L’Evaluation de la Contribution Productive des Investissements Publics∗ Pierre-
L’Evaluation de la Contribution Productive des Investissements Publics∗ Pierre-Yves HENIN et Christophe HURLIN (Version Révisée) Mai 1999 Abstract INTRODUCTION Paradoxalement, la prise de conscience par les économistes d’une dimension productive de l’investissement public est un phénomène récent, tant a été forte l’influence keynésienne qui réduisait cette variable à un ”multiplicande”, objet privilégié du jeu du multiplicateur et instrument par excellence de contrôle de la demande globale. Face à la nécessité aujour- d’hui, dans un contexte international de ”consolidation” budgétaire, de mieux mesurer le rendement social des différents types de dépenses publiques, c’est pourtant sur une évalu- ation de la contribution productive des dépenses d’investissement, et plus spécifiquement d’infrastructure, que doit s’appuyer le débat et se fonder les arbitrages incontournables. Oxley et Martin (1991) montrent ainsi que l’on peut dégager certains traits communs au niveau des pays de l’OCDE, dans la façon dont se sont effectués dans les années 70-80 les ajustements visant à contrôler l’augmentation des dépenses publiques. Les auteurs observent que certaines dépenses comme les paiements d’intérêts au titre de la dette ou les transferts de Sécurité Sociale ont fortement augmenté sur la période. Mais dans le même temps, les dépenses d’investissement on été fortement réduites. ”Dans la plupart des cas, on a fait face à l’alourdissement de ces dépenses par une réduction de l’investissement public, en sachant bien qu’il est politique- ment plus facile de réduire ou de différer les dépenses d’investissement que de couper dans les dépenses courantes. L’investissement public s’est contracté ou est resté stationnaire en proportion du PIB dans la quasi-totalité des pays. ” (Oxley et Martin 1991, page 176). On comprend en effet aisément que les dépenses d’investissement public puissent constituer une variable privilégiée d’ajustement budgétaire, étant donnée d’une part la possibilité de reporter ou d’annuler la programmation budgétaire de certains projets d’équipements et d’autre part les rigidités portant sur les autres composantes de dépenses. ∗Rapport de contrat finalisé 1996 pour le C.G.P. - Classification JEL : D24, E62, H54, 047 1 Or, ce n’est que relativement récemment que les économistes se sont intéressés aux conséquences macroéconomiques d’une telle évolution de la composition des dépenses publiques et ce sont sans doute les travaux d’Aschauer (1989) qui ont constitué l’impul- sion décisive au programme de recherche visant à évaluer la contribution productive des infrastructures publiques. Les résultats de ses études, attribuant à la réduction du rythme des investissements publics une part majeure du ralentissement de la productivité dans les années 70 et 80, ont en effet suscité une littérature abondante et multiforme, et en particulier une série de tests économétriques, aux méthodologies variées, progressivement étendues à des études comparatives. Plusieurs voies de recherche empiriques ont été successivement explorées dans le but de valider l’idée1 selon laquelle certaines infrastructures contribuent à améliorer l’efficacité du système productif et par là même augmentent la productivité des facteurs privés. A l’instar de ce qu’avait obtenu Aschauer (1989), on constate que l’estimation sur données agrégées d’une fonction de production élargie au stock de capital public conduit généralement à mettre en évidence une forte contribution productive des infrastructures publiques, pouvant même être supérieure à celle du capital privé. Cependant, les niveaux particulièrement élevés des rendements annuels ainsi estimés suggèrent la présence possible de différents biais. Plusieurs auteurs (Tatom 1991, Sturm et De Haan 1995) ont tout d’abord insisté sur les propriétés de non stationnarité stochastique des variables utilisées dans l’approche en termes de fonction de production. Se pose alors en particulier le problème de l’existence d’éventuelles relations de cointégration entre la production et les facteurs ou entre ces derniers. Lorsqu’il s’avère que la productivité totale des facteurs est non stationnaire, le recours à une spécification en différences premières de la fonction de production ne permet plus en général d’identifier une quelconque contribution productive du capital public. En revanche, lorsque les tests concluent à l’existence d’une relation de cointégration au niveau de la fonction de production, les élasticités estimées par les techniques appropriées demeurent relativement élevées. EN COURS... 