1 Introduction à l’enquête en sociologie Séance 8/9 – L’enquête par entretien 2

1 Introduction à l’enquête en sociologie Séance 8/9 – L’enquête par entretien 2 Plan de la séance 1) Définitions et intérêts de l’enquête par entretiens (rappels de la séance 5) 2) Échantillonage et demande d’entretiens 3) La grille d’entretien 4) La conduite de l’entretien 5) Comment analyser un entretien ? Ce cours est fortement inspiré du travail d’Amélie Marissal et Pauline Proboeuf (printemps 2020, cours “Initiation aux méthodes ethnographiques” donné à Sciences Po Paris) 3 (1) Définitions et intérêts de l’enquête par entretiens 4 Rappel de la séance 5 – Qu’est-ce qu’un entretien ? ● Consiste à interroger des individus à l’oral et sur un temps relativement long (>30min, souvent plus). Souvent enregistré, mais pas toujours. Attention ! Le but n’est pas seulement d’obtenir des informations ‘objectives’ sur les pratiques sociales (même si ça peut en faire partie), mais aussi d’étudier le discours de l’individu comme objet propre (et donc ses représentations, ses catégories mentales, ses croyances, etc). ● Cas le plus fréquent en sociologie : l’entretien semi-directif. L’enquêteur suit une grille d’entretiens avec des questions pré-définies, mais ces questions appellent des réponses ouvertes et la répondante peut digresser librement. → le but est de “faire parler” la personne, de la laisser suivre son cheminement intellectuel, et les relances de l’enquêteur doivent donc être mesurées et ne pas (trop) orienter les réponses. 5 Rappel de la séance 5 – Pourquoi choisir l’enquête par entretiens ? ● Avantages : permet de profiter du savoir acquis par les individus sur leurs propres pratiques ; étude des discours et des représentations ; possibilité de ‘rebondir’ sur les propos de l’enquêté·e pour creuser des sujets auxquels on n’avait pas pensé. ● Inconvénients : les individus sont souvent peu fiables pour rapporter des faits objectifs (ex : l’illusion biographique) ; difficulté à identifier les objectifs conscients ou inconscients du répondant ; réponses potentiellement différentes selon la relation sociologue/enquêté·e. ● Adapté pour : l’étude des représentations, des pratiques solitaires, des phénomènes diffus dans l’espace et le temps. ● Peu adapté pour : l’étude des pratiques peu réflexives voire inconscientes, des interactions entre plusieurs individus, des entités macro-sociologiques (approche par l’individu répondant). 6 L’entretien, une méthode souvent complémentaire à d’autres Peut-être plus que d’autres méthodes, l’enquête par entretiens se prête bien aux approches multi-méthodes : ● Avec l’observation : les deux sont souvent combinés dans les enquêtes ethnographiques. ● Avec le travail d’archives : on reconstitue un processus historique récent à partir de sources écrites et on interroge des acteurs contemporains à ce processus. ● Avec les enquêtes par questionnaires : on “approfondit” le questionnaire avec un sous-échantillon d’individus. Les données quantitatives permettent alors de contextualiser chaque entretien, voire d’avoir un raisonnement en termes de représentativité. 7 (2) Échantillonage et demande d’entretiens 8 Comment trouver des personnes pour effectuer des entretiens ? ● Comme pour toute constitution d’un échantillon d’études en sociologie (quelle que soit la méthode), il faut se poser deux questions : (1) quelle est ma population d’intérêt (l’ensemble des personnes sur lesquelles j’ambitionne de dire quelque chose) et (2) quel est l’échantillon que j’étudie pour tirer des enseignements sur cette population. → la représentativité statistique n’est pas forcément le seul critère pertinent (cas “extrêmes”, marginaux, complémentaires à d’autres études, etc) ● En pratique, la constitution de l’échantillon d’entretiens varie beaucoup selon les enquêtes : → dans une enquête ethnographique, on interroge les membres de son terrain (en tâchant d’identifier des acteurs clés) → dans une enquête par questionnaires et/ou en population générale, on peut utiliser des annuaires ou des registres administratifs → dans d’autres cas, on va faire un appel à entretiens auprès d’une population ciblée (par exemple sur des forums, via des associations, dans des entreprises…). 9 La demande d’entretien ● On veut maximiser les chances que la personne accepte. Dans cet ordre : a) Se présenter, se situer, donner son contact b) Présenter simplement le cadre de la demande et son intérêt (enquête de sociologie pour étudier X) c) Formuler la demande (“accepteriez-vous…”) d) Expliquer les modalités de l’entretien (pas comme un questionnaire, discussion libre, peut durer X heures, etc) Plus vous aurez réussi à créer une relation de sympathie avec la personne, plus elle aura de chances d’accepter (même en quelques minutes, même au téléphone, la phase de présentation est essentielle pour cela !) ●En cas de refus (ça arrive!) : il faut analyser le refus, à la fois pour améliorer ses prochaines demandes, ET SURTOUT pour comprendre quels types de personnes répondent ou non aux sollications des sociologues (cf. Séance 4, le biais du survivant). 