Chap 10 – Inflation, déflation L’inflation se définit comme « la perte du pouvo

Chap 10 – Inflation, déflation L’inflation se définit comme « la perte du pouvoir d’achat de la monnaie matérialisée par une augmentation générale et durable des prix » (G. Olive, « Economie et statistique », revue de l’INSEE). On parle donc d’inflation dès lors que l’indice des prix à la consommation (IPC) augmente de manière soutenue, auto-entretenue et durable. La désinflation se définit comme le ralentissement de la hausse des prix. La déflation comme la baisse du niveau général des prix. Jusqu’au 19e siècle, l’inflation est principalement due à des guerres, ou à l’apport de métaux précieux : l’augmentation massive des dépenses militaires au 3e siècle dans l’Empire romain débouche sur de l’inflation, la « révolution des prix » au 16e siècle est due à l’apport de métaux précieux d’Amérique, la forte inflation en France à la fin du 18e siècle sous Napoléon est la conséquence de troubles révolutionnaires. Au 19e siècle, la tendance est à la stabilité des prix, avec toutefois des phases d’alternance de hausse et de baisse des prix comme le soulignera Kondratiev. Le 20e siècle est par contraste le siècle de l’inflation, et le 21e siècle celui de la « grande modération » (Stock et Watson, 2002). I- L’inflation : A) Les quatre approches de l’inflation : -L’explication monétaire de l’inflation est inaugurée par le raisonnement quantitativiste de J. Bodin (1568), qui fait de la hausse des prix la conséquence de la hausse de la quantité de métal précieux. Ricardo reprendra cette idée pour défendre la Currency School dont les idées donneront naissance au système de l’étalon-or. Les néoclassiques reprendront ensuite cette idée ; c’est d’abord I. Fisher, dans Le pouvoir d’achat de la monnaie (1911) qui écrit l’équation quantitative de la monnaie (MV=PT) qui établit qu’inflation et déflation sont déterminées par les variations de la masse monétaire ; puis A-C Pigou, qui présente l’équation de Cambridge (M D=k . PY) dans The Value of Money (1917) pour expliquer l’inflation : si la masse monétaire augmente, l’encaisse effective des agents est supérieure à l’encaisse désirée, ils vont accroitre leur demande pour consommer le supplément, et comme l’offre est rigide à court terme, cela débouche sur une hausse générale des prix (« effet Pigou »). M. Friedman (1968) fera ensuite de l’inflation la conséquence d’une offre de monnaie trop supérieure à la croissance du PIB. -L’inflation par la demande est développée par Keynes dans La Réforme monétaire (1923) : l’inflation apparait en situation de plein emploi (facteurs de production pleinement utilisés), lorsque l’offre est insuffisamment élastique par rapport à la demande. C’est l’idée de gap inflationniste que développeront les keynésiens à titre posthume. -L’inflation par les coûts est développée par les néocambridgiens et en particulier Kaldor dans The Scourge of Monetarism (1986) qui met en évidence la « boucle prix-salaires » : salariés et capitalistes luttent en permanence pour le partage de la valeur ajoutée, les syndicats parviennent à obtenir une hausse des salaires, donc les capitalistes la répercute sur les prix, etc. L’inflation par les coûts salariaux peut également résulter d’une augmentation de la fiscalité : si le taux d’imposition augmente et que l’effet substitution l’emporte, l’offre de travail diminue ce qui conduit au niveau global à une augmentation du coût du travail, ce qui peut inciter l’entrepreneur à augmenter ses prix. Cela peut également être dû à une augmentation des coûts de production, après un choc d’offre venant de l’extérieur qui aboutit à une inflation importée et qui débouche sur une augmentation des prix des entrepreneurs ; ou encore à une dévaluation, qui conduit à une augmentation du prix des importations, là encore répercutées sur le prix des produits nationaux. Enfin, cela peut-être dû à un différentiel de productivité entre les secteurs, qui débouche sur une égalisation des hausses de salaire alors même que le secteur tertiaire ne génère pas de gains de productivité (effet Balassa-Samuelson, 1964 et modèle de Baumol, 1967). -L’approche régulationniste fait enfin de l’inflation un phénomène caractéristique d’une certaine étape du capitalisme. Le passage à un capitalisme oligopolistique a permis aux entreprises d’être bcp plus price makers, contrôlant les prix et le marché en général via la technostructure dans le cadre de la filière inversée (J-K Galbraith, Le Nouvel Etat industriel, 1967). Pour L’Ecole de la régulation, l’inflation fut un des éléments de la régulation monopoliste : le rapport salarial fordiste consacre l’indexation des salaires sur la croissance, et débouche sur une inflation rampante car tous les secteurs n’ont pas la même productivité (Baumol) ; on entre dans une économie d’endettement via l’accès simplifié au crédit. B) L’inflation, solution