1/74 LA SAGA DE L’OR NOIR TRISTAN GASTON-BRETON historien d'entreprises tgbhe@e

1/74 LA SAGA DE L’OR NOIR TRISTAN GASTON-BRETON historien d'entreprises tgbhe@easynet.fr Compilation d’une série de 24 articles parus dans les Echos entre le 17/7/2006 et le 18/08/2006 2/74 Table des matières 1. George Bissel, l'homme qui inventa le pétrole ......................................... 3 2. John D. Rockefeller, le créateur de l'industrie pétrolière ...................... 6 3. Les Nobel, la longue marche de Russie ..................................................... 9 4. Patillo Higgins, les Mellon et l'eldorado texan ...................................... 12 5. Ida Minerva Tarbell, la « tombeuse » de Rockefeller ........................... 15 6. Henri Deterding, « l'homme le plus puissant du monde » .................... 18 7. William Knox d'Arcy et le pétrole perse ................................................ 21 8. Calouste Gulbenkian, monsieur « Cinq Pour Cent » ............................ 24 9. Les Français, enfin : Ernest Mercier et la CFP ..................................... 27 10. Frank Phillips, l'âge du gazole ................................................................ 30 11. Harry St. John Philby et le pactole du pétrole saoudien ...................... 33 12. Conrad Schlumberger ou l'art de découvrir du pétrole ....................... 36 13. William Levitt ou le « petroleum way of life » ....................................... 39 14. L'Aramco, empire du pétrole .................................................................. 42 15. Le défi Mossadegh ou le casse-tête iranien ............................................ 45 16. Enrico Mattei, le condottiere du pétrole ................................................ 48 17. Cheikh Yamani et l'affirmation de l'Opep ............................................. 51 18. Pierre Guillaumat, Elf et la « Françafrique » ........................................ 54 19. Jean-Paul Getty, le nabab du pétrole ..................................................... 57 20. Armand Hammer, le « milliardaire rouge » .......................................... 60 21. Vaguit Alekperov ou le retour du pétrole russe ..................................... 63 22. Fu Chengyu et la CNOOC : la Chine monte en puissance ................... 66 23. Les Bush, une si puissante famille... ......................................................... 69 24. Hugo Chavez ou le pétrole « rendu au peuple » .................................... 72 3/74 1. George Bissel, l'homme qui inventa le pétrole En quelques mois, Titusville et sa région se couvrent de derricks. L'avocat devenu homme d'affaires achète à tour de bras... Et ces 526,08 dollars qui n'arrivent toujours pas ! En ce début d'année 1855, Benjamin Silliman Junior ne cache plus son impatience. Quelques mois plus tôt, ce distingué professeur de chimie à l'université de Yale a été contacté par un curieux duo : un certain George Bissel, avocat à New York, et son associé James Townsend, président d'une banque de New Haven. Les deux hommes lui ont remis un échantillon d'« huile de pierre » - ainsi appelle-t-on le pétrole - avec mission de déterminer si elle peut être distillée et utilisée pour l'éclairage. Pour prix de son expertise, Silliman s'est vu promettre 526,08 dollars, un acompte de 100 dollars devant lui être versé immédiatement. Seulement voilà : les mois ont passé et le chimiste n'a toujours pas vu le moindre cent. Sans cesse à court d'argent, ce père de famille nombreuse est bien décidé à faire valoir ses droits. Quitte à garder sous clef les résultats de son analyse. Une bien mauvaise nouvelle pour George Bissel... Car l'avocat new-yorkais a misé gros dans l'affaire. A trente-quatre ans, après avoir été successivement professeur au Dartmouth College (New Hampshire), journaliste à Washington et directeur d'école à la Nouvelle-Orléans, cet homme corpulent qui parle couramment le français, l'espagnol et le portugais, et qui a même pris le temps d'étudier le droit n'a plus qu'un but dans l'existence : être riche. Et il compte beaucoup sur Benjamin Silliman pour y parvenir. Seul le chimiste, pense-t-il, apportera une caution scientifique au projet un peu fou qu'il mûrit depuis quelque temps. Tout a commencé en 1853, lorsque, de passage au Dartmouth College, George Bissel est tombé par hasard sur un échantillon d'huile de pierre prélevé en Pennsylvanie. Il a aussitôt eu une intuition fulgurante : pourquoi ne pas utiliser ce liquide visqueux et hautement inflammable pour l'éclairage ? A l'époque, on emploie essentiellement, pour s'éclairer, de l'huile de baleine et des produits issus de la distillation du charbon. Coûteux et malodorants, ces procédés répondent cependant imparfaitement à la demande croissante de lumière artificielle générée par le développement urbain et l'essor économique. Le pétrole, lui, le pourrait bien, pense George Bissel. Connu depuis des millénaires, il est notamment utilisé pour le calfatage des bateaux. Près de Titusville, en Pennsylvanie, au lieu dit « Oil Creek », où