Théorie de la propriété Pierre-Joseph Proudhon Remarque préliminaire Après avoi
Théorie de la propriété Pierre-Joseph Proudhon Remarque préliminaire Après avoir lancé son célèbre cri "La Propriété, c'est le vol" en 1840, Proudhon n'a pas cessé, tout au long de sa vie mouvementée, de repenser ce problème de la propriété qu'il considérait comme la clef du monde futur. Dans ses dernières années, après la révolution de 1848, les épreuves de la prison et de l'exil, il formule, en un court volume inachevé, ses ultimes réflexions sous le titre Théorie de la propriété. On y retrouve ses interrogations permanentes : comment échapper à la fois au capitalisme sauvage, créateur d'inégalités et d'exploitation, et au communisme, créateur d'oppression et de misère ? Comment lutter contre l'emprise de l'État prédateur, toujours menaçant pour les libertés des citoyens ? Il n'est pas de réponse simpliste à ces questions, mais il faut rechercher de meilleurs équilibres économiques et sociaux : le fédéralisme socio-économique, l'autogestion, le mutuellisme et un véritable droit économique peuvent réaliser l'anarchie positive, condition des libertés et de la justice. Avertissement au lecteur Dans la préface placée en tête dit livre de l'Art, nous avons pris l'engagement de dire au public en quel état se trouve le manuscrit de chacune des œuvres posthumes de Proudhon. Celui que nous publions aujourd'hui contenait deux notes ainsi conçues : I. "Avertir le lecteur de bien distinguer cette forme de posséder (la possession) que tout le monde, savants et ignorants, même des légistes, confond avec la PROPRIÉTÉ, donnant le nom de celle-ci à l'autre." II. "PROPRIÉTÉ. Donner une analyse exacte et ferme de toutes mes critiques" : "1er Mémoire (1840); "2e Mémoire (1841); "3e Mémoire (1842); "Création de l'ordre (1843) "Contradictions économiques (1846) ; "Le Peuple, etc. (1848- 1852) ; "De la Justice (1858); "De l'Impôt (1860); "De la Propriété littéraire (1862)." Proudhon ne voulait pis faire paraître, sa Théorie de la Propriété, bien qu'elle fût prête, dès 1862, ainsi qu'il l'annonçait, dans ses Majorats littéraires, avant que le programme tracé dans les deux notes précédentes, et surtout dans la seconde, fût rempli. L'auteur n'ayant pas eu le temps de faire lui-même ce travail, nous avons cru, dans l'intérêt de si mémoire, qu'il nous incombait de le suppléer. il s'agissait principalement pour lui de montrer que ses idées sur la propriété s'étaient développées suivant une série rationnelle dont le dernier terme avait toujours son point de départ dans le terme précédent, et que sa conclusion actuelle n'a rien de contradictoire avec ses prémisses. Ce résumé forme les soixante-deux premières pages de l'Introduction. Nous y avons pris la forme Je, comme si Proudhon parlait lui-même : 1º parce que l'idée de cette analyse lui appartient; 2º parce que ce travail tracé d'avance ne, constitue pas de notre part une production personnelle, originale; 3º parce qu'il se compose en grande partie de citations textuelles de l'auteur; 4º parce que nous y avons intercalé quelques-unes de ses notes inédites; 5º enfin parce que, dans les dernières ages du chapitre, Proudhon prend la parole comme s'il avait fait lui-même ce résumé. Le lecteur ainsi averti, nous n'avons pas hésité a citer, à l'appui des idées de l'auteur, un fait judiciaire qui s'est passé depuis sa mort, et qui a inspiré à .M. Eugène Paignon un de ses meilleurs articles (voir Introduction, page 10). Dans le reste de l'ouvrage nous n'avons fait, comme dans le livre de l'Art, que de l'agencement, de la mise en ordre ; choisissant, entre plusieurs expressions d'une même idée, la plus lucide, la plus complète ; reportant aux chapitres qu'elles concernent les notes éparses, complémentaires, explicatives, dont la place était naturellement indiquée par leur contenu. Ajoutons enfin que les divisions par chapitres n'étaient pas faites, mais que les titres se trouvent tout entiers en forme de sommaire à la première page dit manuscrit. J. A. LANGLOIS, F.G. BERGMANN. G. DUCHÊNE F. DELHASSE. Chapitre I Introduction § 1er - Des diverses acceptions du mot propriété J'ai promis en 1840, j'ai renouvelé ma promesse en 1846, de donner une solution du problème de propriété; je tiens parole aujourd'hui. A mon tour de la défendre, cette propriété, non contre les phalanstériens, les communistes et les partageux, qui ne sont plus, mais contre ceux qui l'ont sauvée en juin 1848, en juin 1849, en mai 1850, en décembre 1851, et qui la perdent depuis. La propriété, question formidable par les intérêts qu'elle met en jeu, les convoitises qu'elle éveille, les terreurs qu'elle fait naître. La propriété, mot terrible par les nombreuses acceptions que notre langue lui attribue, les équivoques qu'il permet, les amphigouris