ou mal ? -D’un côté, l’inflation peut soutenir la croissance. En effet, la création monétaire permet de réduire les taux d’intérêt réels ; à ce moment-là, la rentabilité financière devient supérieure à la rentabilité économique, il est alors intéressant de passer par l’emprunt de capitaux car le fardeau de la dette est allégé : c’est « l’effet de levier » d’endettement (mis en évidence à l’origine par K. Wicksell, Intérêt et prix, 1898). C’est une « inflation créatrice » (A. Meister, 1975) qui a accompagné les Trente Glorieuses puisque les banques accordaient facilement des crédits. De plus, P. Samuelson et R. Solow (1960) dans la reprise de la courbe de Phillips montreront que l’inflation est un moyen de combattre le chômage, inspirant ce faisant les politiques de stop and go des 1960s. [Courbe] En vertu de la théorie de la PPA, l’inflation affaiblit également le taux de change et s’apparente ce faisant à une dévaluation/dépréciation, ce qui dope les exportations. Elle peut également « faire changer la richesse de mains » (Keynes) en amputant d’autant le montant de la rente, et en en faisant bénéficier les emprunteurs comme les ménages via l’effet de levier d’endettement. L’Etat bénéficie aussi de la hausse des revenus car il voit ses revenus de l’impôt augmenter. -Mais d’un autre côté, l’inflation a plusieurs inconvénients. Elle créé de l’incertitude sur l’évolution future des prix, entrainant donc d’une part des primes de risque exigées des investisseurs, et de l’autre une confusion chez les agents économiques, qui ne savent plus distinguer changement relatifs et absolus des prix (« illusion monétaire », Friedman). Elle accroit également les coûts de transaction (« coûts d’usure des semelles », pour ne pas laisser se thésauriser des actifs non- rémunérées). Un différentiel d’inflation dégrade enfin la compétitivité-prix du pays qui le subit dans un contexte d’ouverture sur l’extérieur et de changes fixes, en vertu de la théorie de la PPA (Cassel), et ce peu importe l’affaiblissement du taux de change qu’elle suppose. D’ailleurs, si ce taux de change diminue trop à cause de l’inflation, il en résulte une fuite des capitaux. En outre, la confiance dans la monnaie s’amenuise, et la spéculation s’accroît. Enfin, à partir des 1970s, l’inflation ne résout plus le chômage et génère même des spirales inflationnistes si l’Etat continue à mettre en place le keynésianisme hydraulique (critique de Friedman, puis de la NMC). C) L’inflation au 20e siècle et ses différentes explications : Le financement de la Première Guerre mondiale, fait par emprunts d’Etat et création monétaire, débouche sur une inflation très élevée. Dans l’entre-deux guerres, la tendance est à la baisse des prix. L’inflation se refait jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En France, le financement monétaire de la guerre entraine un surcroit de revenu sans déboucher sur une hausse équivalente de la production car le pays connait une pénurie de main d’œuvre ; il y a donc inflation par la demande. Les guerres des 1950s (Corée, puis Vietnam) enclenchent l’inflation rampante. La régulation monopoliste entrainera une inflation structurelle de croissance tout au long des Trente Glorieuses : l’indexation des salaires (SMIG, SMIC) entraine l’augmentation des salaires nominaux (inflation par les coûts), l’économie d’endettement entraine une inflation monétaire (quantitativistes), alors que les marchés s’oligopolisent (Galbraith) et les firmes deviennent price makers. A cela s’ajoute des épisodes inflationnistes ponctuels : une inflation par la demande en France en 1963 en raison du retour des Français d’Algérie, une inflation par les coûts salariaux et de production en 1969 (conséquence des accords de Grenelle et la dévaluation du FF). Le choc pétrolier de 1973 entraine ensuite une inflation importée (inflation par les coûts de production) de même qu’une inflation par les coûts salariaux (ralentissement des gains de productivité mais salaires qui continuent d’augmenter, le partage de la valeur ajoutée se fait donc au profit des salariés au détriment des entrepreneurs dont le taux de marge diminue, ils réagissent donc en augmentant leurs prix : c’est la boucle prix-salaires, Kaldor), et enfin une inflation de productivité avec la tertiarisation de l’économie (Baumol). L’inflation devient alors « galopante ». II- La désinflation : -Exception faite du Japon, le premier choc pétrolier de 1973 fait entrer l’ensemble des PDEM dans la stagflation, ce qui inflige un coût dur à l’interprétation keynésienne de la courbe de Phillips. Une première critique sera formulée par E. Phelps (1967) puis M. Friedman (« The Role of Monetary Policy », 1968), qui montrèrent que la courbe de marche qu’à uploads/Finance/ synthe-se-chap-10.pdf

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  • Publié le Nov 17, 2022
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