les gisements affleurent à même le sol, les Indiens Sénéca s'en servent pour concocter des médecines traditionnelles. Personne encore n'a pensé à s'en servir à grande échelle pour l'éclairage. George Bissel est le premier à pressentir qu'il existe un gigantesque marché pour cette matière première. Le premier aussi à envisager son industrialisation... Désormais installé comme avocat à New York, Bissel parvient à intéresser James Towsend à son projet. Ensemble, les deux hommes créent en 1854 la Pennsylvania Rock Oil Company avant d'acheter des terrains près de Titusville. Il leur faut maintenant extraire le pétrole. Mais pour cela, il faut de l'argent, bien plus qu'en ont les deux associés. Pendant des mois, George Bissel fait donc le tour des investisseurs. En vain. Personne ne prend son projet au sérieux. C'est alors que l'avocat new-yorkais a une nouvelle intuition : s'il veut récolter des dollars, il doit convaincre banquiers et financiers que le pétrole peut être utilisé pour l'éclairage et la lubrification des machines et, surtout, qu'il peut être produit économiquement en grandes quantités. Mais il lui faut s'appuyer sur une autorité scientifique indiscutable. C'est là qu'entre en scène Benjamin Silliman. Un Benjamin Silliman qui, à la grande fureur de George Bissel, s'apprête à tout compromettre pour une poignée de dollars... Pari gagné Les états d'âme du chimiste ne dureront pas longtemps. Promptement payé, il rend public le résultat de ses analyses en avril 1855. Véritable acte fondateur de l'industrie du pétrole, son étude conclut à la possibilité de distiller le pétrole et de l'utiliser sur une grande échelle pour l'éclairage et la lubrification. Les résultats ne tardent pas : en l'espace de quelques mois, la Pennsylvania Rock Oil Company parvient à récolter 300.000 dollars. George Bissel a gagné son pari ! Il ne reste plus désormais qu'à mener à bien les opérations de pompage. Près de quatre années encore vont s'écouler. Quatre années marquées par d'innombrables difficultés et, surtout, par l'entrée en scène d'un personnage haut en couleur : Edwin L. Drake. Etonnant personnage que ce Drake ! Né en 1819 dans l'Etat de New York, issu d'une famille de modestes fermiers, il a mené pendant des années une vie errante, exerçant toutes sortes de métiers : bûcheron, employé sur un bateau fluvial, garçon d'hôtel, vendeur, agent des chemins de fer et, pour 4/74 finir, conducteur sur les chemins de fer de New Haven. Son jour de chance survient en 1857. Cette année-là, au bar de l'hôtel de New Haven où il a élu domicile, il surprend une conversation entre George Bissel et James Townsend. Les deux hommes sont en train de parler de leur projet pétrolier. Aimable, courtois, Drake n'a pas beaucoup de mal à se faire accepter à leur table. Pas plus qu'il n'en a à se faire embaucher par les deux hommes d'affaires qui sont précisément à la recherche d'un collaborateur capable de démarrer l'exploitation pétrolière à Oil Creek. C'est ainsi que, en décembre 1857, Edwin Drake arrive à Titusville, une petite bourgade de bûcherons qui compte alors 125 habitants. Malin, cet homme qui n'a jamais porté un uniforme de sa vie se fait appeler le « Colonel », afin d'impressionner les autorités locales. Extraire très vite d'importantes quantités de pétrole : telle est la tâche que Townsend et Bissel lui ont assignée. A l'époque, la récupération du pétrole s'effectue de manière très sommaire. Le procédé le plus répandu consiste à étendre une couverture sur l'eau où le pétrole affleure puis à l'essorer au-dessus d'un récipient. L'autre technique, longue et harassante, consiste à creuser les profondeurs du sol. C'est ce procédé que choisit Edwin L. Drake. Pendant des mois, avec l'aide d'une poignée d'ouvriers, le Colonel s'emploie à chercher le précieux liquide. Sans succès ! A la fin de l'automne 1858, il lui faut se rendre à l'évidence : ce n'est pas en creusant le sol qu'il y arrivera. C'est alors que Drake a une illumination : pourquoi ne pas forer directement la roche ? Le procédé devrait permettre d'aller beaucoup plus vite. L'idée, en elle-même, est simple : il s'agit d'édifier un derrick abritant un foret métallique mû par un moteur à vapeur. Mais, pour réaliser cette installation, il lui faut de l'argent et des bras. Pas de problème pour l'argent : Bissel et Townsend sont prêts à remettre au pot. Il n'en va pas de même en revanche pour la main-d'oeuvre. Edwin Drake a beau écumer toutes les tavernes de Titusville, tout le monde se récuse. Dans la petite bourgade, on commence à murmurer que le Colonel est fou et que forer la roche est impossible. Un homme, un seul, se laisse finalement convaincre : William A. Smith, dit « Oncle Billy ». Il signe avec Drake, moins par conviction que parce qu'il n'a rien d'autre à faire à ce moment. Avec son aide, Edwin L. Drake a vite uploads/Finance/ saga-de-l-x27-or-noir.pdf

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  • Publié le Mai 01, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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