UNIVERSITE DE CERGY-PONTOISE Année 2011-2012 Master I Droit privé – Droit pénal
UNIVERSITE DE CERGY-PONTOISE Année 2011-2012 Master I Droit privé – Droit pénal des affaires Cours de Mme A.-D. Merville Travaux dirigés (P. Le Monnier de Gouville) Séance n° 7 – Les infractions en matière de sociétés Exercice, commentaire d’arrêt : Cass. crim., 10 février 2010, n° 09-83691 Documents : (à lire impérativement) Doc. 1 - R. OLLARD, « L’abus de biens sociaux est-il un contrôle de gestion de l’entreprise ? » , Dr. pén. 2009, n° 9, ét. 19. Doc. 2 - Cass. crim., 1er juill. 2009, n° 08-87.407, Dr. sociétés 2009, n° 12,, comm. 233 Doc. 3 - Cass. crim., 23 sept. 2009, n° 08-88.228, Dr. sociétés 2010, n° 1, comm. 16 Doc. 4 - Cass. crim., 24 févr. 2010, n° 08-87.806, Dr. sociétés 2010, n° 8, comm. 170 Doc. 5 – Cass. crim., 10 mars 2010, 09-82.453, Dr. sociétés 2010, n° 6, Juin 2010, comm. 125 Doc. 6 - Cass. crim., 10 février 2010, n° 09-83691 Doc. 7 – Cass. crim., 21 septembre 2011, Dr. sociétés 2011, n° 12, comm. 227 Imputabilité de l'abus de biens sociaux au dirigeant de fait Doc. 8 - Cass. crim., 5 oct. 2011, n° 10-88.212, Dr. sociétés 2011, n° 12, comm. 226 NB : Pour ceux qui me l’ont demandé, il n’y a pas de note relative à l’arrêt à commenter (à dessein). Doc. 1 - Droit pénal n° 9, Septembre 2009, étude 19 « L'abus de biens sociaux est-il un contrôle de gestion des entreprises ? » Etude par Romain OLLARD maître de conférences à l'université Montesquieu-Bordeaux IV Classiquement conçu comme assurant la protection du patrimoine des sociétés commerciales, l'abus de biens sociaux sanctionne les dirigeants qui confondent leur patrimoine personnel avec celui de l'entreprise. À contre- courant de cette vision classique, la jurisprudence aurait pourtant opéré un glissement, de la sanction originelle de l'appropriation frauduleuse des biens sociaux vers la sanction de la mauvaise gestion de l'entreprise : le délit serait devenu un instrument permettant d'apprécier l'opportunité de l'administration de la société. Mais, comme pour compenser cette extension du délit, les juges se montrent au contraire stricts quant à la recevabilité de l'action civile, s'attachant ainsi à limiter la possibilité de remettre en cause la gestion des dirigeants. Or, il est possible de se demander si l'équilibre de l'infraction ne mériterait pas d'être repensé. Cet équilibre pourrait être trouvé dans une analyse plus stricte des éléments constitutifs, afin de limiter le champ du délit aux seuls cas de fraudes avérés, et dans une ouverture plus large de l'action civile, afin de garantir la poursuite des actes véritablement frauduleux. 1. - Symbole de l'immixtion du droit pénal dans la vie des affaires, l'abus de biens sociauxNote 1 cristallise une large partie des critiques, non pas tant sur le principe de l'incrimination que sur sa mise en oeuvre. Si tout le monde s'accorde à admettre la légitimité d'une telle infraction, l'application de l'abus de biens sociaux est en revanche souvent critiquée, en ce que le juge pénal ne ferait pas toujours le départ entre les simples fautes de gestion commises par les dirigeants et les hypothèses de fraudes véritables, qui seules mériteraient d'être punies. 2. - L'analyse historique de l'abus de biens sociaux incite en effet à concevoir le délit, non comme un instrument de contrôle de gestion de l'entreprise, mais comme la sanction de l'appropriation illégitime des biens de la société. L'infraction fut créée par un décret-loi du 8 août 1935 pour pallier les insuffisances répressives de l'abus de confiance, qui ne visait pas le contrat de société parmi la liste limitative des contrats susceptibles de donner lieu à détournementNote 2. Or, cette infraction est rangée par le Code pénal parmi les « appropriations frauduleuses », de sorte qu'au regard de cette filiation, l'abus de biens sociaux devrait lui-même apparaître comme une infraction d'appropriation des biens d'autrui. 3. - L'esprit de l'incrimination est simple. Ayant vocation à protéger le patrimoine social de l'entreprise, le délit s'attache à sanctionner les dirigeants sociaux qui confondent leur patrimoine personnel avec celui de l'entreprise, en faisant des biens de la société un usage personnel. Dès lors, conformément aux propositions du rapport Coulon relatif à la dépénalisation de la vie des affaires, qui préconise de recentrer la répression sur le noyau dur de la criminalité, c'est-à-dire sur les cas de fraude véritable, il faudrait éviter de transformer une infraction, conçue pour protéger le patrimoine de la société, en un instrument de contrôle de la gestion des entreprises. 