10 (3) La grille d’entretiens 11 Qu’est-ce qu’une grille d’entretiens ? ●Il s’agit de la liste de questions que l’on souhaite poser aux enquêtés. ●Deux questions à se poser pour la construire : (1) quelles sont les questions sociologiques que je me pose ? (2) Comment les traduire en questions pour mon interlocutrice ? 12 Première étape – Fixer ses questions de recherche ●Il faut partir de sa problématique, identifier les grands thèmes qu’on souhaite aborder, puis les questions spécifiques qui s’inscrivent dans chaque thème. ●Attention aussi à prévoir des questions suffisamment ouvertes ou générales pour pouvoir capter des informations importantes auxquelles on n’a pas pensé (par exemple, il est souvent utile de demander aux enquêtés de résumer rapidement leur parcours professionnel ou familial). 13 Seconde étape – La “traduction” en questions à poser ● Plusieurs impératifs à respecter : → les termes des questions doivent être compréhensibles par les enquêtés (pas de langage savant ou technique, que des termes “ordinaires”) → ne pas mettre la réponse dans la question : pas d’implicite moral des questions, pas de questions affirmatives, pas de suggestions de réponse (“condamnez-vous ces violences ?”) → éviter l’imposition de problématique, i.e. poser à l’enquêtée des questions qu’elle-même ne se pose pas (e.g. “que pensez-vous de l’impact écologique de votre choix d’avoir des enfants ?”) → privilégier les questions factuelles (“qu’avez-vous fait ?”) aux questions hypothétiques (“qu’auriez-vous fait ?”), abstraites ou portant sur le ressenti et les opinions. ● Tous ces points ont le même objectif : éviter les “artefacts”, c’est-à-dire une réponse qui est créée par la demande de l’enquêtrice sans lien aucun avec les pratiques ou représentations de l’enquêtée. En général, les gens cherchent à bien faire et à contenter l’enquêtrice : ils s’efforceront donc de trouver des réponses même aux questions mal formulées ! C’est de là que proviennent les artefacts. 14 Seconde étape – La “traduction” en questions à poser ● L’ordre des questions compte aussi : → il doit être logique (les questions portant sur le même thème sont abordées à la suite) → il doit être flexible (si l’enquêtée commence à répondre à la question 3 avant la 2, ce n’est pas grave, on doit pouvoir suivre son raisonnement spontané) → les questions les plus théorisées ou problématisées, celles qui présentent le plus fort risque d’artefact, sont placées en fin d’entretien (pour ne pas affecter tout ce qui vient avant). → les questions gênantes ou difficiles viennent aussi à la fin. En commençant par des questions descriptives et simples, on met l’enquêtée en confiance et on l’incite à parler. 15 (4) La conduite de l’entretien 16 L’entretien semi-directif Forme d’entretien très majoritaire en sociologie (en général, “enquête par entretiens” veut implicitement dire “enquête par entretiens semi-directifs”) ➔“Directif” parce qu’on pose des questions et qu’on aborde les thèmes qui nous intéressent (!= entretien “libre”) ➔“Semi” parce qu’on laisse l’enquêtée répondre avec ses propres mots, mais aussi digresser ou aborder les sujets dans le désordre. 17 Un équilibre difficile à trouver ● Autant que possible, on veut essayer de ne pas perturber le déroulement spontané du raisonnement des enquêtés. S’ils passent d’une idée à l’autre sans logique apparente, il ne faut pas les interrompre : cela peut indiquer un lien pertinent pour eux qu’on ne percevra que plus tard, pendant l’analyse. (c’est pour ça que la grille doit être flexible) ● En même temps, on veut quand même aborder les sujets qui nous intéressent ; et lorsque certains enquêtés “résistent” à nos questionnements, c’est souvent qu’il se joue quelque chose d’intéressant que l’on veut explorer (cf. l’exemple de Mme de Lagontrie dans le texte de la semaine). ➔ Tout l’enjeu des techniques de relance est d’obtenir les réponses qui nous intéressent sans (trop) contredire ou bousculer l’enquêtée. 18 Les techniques de relance (1/2) Relance = une incitation à parler ou à approfondir. En pratique, les questions formelles de la grille d’entretien constituent une minorité des interventions de l’enquêtrice ; les relances sont les plus nombreuses (et suffisent souvent à aborder certaines questions qu’on n’a donc pas besoin de poser explicitement). 19 Les techniques de relance (2/2) 1) Les signes corporels : sourire, hochement de tête, marque d’attention… Ils sont permanents et essentiels pendant l’entreti,en. 2) Les demandes d’explication : “que voulez-vous dire par X ?”, “pouvez-vous m’expliquer ce qu’est X ?”. On peut aussi jouer la naïve (tant que ce n’est pas trop évident) : “je vois ce que voulez dire, mais je voudrais être sûr de bien uploads/Finance/ seance-8-diapo.pdf

  • 38
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jan 26, 2021
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.4237MB