qu'il tolère. Quel homme, soit ignorance, soit mauvaise foi, m'a jamais suivi sur le terrain même où je l'appelais ? Que faire, qu'espérer, lorsque je vois des juristes, des professeurs de droit, des lauréats de l'institut, confondre la PROPRIÉTÉ avec toutes les formes de la possession, loyer, fermage, emphytéose, usufruit, jouissance des choses qui se consomment par l'usage? - Quoi, dit l'un, je ne serais pas propriétaire de mon mobilier, de mon paletot, de mon chapeau, que j'ai bien et dûment payés! - On me contesterait, dit l'autre, la propriété de mon salaire, que j'ai gagné à la sueur de mon front ! - J'invente une machine, crie celui-ci; j'y ai mis vingt ans d'études, de recherches et d'essais, et l'on me prendrait, on nie volerait ma découverte ! - J'ai, reprend celui-là, produit un livre, fruit de longues et patientes méditations ; j'y ai mis mon style, mes idées, mon âme, ce qu'il y a de plus personnel dans l'homme, et je n'aurais pas droit à une rémunération ! C'est aux logiciens de cette force que, poussant jusqu'à l'absurde la confusion des divers sens dit mot propriété, je répondais, en 1863, d'ans mes Majorats littéraires : "Ce mot est sujet à des acceptions fort différentes) et ce serait raisonner d'une manière bouffonne que de passer, sans autre transition, d'une acception à l'autre, comme s'il s'agissait toujours de la chose. Que diriez-vous d'un physicien qui, ayant écrit un traité sur la lumière, étant propriétaire par conséquent de ce traité, prétendrait avoir acquis toutes les propriétés de la lumière, soutiendrait, que son corps d'opaque est devenu lumineux, rayonnant, transparent; qu'il parcourt soixante-dix mille lieues par seconde et jouit ainsi d'une sorte d'ubiquité ?... Au printemps, les pauvres paysannes vont au bois cueillir des fraises, qu'elles portent ensuite à la ville. Ces fraises sont leur produit, par conséquent, pour parler comme l'abbé Pluquet, leur propriété. Cela prouve-t-il que ces femmes soient propriétaires? Si on le disait, tout le monde croirait qu'elles sont propriétaires du bois d'où viennent les fraises. Hélas ! c'est juste le contraire qui est la vérité. Si ces marchandes de fraises étaient propriétaires, elles n'iraient pas au bois chercher le dessert des propriétaires elles le mangeraient elles-mêmes. " Cherchons encore, pour bien faire comprendre ma pensée et bannir toute équivoque, d'autres acceptions du mot propriété. L'article 554 du Code civil dit : "Le PROPRIÉTAIRE DU SOL qui a fait des constructions, plantations et ouvrages avec des matériaux qui ne lui appartenaient pas doit en payer la valeur; il peut aussi être condamné à des dommages-intérêts, s'il y a lieu. Mais le propriétaire des matériaux n'a pas te droit de les enlever. " Inversement l'article 555 dispose : "Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec ses matériaux, le propriétaire dit fonds a droit ou de les retenir ou d'obliger ce tiers a les enlever. - Si le propriétaire dit fonds demande la suppression des plantations et constructions, elle est aux frais de celui qui les a faites, sans aucune indemnité pour lui ; il peut même être condamné a des dommages-intérêts, s'il y a lieu, pour le préjudice que peut avoir éprouvé le propriétaire du fonds. - Si le propriétaire préfère conserver ces constructions et plantations, il doit le remboursement des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, sans égard à la plus ou moins grande augmentation de valeur que le fonds a pu recevoir. " Bien que le législateur emploie le mot de propriétaire, qu'il s'agisse du fonds ou des matériaux, on voit que cependant les deux personnes ne sont pas sur le pied d'égalité. Le possesseur, simple usager, locataire, fermier, qui a planté, reboisé, drainé, irrigué peut être condamné à détruire de ses mains ses travaux d'aménagement, d'amendement, d'amélioration du sol, si mieux n'aime le propriétaire dit fonds lui rembourser ses matériaux et sa main-d'œuvre, s'attribuant gratuitement et intégralement la plus-value donnée à sa terre par le travail du colon. Ainsi réglé par les chapitres 1 et 2 du titre II, livre II, du Code civil sur le droit d'accession : "Tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire. " Les choses ne se passent pas autrement dans la pratique. Du temps immémorial, la Sologne, par exemple, était citée comme une contrée maudite, aride, sablonneuse, marécageuse, insalubre autant qu'infertile; des garennes, quelques étangs poissonneux, des landes, des ajoncs, de maigres pâtis pour les moutons, dont la dent ronge l'herbe jusqu'à la racine , de rares champs uploads/Finance/ theorie-de-la-propriete.pdf
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- Publié le Oct 27, 2022
- Catégorie Business / Finance
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