ROYAUME-UNI Brexit : la faute des banques ? GILLES RAVEAUD 01/02/2019 Parmi les

ROYAUME-UNI Brexit : la faute des banques ? GILLES RAVEAUD 01/02/2019 Parmi les nombreux facteurs qui expliquent le vote en faveur du Brexit, le rôle des banques a jusqu’ici été sous-estimé. La crise bancaire a pourtant joué un rôle décisif dans la colère des Britanniques. Le Brexit a de nombreuses causes, comme le nationalisme, la défiance vis-à-vis de l’Union européenne, le sentiment de ne pas être écouté, d’être déclassé, de subir des politiques favorables à la City, etc. En particulier, le Royaume-Uni a connu une très forte désindustrialisation depuis les années 1970, en raison de la perte de compétitivité de nombreuses entreprises, de la mondialisation, et de la priorité accordée à la finance depuis Margaret Thatcher. Ainsi, de très nombreux emplois qualifiés et bien rémunérés ont été détruits, tandis que se sont multipliés les « petits boulots » dans les services (sécurité, hôtellerie-restauration, commerce, …) Concernant la décision lors du vote elle-même, nous avions rappelé les travaux de Simon Wren-Lewis, qui montraient qu’une majorité de Britanniques faisaient le lien – infondé – entre immigration et difficultés de leur système de santé. Ils avaient, de ce fait, été nombreux à voter en faveur du Leave dans l’espoir de récupérer les fantasmagoriques 350 millions de livres sterling hebdomadaires promis à l’époque par Simon Johnson. Mais un autre facteur a été décisif dans la colère des Britanniques : la faillite des banques. Hécatombe bancaire On l’oublie car cela ne s’est pas produit en France, mais, au Royaume-Uni, la crise de 2008 a engendré une hécatombe bancaire, à l’image de Northern Rock, en cessation de paiement, ou de Royal Bank of Scotland, qui a dû être nationalisée et dont la valeur en Bourse a chuté de 90 % depuis son point le plus haut. Ainsi, en 2018, dix ans après la crise, les banques britanniques avaient perdu pas moins de 300 000 salariés, soit le tiers de leurs effectifs. Bien entendu, cette crise bancaire, très semblable à celle des années 1930 dans ses origines, n’est pas née seulement des difficultés connues par le Royaume-Uni en 2008. Elle découle avant tout de la dérégulation enclenchée dans les années 1980, qui a considérablement fragilisé les établissements, en leur permettant de prêter beaucoup plus. Une technique qui, en temps normal, pousse les profits à la hausse grâce à l’effet de levier, mais qui se referme tel un piège lorsque les emprunteurs ne peuvent plus honorer leurs engagements. RLE MÊME SUJET Ainsi que l’explique Nicholas Crafts, professeur à l’Université de Warwick, les pertes de produit intérieur brut (PIB) imputables à la crise bancaire seraient de l’ordre de 5 % du PIB. De même, le déficit public structurel fut accru de l’ordre de 6 points de PIB. L’erreur des gouvernements Les gouvernements successifs enclenchèrent alors une cure d’austérité, 90 % de l’effort de réduction du déficit passant par des baisses de dépenses, et seulement 10 % par des hausses de recettes. Plus précisément, les dotations aux collectivités locales furent réduites d’un tiers entre 2009 et 2015, entraînant une réduction des dépenses publiques locales par personne comprise entre 6 % et 46 %, les baisses les plus fortes étant enregistrées dans les lieux les plus défavorisés. D’économique et sociale, la crise est alors devenue politique, la forte hausse des voix en faveur de l’UKIP (United Kingdom Independence Party) en faisant une « sérieuse menace électorale » pour les conservateurs, qui furent de ce fait poussés à promettre un référendum sur la sortie de l’Union européenne afin de garder leurs électeurs eurosceptiques. Et l’engrenage fatal s’enclencha en 2015, lorsque les conservateurs, à la surprise de certains, gagnèrent les élections et furent de ce fait contraints de mettre en œuvre leur promesse de référendum. Le point final étant apporté par les mensonges des tenants du Leave, qui firent croire à de nombreux électeurs que le Royaume-Uni allait économiser des milliards de livres sterling en quittant l’Union européenne, et qui surent attiser le sentiment nationaliste et anti-immigrés. Un bilan catastrophique Au double coût de la crise bancaire – récession et sauvetage – s’ajoute aujourd’hui le coût du Brexit lui-même, pour un total difficile à estimer, mais qui pourrait dépasser très largement les 10 points de PIB (Nicholas Crafts l’estime entre 8 et 16 points). Cette histoire met en avant trois failles majeures de politique économique : la dérégulation bancaire (plutôt qu’un contrôle serré sur le crédit et les établissements bancaires) ; un sauvetage des banques financé par fonds publics (plutôt que par leurs actionnaires) ; et une politique de retour à l’équilibre budgétaire quasi entièrement financée par une baisse des dépenses (plutôt que par un équilibre entre