La nouvelle définition comptable des actifs Le Plan comptable français se rappr
La nouvelle définition comptable des actifs Le Plan comptable français se rapproche encore un peu plus des normes IAS/IFRS Par Patrick PINTEAUX Professeur agrégé d’économie et gestion au lycée Jules-Uhry de Creil Courriel : ppinteaux@infonie.fr Un actif est désormais défini comme une ressource, ce qui constitue un changement majeur dans la façon de l’appréhender : l’économique prend le pas sur le juridique. L’objectif de cet article est de montrer tout d’abord que la nouvelle définition comptable d’un actif introduite par le Conseil de la réglementation comptable dans le Plan comptable français s’inspire fortement de la conception actionnariale de la comptabilité retenue par l’IASB (International Accounting Standards Board) puis ensuite, qu’elle précise les règles anciennes mais en introduisant une certaine confusion dans notre cadre comptable. Mots-clés : actif – avantages économiques futurs – cadre conceptuel – contrôle – coût de démantèlement – critères de comptabilisation d’un actif – critères de définition d’un actif – patrimoine comptable – prééminence de la substance sur l’apparence. L’auteur tient à remercier Dominique Dourlens, professeur d’économie et gestion au lycée Albert Chatelet de Saint-Pol-sur-Ternoise pour ses commentaires et suggestions. L’auteur est seul responsable des propos développés dans cet article et des erreurs qui pourraient subsister. Poursuivant le processus de convergence du Plan comptable général (PCG) vers les normes IAS/IFRS et de renforcement conceptuel de la comptabilité française, le Conseil national de la comptabilité (CNC) a publié sa nouvelle doctrine en matière d’actif, dans un avis n° 2004-15 du 23 juin 2004. Ces nouvelles dispositions ont été intégrées dans le PCG par le règlement n° 2004-06 daté du 23 novembre 2004 du Conseil de la réglementation comptable (CRC)1. De l’avis de beaucoup de commentateurs, cet avis du CNC constitue une amélioration sensible des règles comptables françaises, car il définit « des principes clairs en matière de 1 Ces nouvelles dispositions ont une portée générale. Elles concernent les actifs détenus par les entités ayant une activité industrielle et commerciale et les entités du secteur associatif ou du secteur public ayant une activité autre qu’industrielle ou commerciale. Elles s’appliquent à la fois aux comptes individuels et aux comptes consolidés. critères de définition et de comptabilisation des actifs d’une part, en matière d’évaluation du coût d’entrée de ces actifs d’autre part » (X, 2004)2. Cet article a pour objectif de montrer que la nouvelle définition d’un actif introduite par le CNC dans le PCG 1°) s’inspire fortement de la conception actionnariale de la comptabilité retenue par l’IASB (International Accounting Standards Board), 2°) précise les règles anciennes mais en introduisant une certaine confusion dans notre cadre comptable. Nous aborderons donc dans une première partie la conception de l’actif dans les normes IAS/IFRS en relation avec la notion de cadre conceptuel, puis dans un deuxième temps, nous montrerons les apports et les limites des nouveaux textes français sur les actifs. 1. L’actif selon les IFRS Dans un souci de cohérence conceptuelle de ses normes, l’IASB les élabore, en principe, à partir d’un cadre théorique préétabli appelé cadre conceptuel (Framework for the Preparation and the Presentation of Financial Statements3). 1.1. Qu’est-ce qu’un cadre conceptuel ? Dans le monde anglo-saxon, les cadres conceptuels sont des instruments intellectuels qui servent de guide aux normalisateurs comptables pour produire, par déduction, des normes (Colasse, 2000). Afin de jouer son rôle de « générateur de normes », le cadre conceptuel de l’IASB précise : - les objectifs des états financiers4 ; - les caractéristiques qualitatives qui déterminent l’utilité de l’information contenue dans les états financiers ; - la définition, la comptabilisation et l’évaluation des éléments à partir desquels, les états financiers sont élaborés. C’est dans ce cadre conceptuel, que l’IASB exprime sa conception de la comptabilité qui va irriguer toutes les normes produites par cet organisme. Comme le dit C. Hoarau (2003) : « Les 2 Les références entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article. 3 Cadre de préparation et de présentation des états financiers. 