LA REVUE DU FINANCIER Supplément au n° 136 Théorie des écosystèmes & Corporate
LA REVUE DU FINANCIER Supplément au n° 136 Théorie des écosystèmes & Corporate Venture Capital (CVC) par BEN HAJ YOUSSEF Allala, Doctorant en Gestion et Jacky OUZIEL, Associé de Business-Models et Administrateur de la CNCEF (Chambre Nationale des Conseils Experts Financiers) - Revue du Financier, n° 136, novembre 2002, pp. 33-47. INTRODUCTION Dans un monde où les cycles de vie des produits se mesurent en mois et non plus en années et où la concurrence est de plus en plus rude, deux styles de direction coexistent : le style conservateur et le style créateur (novateur) de Start-up high tech. Les conservateurs passent l'essentiel de leur temps à baisser les coûts1, à chercher l’efficience, à spéculer en bourse, à vendre des activités en déclin, etc. Les novateurs, quant à eux, sont obsédés par la création de nouvelles richesses. Armés d’imagination, d’audace et de passion, ils innovent et développent continuellement de nouvelles applications techniques et/ou managériales. Les dirigeants créateurs inventent et imaginent en permanence de nouvelles pratiques de gestion pour améliorer la performance et la compétitivité de leurs entreprises en saisissant toutes les opportunités de l’environnement. Ainsi, ils ont inventé les écosystèmes d’affaires : un nouveau comportement de gestion basé sur les coalitions et les alliances. La concurrence prend alors de nouvelles formes, ce ne sont plus des entreprises seules mais des coalitions hétérogènes d’entreprises relevant de secteurs différents qui se livrent concurrence. Selon de nombreux spécialistes, nous passons d’une économie tournée vers le produit à une économie fondée sur la « relation », donnant ainsi plus de poids aux organisations en réseaux et aux stratégies d’alliances. Les entreprises cherchent de plus en plus à s’allier pour pouvoir faire face à la compétition. Parmi les stratégies d’alliances actuelles une nouvelle pratique stratégique est en train de percer : il s'agit du Corporate Venture Capital (CVC) qui se définit de la manière suivante : Processus d’investissement à risque, entrepris par des sociétés non financières, essentiellement industrielles ou/et de services high tech, qui se matérialise par des prises de participation plutôt minoritaires dans des entreprises prometteuses et innovantes. Ce concept permet souvent aux groupes de « s’ouvrir ainsi une fenêtre sur les technologies naissantes ». En France depuis quelques années, des grands groupes comme Vivendi, Dassault, PPR, France Télécom, Air liquide, Thales, Aventis, … investissent dans des petites entités, à l’image des professionnels du Capital Risque. Jacques Vallée, un des pères du Capital Risque en France, explique que les grands groupes apportent leurs expertises scientifiques, financières et juridiques ; en contrepartie, les Start-up apportent leurs innovations. Dans ce sens, T.M Collins & T.L Doorley (1992) précisent « qu’en prenant part au processus de Capital Risque, les multinationales peuvent gagner jusqu’à deux ans d’avance dans la découverte de nouvelles tendances du marché et d’opportunités technologiques nouvelles ». L’Américain Intel, numéro un mondial des microprocesseurs, constitue une référence. Il a investi, à la fin des années 90, dans plus de 150 Start-up pour un montant de l'ordre d'un milliard de dollars. 1 Pour illustrer notre propos, se référer à l'article à paraître prochainement dans la Revue du Financier "LES ACHATS DE BIENS ET SERVICES DANS L’ENTREPRISE : FER DE LANCE DE LA COMPÉTITIVITÉ" de Dominique Manchon et Jacky Ouziel. 2 Pour d'autres raisons (que le lecteur comprendra aisément), la C.I.A elle-même possède sa propre division de Capital Risque « In-Q-It » créée en 1999, avec pour objectif investir dans le secteur high-tech. La division a été pourvue par le congrès américain d’un budget de 28 millions de dollars prélevé sur l’enveloppe globale de la CIA. Il s'agit, selon nous d'un nouveau type d'acteurs, les "Government Venture", ponctuellement associés à des industriels de secteurs sensibles (Défense, informatique …), qui se développe de par le monde, pour les mêmes motifs, à savoir s'approprier des technologies essentielles (type cryptage/encodage sécurisés) et éviter qu'elles ne tombent dans les mains d'organisations maffieuses2. Le CVC a connu jusqu'en 2001 un grand succès auprès des grands groupes. C’est désormais un sérieux concurrent pour le Capital Risque "traditionnel"3. Il traduit l’effort des grandes entreprises en matière d’Entrepreneuriat et de création d’entreprises. En effet, les investissements des programmes américains de CVC sont passés de 1,7 billion de dollars en 1998 à 6,3 billions de dollars en 1999, ce montant a quelque peu stagné en 2000 avant de retrouver en 2001 un niveau sensiblement identique à 1998. Quid de l'exercice 2002 ? Les groupes les plus innovants de nos jours ne se contentent pas de développer de nouveaux projets à l’intérieur de l’organisation, leur croissance se base également dans le cadre d'un shopping plus large d’idées et d’opportunités. Dans une première partie, les auteurs décriront la