1 L’approche en termes de fonctions de production La reconnaissance du rôle spécifique des infrastructures publiques passe par leur intro- duction dans la liste des facteurs de production. Il en résulte un élargissement du cadre des fonctions de production macroéconomiques, similaire à celui constitué dans les années 1970 par la prise en considération de l’énergie, afin de rendre compte des effets d’offre des chocs pétroliers. Ainsi, dès 1952, Meade2 identifiait deux principales représentations susceptibles de rendre compte d’une éventuelle contribution productive du capital pub- lic. Dans la première, qualifiée de modèle ”d’atmosphère”, les services induits par les infrastructures publiques sont supposées augmenter la productivité d’un ou plusieurs fac- teurs privés à la façon d’un facteur ”environemental”. Formellement, ceci revient à faire l’hypothèse que ces services peuvent être assimilés à une externalité productive au sens de Romer (1986). Dans le cas particulier où le capital public affecte de façon symétrique la 1Déjà présente dans Arrow et Kurz (1970). 2Cité dans Hulten et Schwab (1991b) et Berndt et Hansson (1992). 2 productivité de l’ensemble des facteurs privés, il peut être représenté comme une source de progrès technique neutre au sens de Hicks. En nous limitant à une production de valeur ajoutée, notée Y , la technologie de production peut alors être décrite par fonction définie des facteurs d’emploi N, de capital productif privé K et de capital public d’infrastructure dont la contribution sera notée e Kg. Y (t) = A k e Kg (t) , t l h [N (t) , K (t)] (1) où la fonction g (.) est de classe C2 [R2+], strictement croissante dans chacun de ses ar- guments, strictement quasi-concave et satisfait les conditions d’Inada. Dès lors, la pro- ductivité totale des facteurs privés (notée PTF par la suite) peut se décomposer en une composante autonome et une composante croissante de la contribution des infrastructures publiques. La seconde représentation proposée par Meade (1952), qualifiée de modèle de ”facteur impayé”, consiste à supposer que les services des infrastructures mises à la disposition de l’entreprise privée représentative, constituent un facteur de production direct, mais non rémunéré. On a alors une fonction de production définie par : Y (t) = A (t) f k N (t) , K (t) , e Kg (t) l (2) De plus, on peut envisager la possibilité que le capital public puisse affecter la pro- duction des deux manières, auquel cas la fonction de production s’écrit comme une com- binaison des équations (1) et (2). Dans l’approche de Meade (1952), les services productifs associés aux infrastructures mises à la disposition de l’entreprise privée représentative sont directement identifiés au stock de capital public. On raisonne ainsi sous l’hypothèse que ces équipements con- stituent un bien public pur au sens de Samuelson (1954), sans congestion ni éviction possible entre les utilisateurs, ce qui implique l’égalité e Kg = Kg. Cependant, si les infrastructures sont soumises à des effets de congestion, les services rendus à chaque utilisateur diminuent avec le nombre d’utilisateurs, ou, de manière équiv- alente, avec le volume des facteurs privés utilisés. Formellement, on pose alors que : e Kg,t = g (Kg,t, Kt, Nt) (3) où la fonction g (.) de classe C2 [R+] est une fonction strictement concave3 satisfaisant les conditions suivantes : gg = ∂g (.) ∂Kg,t > 0 gk = ∂g (.) ∂Kt ≤0 gn = ∂g (.) ∂Nt ≤0 et où g (.) est homogène de degré 1 en Kg. Cette hypothèse est nécessaire à l’égalisation des services au stock de capital public dans le cas où il n’existe pas d’effet de congestion. 3L’hypothèse de stricte concavité de la fonction g (x1, x2) garantit la concavité stricte de la fonction h (.) = f (x1, g (x1, x2)) dès lors que f (.) est elle même strictement concave. Cependant, il aurait été possible de relâcher cette hypothèse et d’étendre l’ensemble des fonctions g (.) aux fonctions faiblement convexes au sens où 0 < g11 < − f11 + f21g1 f2 3 Comme nous le verrons par la suite, la plupart des études empiriques proposant une es- timation de la contribution productive du capital public, adoptent une forme fonctionnelle de type Cobb Douglas. Dans ce cas, la distinction entre les modèles de facteur environ- nemental et de facteur impayé n’a plus lieu d’être étant donnée la forme multiplicative de la fonction de production. On pose Yt = At N α t Kβ t e Kγ g,t (4) avec (α, β, γ) ∈]0, 1[3 . Supposons que la fonction g (.) soit elle-aussi de type Cobb Dou- glas, avec e Kg,t = Kg,t Nα t Kβ t φ (5) et φ ∈R3+ tel que φγ < 1. Pour φ = 0, les effets de congestion sont nuls, les infrastructures publiques constituent un bien public pur. Dès lors, la fonction de production macroé- conomique définie par rapport aux quantités observables de facteurs tant privé que public est la suivante : Yt = At Nen t Kek t Keg g,t (6) où les élasticités de la production par rapport à l’emploi, au stock de capital privé et au uploads/Finance/ survey-public-capital.pdf
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- Publié le Aoû 01, 2022
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