4. - Malgré ces préceptes, la jurisprudence aurait pourtant opéré un glissement de la sanction originelle de l'appropriation illégitime vers la sanction de la mauvaise gestion de l'entrepriseNote 3 : l'abus de biens sociaux serait devenu un instrument permettant au juge pénal d'apprécier l'opportunité de l'administration de l'entreprise menée par le dirigeant social. Pourquoi la jurisprudence aurait-elle opéré un tel glissement ? Donnant prise à des intérêts contradictoires, l'abus de biens sociaux est en soi une recherche d'équilibre. D'un côté, il faut réprimer les comportements frauduleux des dirigeants qui confondent le patrimoine social avec leur patrimoine propre ; mais de l'autre, l'infraction ne doit pas conduire, par une remise en cause systématique des actes de gestion des dirigeants, à une paralysie de l'entreprise. Aussi, afin de sanctionner les actes malhonnêtes des dirigeants, la jurisprudence, d'une part, retient une conception souple des éléments constitutifs de l'infraction (1), au point que l'application du délit est parfois élargie à ce qui ne constitue que de simples fautes de gestion. D'autre part et à l'opposé, les juges se montrent stricts quant à la recevabilité de l'action civile (2), ce qui témoigne de la volonté de ne pas remettre systématiquement en cause la gestion des dirigeants. Or, on pourrait se demander si l'équilibre de l'infraction ne mériterait pas d'être repensé. Cet équilibre pourrait être trouvé dans une analyse plus stricte des éléments constitutifs, afin de limiter l'application du délit aux seuls cas de fraudes avérés, et dans une ouverture plus large de l'action civile, afin de garantir la poursuite des actes véritablement frauduleux. 1. L'élargissement des éléments constitutifs de l'abus de biens sociaux 5. - La constitution de l'abus de biens sociaux suppose que le dirigeant ait fait des biens de la société un usage contraire à l'intérêt social (A) et ce, dans un intérêt personnel (B). Or, en retenant une conception souple de ces deux composantes de l'infraction, la jurisprudence aurait élargi le domaine de la répression au-delà des seules hypothèses de fraude, transformant ainsi le délit en un instrument de contrôle de gestion de l'entreprise. A. - L'extension de la notion d'acte contraire à l'intérêt social 6. - Extrêmement délicate à définir, la notion d'acte contraire à l'intérêt social est considérée comme la cause principale des dérives de l'infraction vers la sanction des actes de gestion. La répression est d'abord évidente lorsque le dirigeant s'approprie des biens de l'entreprise, la contrariété à l'intérêt social se déduisant alors de l'appauvrissement du patrimoine social. En revanche, la question de la légitimité de la répression se pose lorsque les juges admettent ensuite, en l'absence de spoliation effective, de sanctionner le dirigeant qui expose sans nécessité le patrimoine social à un risque anormal de perteNote 4. La contrariété à l'intérêt social n'est pas constituée par la seule existence d'un risque, lequel est inhérent à la gestion des sociétés, mais par la disproportion ou l'inutilité des risques encourus au regard des avantages escomptés. Cette solution est vivement critiquée dans la mesure où, d'une part, l'appréciation de ces risques peut vite dégénérer en un jugement d'opportunité de la gestion des dirigeants et où, d'autre part, elle traduirait une intrusion inadmissible du juge pénal dans la gestion commerciale des sociétés, les tribunaux se substituant alors aux organes sociaux pour définir l'intérêt socialNote 5. Cette extension du champ du délit paraît pourtant admissible (1°), à la condition qu'elle soit enserrée dans certaines limites (2°). 1° L'extension admissible de la notion d'usage contraire à l'intérêt social 7. - Le grief tiré de l'immixtion du juge pénal dans l'administration de la société commerciale pourrait apparaître bien sévère dès lors que la constitution de l'infraction implique fréquemment une appréciation de la gestion menée par les dirigeants. La jurisprudence développée à propos des actes effectués dans le cadre d'un groupe de sociétés est à cet égard révélatrice. Lorsqu'une société fait partie d'un groupe, il arrive que les dirigeants prélèvent des fonds dans sa trésorerie pour aider une autre société du même groupe. Si juridiquement, l'infraction devrait être constituée dans la mesure où le patrimoine de la société ponctionnée est appauvri, la jurisprudence décide néanmoins que l'appartenance à un groupe de sociétés peut justifier, à certaines conditions, une atteinte au patrimoine de la société sollicitéeNote 6. Or, ces conditions impliquent toutes une appréciation de la gestion menée par le dirigeant. Concernant d'abord les conditions relatives au groupe, le concours financier apporté par la filiale doit être dicté par un intérêt commun apprécié au regard d'une politique globale, élaborée pour l'ensemble du groupe. Concernant ensuite les conditions relatives à la société ponctionnée, le concours financier, d'une uploads/Finance/ seance-7-dpa 1 .pdf
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- Publié le Oct 13, 2022
- Catégorie Business / Finance
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