théorie des écosystèmes d’affaires pour faire ressortir in fine ses liens avec le CVC. Ensuite en seconde partie, la pratique du CVC appelée aussi « participations minoritaires à risque » sera située par rapport à trois grandes catégories : les alliances technologiques, le Capital Risque et le Corporate Venturing. Ce positionnement permettra de mettre la pratique dans son contexte et d’assimiler ses caractéristiques et son étendu théorique. Puis, dans une troisième partie, une typologie récapitulative de la pratique sera proposée pour distinguer finalement deux grandes formules : le Direct CVC et l’Indirect CVC. Lors de notre quatrième partie, on évoquera les bénéfices potentiels du CVC pour la Grande Entreprise (GE), pour la PME et pour les Sociétés de Capital Risque (SCR). En dernier lieu, nous présenterons la conclusion et les apports de la recherche. Notre analyse permettra de sortir de l’ombre la pratique du CVC encore assez peu connue4 en Europe et dans le reste du monde. Cette forme d’alliance a (avait ?) pourtant fait ses preuves aux Etats-Unis jusqu'au début du XXIème Siècle. Une bonne mise en œuvre d’une telle pratique permet, en principe, aux différents partenaires de récolter des bénéfices considérables. 2 Ce thème en liaison avec les FIT (Fonds d’Investissements Territoriaux) et les FIP (Fonds d’Investissement de Proximité) fera l'objet d'une prochaine publication de Jacky Ouziel. 3 Le lecteur pourra, en cas d'intérêt pour ce thème, se reporter à l'article de Cyrille Mandou & Jacky Ouziel, paru dans le N°136 de la Revue du Financier à l'article " Le marché français des Start-up. Le financement en capital- risque et évolution conjoncturelle. Un état des lieux sur la période 2000-2001." 4 Cf. l'article de Jacky Ouziel publié dans le N° 122 de la Revue du Financier sur "Les nouveaux modes de Financement des Start-up". 3 I – LES ECOSYSTEMES D’AFFAIRES Les chercheurs en gestion imaginent régulièrement de nouveaux concepts pour mieux décrire les nouveaux comportements des entreprises. Ainsi, James Moore imagina le concept d’écosystèmes d’affaires (business ecosystem) pour permettre une nouvelle vision de l’univers économique. 1.1- Définition L’écosystème est à l’origine un terme utilisé par les Verts qui correspond au système écologique. Ainsi, « un système écologique est un système d’interactions entre les populations de différentes espèces dans un même site, et entre ces populations et le milieu physique » (S. Frontier, 1999). L’écosystème d’affaires est donc une métaphore qui assimile les interactions entre les entreprises à des interactions entre des éléments naturels et physiques. Les alliances, les partenariats, les accords de coopération, de commercialisation et de R & D, les franchises, les contrats de sous-traitance ou de co-traitance contribuent à faire émerger des méta-réseaux entre des entreprises appartenant à des secteurs variés. Ces réseaux ne correspondent ni au concept d’industrie, ni à celui de filière : ce sont les écosystèmes d’affaires. Les entreprises de l’écosystème s’affrontent et coopèrent à la fois, d’où le concept de "coopétition" illustrant le caractère paradoxal des interactions. Ces entreprises revêtent souvent une forte culture entrepreneuriale. L’écosystème d’affaires est défini par James Moore comme « une coalition hétérogène d’entreprises relevant de secteurs différents et formant une communauté stratégique d’intérêts ou de valeur structurée en réseau autour d’un leader qui arrive à imposer ou à faire partager sa conception commerciale ou son standard technologique ». L’écosystème d’affaires se forme le plus souvent suite à la convergence d’une grande variété d’industries qui se restructurent autour des technologies de l’information, de communication et de l’Internet pour atteindre un but commun. Exemple, l’écosystème d’affaires autour du standard technologique Windows de Microsoft. En matière de valorisation boursière les analystes n’observent plus l’entreprise comme unité séparée de son environnement, ils prennent de plus en plus en compte ses connexions et ses partenaires (autrement dit son écosystème) : c’est désormais autour de la notion de " relations " qu’on crée de la valeur (O. Torres-Blay, 2000). 1.2 – Caractéristiques des écosystèmes d’affaires Les écosystèmes d’affaires présentent cinq principales caractéristiques : - Ce sont des coalitions à forte culture partenariale et entrepreneuriale qui s’articulent souvent autour d’innovations majeures. Exemples d’innovations qui bouleversent les équilibres préétablis, le langage de programmation informatique Java et le standard technologique VHS pour les magnétoscopes. - La convergence entre secteurs très variés pour proposer de nouvelles offres aux consommateurs. Par exemple, le format MP3, nouveau standard de compression qui permet de télécharger de la musique, est le résultat de la convergence de l’industrie de la musique avec uploads/Finance/ theorie-des-ecosystemes-amp-corporate-venture-capital-cvc.pdf
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- Publié le Sep 02, 2022
- Catégorie Business / Finance
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