Recherches en didactique des langues et des cultures Les cahiers de l'Acedle 18
Recherches en didactique des langues et des cultures Les cahiers de l'Acedle 18-3 | 2021 Didactique des langues & plurilinguisme(s) : 30 ans de recherches Apprendre les interactions en classe de français : enjeux et pratiques Elisa Ravazzolo, Carole Étienne et Biagio Ursi Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/rdlc/8989 DOI : 10.4000/rdlc.8989 ISSN : 1958-5772 Éditeur ACEDLE Référence électronique Elisa Ravazzolo, Carole Étienne et Biagio Ursi, « Apprendre les interactions en classe de français : enjeux et pratiques », Recherches en didactique des langues et des cultures [En ligne], 18-3 | 2021, mis en ligne le 30 septembre 2021, consulté le 11 octobre 2021. URL : http://journals.openedition.org/rdlc/ 8989 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rdlc.8989 Ce document a été généré automatiquement le 11 octobre 2021. Recherches en didactique des langues et des cultures is licensed under a Creative Commons Attribution- NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License Apprendre les interactions en classe de français : enjeux et pratiques Elisa Ravazzolo, Carole Étienne et Biagio Ursi Les enjeux de l’enseignement de l’oral en interaction 1 Si l’approche communicative en didactique des langues étrangères a opéré un glissement des compétences à acquérir depuis des compétences purement linguistiques vers des compétences communicatives, sous l’impulsion du courant pragmatique (cf. Austin, 1962), il n’en demeure pas moins que les méthodes de langue actuellement enseignées correspondent à des situations, certes communicatives, mais bien souvent stéréotypées où un rôle précis est alloué à chaque locuteur dans une orchestration figée qui ne reflète pas la réalité observable in situ dans des interactions authentiques du quotidien. C’est pourtant à ces interactions authentiques que l’apprenant se verra confronté lorsqu’il décide de se rendre en France ou dans un pays francophone pour étudier ou travailler, ou encore lorsqu’il devra communiquer en langue française dans son pays. 2 Dans cette perspective, l’enseignement-apprentissage du français parlé en interaction permet d’améliorer la compétence sociolinguistique des apprenants, à travers le développement de stratégies de compréhension spécifiques fondées sur l’exploitation d’indices multimodaux, et favorise en même temps le développement d’une compétence d’interaction. La compétence d’interaction 3 La compétence d’interaction est ici abordée dans une perspective interactionniste qui met en avant la mobilisation de ressources linguistiques, discursives, sociolinguistiques et interactionnelles. Cette compétence se caractérise par son caractère collaboratif et contextuel, dans la mesure où elle désigne un ensemble de ressources mobilisées en fonction de la situation et qui ne sont pas transférables à l’identique à tout contexte. En Apprendre les interactions en classe de français : enjeux et pratiques Recherches en didactique des langues et des cultures, 18-3 | 2021 1 effet, si tout échange communicatif présente des éléments stables et routiniers, il comporte également des éléments contingents, liés à des situations spécifiques et difficilement prévisibles. Comme le souligne Pekarek-Doehler (2006 : 11), la notion de compétence d’interaction implique de reconnaître : la nature située des fonctionnements cognitifs, car la capacité du locuteur à agir dans le monde est étroitement liée à des activités pratiques concrètes ; la nature non-autonome de toute compétence. En effet, l’accomplissement des activités des participants se fonde sur l’articulation de ressources qui ne sont pas isolables et qui fonctionnent ensemble (savoirs et savoir-faire linguistiques, gestuels, sociaux, culturels, etc.) ; la nature dynamique et adaptative du système linguistique, puisque les ressources mobilisées, qui incluent également des pratiques sociolangagières ancrées dans le savoir du locuteur (quelle que soit la langue), sont sélectionnées en fonction d'un contexte spécifique. 4 Il ne s’agit donc pas seulement d’acquérir un vocabulaire et des règles de grammaire, mais davantage de comprendre l’organisation d’une action langagière, ou plus globalement d’une activité pratique, de savoir interpréter les différents marqueurs qui ponctuent l’échange et en modifient parfois le sens, d’identifier les différentes structures lexicales ou syntaxiques du français parlé (Ravazzolo et al., 2015), de détecter les expressions figées (Tutin, 2019), mais également d’appréhender la prosodie des productions et d’assimiler les variantes phonétiques (Racine et al., 2012), de repérer les regards, les mimiques, les gestes et les postures du corps qui peuvent accompagner voire remplacer les productions verbales (Mondada, 2017). 5 La compétence d’interaction se fonde donc sur la mise en œuvre d’un ensemble de savoirs et de savoir-faire de nature variée, dans une situation spécifique et dans leur séquentialité. Cette approche multidimensionnelle et située prend en compte les traits socio-culturels propres aux différentes communautés de locuteurs afin d’éviter de transposer les pratiques de sa propre langue dans la langue cible. La prise en compte de la variation 6 Si le matériau langagier provenant des corpus oraux présente « par définition, un haut degré de variabilité » (Detey et al., 2011 : 407), nous pouvons d’ores et déjà observer cette variation dans la nature même des interactions, en fonction de leur caractère professionnel ou privé, du contexte, du format (repas, réunion, appel, achat, consultation), en présentiel ou à distance (téléphone, visioconférence), du registre (formel, informel voire mixte), du nombre de locuteurs et de leur langue maternelle (situations endolingues vs exolingues). 