baisses des dépenses, pas nécessairement les mêmes, et hausse des recettes). Autrement dit, comme l’explique Nicholas Crafts, on sait depuis un petit moment que les bénéfices collectifs d’une réduction des effets de levier des banques l’emportent largement sur les coûts. Mais l’histoire du Brexit montre que ces coûts sont encore bien plus élevés que ce que l’on imaginait jusqu’ici. Réguler plutôt que « sauver » Comme toujours, ce ne sont pas les dysfonctionnements du capitalisme qui causent directement les catastrophes. Leur origine directe, ce sont les mauvaises « réponses politiques » aux crises économiques. Comme le dit Nicholas Crafts, « sans la politique d’austérité, le Remain aurait probablement gagné ». Mais, sachant que de telles erreurs risquent fortement de se répéter à l’avenir, l’argumentation en faveur des réglementations qui empêchent les crises de se produire est d’autant plus forte. Car qui aurait pu croire que la crise bancaire britannique allait conduire à un événement d’une aussi grande ampleur que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ? Explication des termes -Le Brexit : le terme Brexit est utilisé pour désigner le scénario de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. C'est une expression créée au 21ème siècle et qui vient de la contraction de deux mots anglais, "British" (britannique) et "Exit" (sortie). - Le nationalisme : Premier sens : le nationalisme "libérateur" Ce nationalisme est une doctrine et une action politique qui visent à l'indépendance d'une nation lorsqu'elle est placée sous une domination étrangère. Le nationalisme peut aussi chercher à défendre une culture opprimée ou niée par un occupant ou dissoute au sein d'un ensemble plus vaste. Second sens : le nationalisme "dominateur" Au sein d'un État-nation existant, le nationalisme "dominateur" est une idéologie politique qui donne la primauté à la nation par rapport à toute autre considération dans les relations internationales. Ce nationalisme peut trouver son origine dans des peurs provoquées par des dangers extérieurs ou par un ennemi intérieur (xénophobie, antisémitisme). Il conduit alors à un certain isolement et au retour vers le système de valeurs sur lequel est fondée la nation. Le nationalisme est une des caractéristiques du Front National en France et des nouveaux mouvements politiques d'extrême droite européens. La défiance : manque de confiance, crainte d'être trompé ; méfiance : un regard plein de défiance. Désapprobation de l'action de quelqu'un : l'assemblée émet un vote de défiance. L’Union européenne : L’Union européenne (UE) est l’association volontaire d’États européens, dans les domaines économique et politique, afin d’assurer le maintien de la paix en Europe et de favoriser le progrès économique et social. Depuis le 1er juillet 2013, l’UE compte 28 membres : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède. En 2020, le Royaume Uni quitte l’Union Européen, et le nombre des pays le constituant est réduit à 27. Déclassé : déclassé (adj.) 1. qui est passé à une classe sociale inférieure. Déclasser 1. déranger (ce qui est classé). 2. provoquer la chute sociale de qqn. 3. classer (qqn ou qqch) à un rang inférieur. 4. (sport) faire rétrograder un concurrent à une place inférieure. La City : est le cœur historique et également financier de la ville de Londres. La City est le lieu où se situe le principal quartier d'affaires européen qui accueille les sièges sociaux de nombreuses banques, compagnies d'assurance et grandes entreprises multinationales. Désindustrialisation : étymologie : composé du préfixe de cessation « dés » et de « industrialisation », venant du latin industria, activité. La désindustrialisation est la réduction progressive des activités industrielles dans un pays, une région ou une ville. Elle se traduit par : - la diminution du nombre des emplois du secteur secondaire (industrie) ; - une baisse du poids de ce secteur dans le PIB (Produit Intérieur Brut) au profit du secteur tertiaire (commerce, transport, services marchands et non marchands), - l'existence d'un déficit commercial industriel structurel. Compétitivité : Étymologie : dérivé de compétition, venant de l'anglais « competition », lui- même issu du latin « competitio », rivalité, concurrence, compétition, candidature rivale. L'adjectif compétitif qualifie ce qui se rapporte à la compétition, ce qui est capable de supporter la concurrence avec d'autres. La compétitivité est le caractère de ce qui est compétitif. C'est l'aptitude d'une personne, d'un sportif, d'une entreprise, d'un secteur économique, d'une organisation, de l'économie d’un territoire ou uploads/Finance/ seance-1-lte-s2 1 .pdf

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  • Publié le Oct 21, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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