient des obligations régulières de reporting et de monitoring des entreprises, avec des indicateurs précis, quant à leur respect des principes des directives, ainsi qu’un système de médiation via des Points de Contacts Nationaux permettant aux victimes de déposer plainte, s’inspirant ainsi des instruments précédemment cités relatifs aux droits d’accès. L’efficacité d’un tel instrument juridique reste toutefois limité au volontariat des états- membres, tout comme l’est son « grand frère » le Pacte Mondial de l’ONU signé en 1999 par des milliers d’entreprises s’engageant à respecter dix grands principes autour des droits de l’homme, de l’environnement, de la bonne gouvernance, et à notifier régulièrement via des « Communication sur les progrès » annuelles adressées au Secrétariat sur l’avancée du respect de ces principes. Toutefois, aucun organisme de contrôle de la sincérité et de la fidélité de l’information fournie n’est prévu. La seule sanction pour manquement à l’engagement d’information est un simple retrait du Pacte Mondial, dont un millier d’entreprises ont déjà été victimes. uploads/Finance/ memoire-droit-de-l-x27-environnement.pdf

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  • Publié le Fev 08, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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