4 Pour l’IASB, les états financiers se composent du bilan, du compte de résultat, du tableau de flux de trésorerie et des notes annexes. normes IAS/IFRS5 sont sous-tendues par la même conception de la comptabilité que les normes américaines. Comme l’indique le cadre conceptuel du référentiel IAS à la suite de celui du FASB6, l’objectif principal de l’information comptable est d’être utile à la prise de décisions des investisseurs boursiers. Cette conception de la comptabilité n’est pas neutre, elle exerce notamment une influence sur la nature de l’information à publier et les principes comptables. » Pour l’IASB, les destinataires de l’information comptable sont multiples (investisseurs, salariés, banquiers, fournisseurs, clients, l’Etat) mais le principal est l’actionnaire : « Comme les investisseurs sont les apporteurs de capitaux à risque de l’entreprise, la fourniture d’états financiers qui répondent à leurs besoins répondra également à la plupart des besoins des autres utilisateurs susceptibles d’être satisfaits par les états financiers » (Cadre conceptuel de l’IASB §10). Les données comptables produites par les entreprises doivent donc être utiles à la prise de décisions des actionnaires actuels et futurs (« les investisseurs ») : quand doivent- ils acheter, conserver ou vendre des actions ? Quel sera le niveau du dividende ? Pour répondre à leurs attentes, la comptabilité doit les aider à évaluer les perspectives de flux de trésorerie : « les décisions économiques qui sont prises par les utilisateurs des états financiers imposent une évaluation de la capacité de l’entreprise à générer de la trésorerie et des équivalents de trésorerie ainsi que leur échéance et de l’assurance de leur concrétisation. C’est cette capacité qui, en fin de compte, détermine, par exemple, la capacité d’une entreprise à payer son personnel et ses fournisseurs, à payer les intérêts, à rembourser ses emprunts et à procéder à des distributions à ses propriétaires » (Cadre conceptuel, §15). De cette orientation financière de la comptabilité, c’est-à-dire considérer la comptabilité comme un instrument de gestion financière destiné à protéger et à informer les actionnaires (Aglietta, Rebérioux, 2004), va découler une certaine conception de l’actif7. 5 IAS = International Accounting standards (Normes comptables internationales). IFRS = International Financial Reporting Standards (Normes internationales d’information financière) 6 FASB = Financial Accounting Standards Board (Bureau des normes de comptabilité financière). Le FASB est l’organisme qui élabore les règles comptables américaines (US GAAP). 7 Pour une intéressante discussion théorique sur les différentes conceptions d’un actif, voir Collette et Richard (2005). 1.2. La conception financière de l’actif Dans le cadre conceptuel de l’IASB, un actif est défini de la manière suivante (§30) : « un actif est une ressource8 contrôlée par l’entreprise du fait d’événements passés et dont des avantages économiques futurs sont attendus par l’entreprise ». Pour l’IASB, ni la substance physique, ni le droit de propriété ne sont essentiels à l’existence d’un actif (§56 et 57). Ce qui fonde l’activation d’une dépense à une date donnée, c’est sa capacité à générer dans le futur « des avantages économiques » sous forme de flux positifs de liquidités (par exemple un potentiel de production pour une machine), qui seront contrôlés par l’entreprise : toute dépense activée doit donc impliquer des revenus pour l’entreprise (Biondi, 2004). A la différence des règles comptables françaises, la notion d’actif retenue par l’IASB, ne fait pas référence au patrimoine juridique de l’entreprise ; ainsi selon Colasse (2005) : « La notion de patrimoine est absente de ces définitions [de l’IASB] qui gravitent autour de la notion d’avantages économiques ; par ailleurs, la définition d’un actif ne précise pas la nature du contrôle exercé par l’entreprise sur le bien : il peut s’agir aussi bien d’un contrôle juridique9 que d’un contrôle de fait ». En conséquence, une construction faisant l’objet d’un contrat de location figurera au bilan du locataire établi en normes IAS/IFRS, si ce dernier contrôle les avantages économiques qui sont attendus de l’utilisation de ce bien, alors qu’il reste la propriété du loueur. Cette définition d’un actif est tout à fait cohérente avec la conception actionnariale de la comptabilité et l’approche en termes de trésorerie de la performance de l’entreprise retenues par l’IASB : le bilan doit recenser les ressources économiques contrôlées par l’entreprise et permettre ainsi aux actionnaires de prédire sa capacité à générer de la trésorerie à l’avenir. Cette capacité potentielle à générer des flux monétaires pour l’entreprise indispensable pour identifier une dépense comme un actif comptable, conduit à intégrer la prise en compte du temps et du futur dans la définition d’un actif donnée par l’IASB (Biondi, 2003). Le principe comptable de prééminence de la substance sur l’apparence (substance over form) joue un rôle important en matière de repérage des actifs comptables : « Pour apprécier si un élément satisfait à la définition d’un actif…, il convient de prêter attention à la substance sous-jacente et à la réalité économique, et non pas seulement à la forme juridique » (Cadre conceptuel § 51). Pour illustrer cette disposition, nous pouvons prendre l’exemple d’une 8 Cette conception des actifs comptables appréhendés comme des ressources et incorporée désormais dans notre PCG (voir infra ) risque de nous poser problème, puisqu’en France, les actifs sont uploads/Finance/ nouvelle-definition-des-actifs 1 .pdf
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- Publié le Jul 03, 2021
- Catégorie Business / Finance
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