7 Par ailleurs, la variation vient de la diversité des procédés mis en œuvre par les locuteurs pour qu’ils puissent mener à bien leurs échanges, en faisant appel aussi bien au lexique qu’à la prosodie, la syntaxe ou la multimodalité ; ces niveaux seront articulés à différentes étapes et de différentes façons pour atteindre l’objectif visé. Comme le soulignent Boulton et Tyne (2014 : 250), un intérêt majeur de l’apprentissage sur corpus vient du fait que « les apprenants peuvent voir que ce ne sont pas que de “simples” exemples pour illustrer la règle, mais que ce sont des exemples multiples qui font émerger les règles ». Ainsi, il ne s’agit pas d’exemplifier une représentation normée de la langue orale mais de sensibiliser l’apprenant à sa variété pour mieux l’appréhender. • • • Apprendre les interactions en classe de français : enjeux et pratiques Recherches en didactique des langues et des cultures, 18-3 | 2021 2 Les ressources nécessaires aux enseignants 8 La question qui se pose dès lors est de comprendre comment les enseignants peuvent favoriser le développement de cette compétence d’interaction. Plus concrètement, comment peut-on sensibiliser les apprenants à la variation situationnelle et contextuelle ? L’objectif est d’avoir accès à des extraits de situations sociales authentiques variées qui représentent plusieurs types d’échanges et d’activités discursives, afin d’en montrer l’organisation, le fonctionnement et le caractère situé, d’illustrer les stratégies de co-construction qui sont à la base des actions sociales et de familiariser les apprenants aux spécificités du français parlé (phonétiques, prosodiques, morpho-syntaxiques, interactionnelles). L’idéal serait de travailler sur des extraits reproduisant des situations non stéréotypées qui présentent des négociations, des conflits, etc. Par exemple, exprimer un désaccord en contexte professionnel ou en contexte privé, négocier un prix, réparer un malentendu, tout cela peut faire l’objet d’un apprentissage explicite. Il s’agit alors d’apprendre à mobiliser un ensemble de ressources multimodales qui permettent de communiquer avec autrui, et de participer de manière appropriée et cohérente à des échanges réels. Pour analyser de manière détaillée ces extraits d’interactions naturelles, les enseignants devraient disposer de « transcriptions personnalisables » susceptibles d’être adaptées en fonction du niveau des étudiants et des objectifs d’apprentissage. De l’analyse des interactions à la didactique L’analyse des interactions 9 Le laboratoire ICAR (Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations) a été pionnier en France dans l’étude des interactions, dès le début des années quatre-vingt avec les travaux fondateurs de Catherine Kerbrat-Orecchioni (1990, 1992, 1994), puis avec les recherches de Véronique Traverso concernant les aspects rituels, discursifs et pragmatiques des conversations familières (Traverso, 1996), l’expression de l’accord (Traverso, 2012) et du désaccord (Traverso, 2004), les problèmes d’intercompréhension (Traverso et Chernyshova, 2017), les interactions en site commercial (Kerbrat- Orecchioni et Traverso, 2008), le travail de co-construction dans les réunions (Bruxelles et Traverso, 2006), la structuration séquentielle des offres à boire (Traverso et Ursi, 2015) et des invitations téléphoniques (Traverso et al., 2018), les réparations dans les conversations en ligne (Traverso, 2011), les procédés de définitions dans les visites guidées (Traverso et Ravazzolo, 2016), ou encore le plurilinguisme dans le contexte de l’immigration (Piccoli et al., 2019). Les interactionnistes ont ainsi constitué, documenté et mis en ligne leurs corpus oraux d’interactions (Groupe ICOR, 2016) dans la banque de données Corpus de LAngue Parlée en Interaction (CLAPI, http://clapi.icar.cnrs.fr/). C’est avec l’ouvrage Décrire le français parlé en interaction (Traverso, 2016) que les chercheurs se sont clairement adressés à un public de didacticiens et d’enseignants. En parallèle, ils se sont orientés vers la transposition de leurs études pour l’enseignement du français langue étrangère (FLE) avec le volume collectif Interactions, dialogues, conversations : l’oral en français langue étrangère (Ravazzolo et al., 2015), en décrivant la langue telle qu’elle est parlée dans des situations sociales professionnelles ou privées Apprendre les interactions en classe de français : enjeux et pratiques Recherches en didactique des langues et des cultures, 18-3 | 2021 3 du quotidien, et en l’illustrant avec des exemples issus de différents types d’interactions. Le réseau de didacticiens et d’enseignants et la plateforme CLAPI- FLE 10 Dans un premier temps, Véronique Traverso a décidé de constituer un réseau de partenaires didacticiens et enseignants afin de décider ensemble de la pertinence uploads/Finance/ rdlc-8989.pdf
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- Publié le Fev 18, 2021
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
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