Du même auteur Le Rayonnement de la France Énergie nucléaire et identité nation
Du même auteur Le Rayonnement de la France Énergie nucléaire et identité nationale après la Seconde Guerre mondiale traduit par Guenièvre Callon La Découverte, 2004 Éditions Amsterdam, 2014 CE LIVRE EST PUBLIÉ DANS LA COLLECTION « L’UNIVERS HISTORIQUE » Conseiller éditorial : Patrick Boucheron Ouvrage publié avec le soutien de l’université du Michigan et de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales – IMM. Titre original : Being Nuclear. Africans and the Global Uranium Trade Éditeur original : The MIT Press © 2012 Massachusetts Institute of Technology ISBN original : 978-0-262-01726-8 ISBN 978-2-02-116602-6 © Éditions du Seuil, avril 2016, pour la traduction française www.seuil.com Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. TABLE DES MATIÈRES Du même auteur Copyright Chapitre I - Introduction - Le pouvoir des choses nucléaires L’exceptionnalisme nucléaire Être ou ne pas être nucléaire L’Afrique et la technologie Dans un registre (post)colonial Le commerce des choses nucléaires Protéger l’ordre nucléaire La vie (non)nucléaire des mines La vie nucléaire du radon L’Afrique et le monde nucléaire Première partie - Des marchés proliférants Prologue - Résistances marchandes Chapitre II - Projections impériales et dispositifs marchands Calculabilité et « marché de l’uranium » Cartographier « l’offre et la demande » Un prix pour l’uranium Prolifération des créateurs de marché Ordre, collusion, cartel La morale du marché Conclusion Prologue - La Françafrique Chapitre III - Le prix de la souveraineté Le Gabon : un lieu étrangement nucléaire Mettre un prix sur la nucléarité au Niger Le « prix africain » au Gabon La distribution de la souveraineté Conclusion Prologue - La souveraineté sur les ressources Chapitre IV - Enrichissement colonial Traiter le profit « Le contexte de l’Afrique du Sud » Rössing et la politique postcoloniale Conclusion Interlude - Zones frontalières Deuxième partie - Le travail nucléaire Prologue - Désert(ion)s nucléaires Chapitre V - Une histoire d’invisibilité Le radon et ses descendants Comment la nucléarité a modelé le recueil de données De l’insaisissabilité du radon en Afrique du Sud Les coûts du contrôle Épidémiologie contre dosimétrie : où placer le seuil maximal ? La mise en scène de la maîtrise dosimétrique La valeur (non)nucléaire de la vie Conclusion Prologue - Expatriés, ethnologie et ethnicité Chapitre VI - La nucléarité au travail Ambatomika, à Madagascar La mine de Mounana, au Gabon Des rayonnements naturels ou une nature irradiée ? Des revendications dispersées, ou les failles de la citoyenneté Conclusion Prologue - Mineurs migrants Chapitre VII - Expositions invisibles et corps irradiés La marginalisation de la nucléarité souterraine La toxicité, plus forte que la nucléarité Comptes et mécomptes de la contamination racialisée Rendre le radon visible Réglementer le nucléaire L’uranium en Namibie Nucléarité médicale et ontologie des maladies Un appel au monde nucléaire Conclusion Chapitre VIII - Conclusion - L’uranium en Afrique La nucléarité requiert du travail Le défi de la gouvernance Mettre un prix sur le boom de l’uranium Trigger lists, terrorisme et trafic Résidus radioactifs Appendice - Sources primaires, ou les (in)visibilités de l’histoire Notes Bibliographie Archives et autres sources primaires consultées Entretiens Entretiens téléphoniques Sources secondaires et sources primaires publiées Index Table et crédits des cartes, schémas et illustrations Chapitre I Chapitre II Chapitre III Chapitre IV Chapitre V Chapitre VI Chapitre VII Chapitre VIII Coordinateurs d’urgence en cas d’alerte aérienne portant des combinaisons de protection contre la radioactivité. Simulation de défense passive, Bonn, Allemagne, 1954. CHAPITRE I Introduction Le pouvoir des choses nucléaires Fin 2002, le président George W. Bush déclarait que le dictateur irakien Saddam Hussein avait « récemment cherché à se procurer une quantité significative d’uranium en Afrique ». La conclusion s’imposait : l’Irak prévoyait de se doter de l’arme nucléaire, et le monde se devait d’agir. Le scénario paraissait plausible. Après la guerre du Golfe de 1991, les inspecteurs de l’ONU avaient révélé l’existence d’un programme clandestin, et tout laissait penser que Saddam renouvellerait la tentative. C’est ce que Bush et ses conseillers suggéraient depuis des mois, distillant les preuves destinées à étayer l’accusation. Condoleeza Rice, alors conseillère à la Sécurité nationale, soulignait ainsi le fait que l’Irak avait importé des tubes d’aluminium, qui ne pouvaient qu’être destinés à un programme d’armement nucléaire. Les médias n’étaient que modérément sensibles aux preuves avancées par l’administration Bush. Dans les coulisses, de nombreux responsables des renseignements contestaient la pertinence de ces accusations 1. Les arguments des partisans d’une intervention militaire souffrant d’un certain discrédit, l’évocation de l’« uranium africain » était opportune. Les 500 tonnes d’« uranium du Niger » étaient plus à même d’effrayer les foules que de vulgaires « tubes d’aluminium ». Éludant les polémiques agitant les agences de renseignement, les autorités américaines affirmèrent que le gouvernement britannique avait apporté des preuves décisives. Plus besoin d’attendre des mois que les inspecteurs de l’ONU aient achevé de passer le pays au peigne fin pour démontrer la culpabilité de l’Irak. Comme l’avait fait valoir Rice, il serait regrettable qu’elle se manifeste par l’explosion de la première bombe irakienne. Début mars 2003, les experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) purent examiner le mince dossier concernant le fameux uranium prétendument acquis par l’Irak. Quelques heures leur suffirent pour arriver à la conclusion que les documents qu’il contenait étaient des faux – et des faux grossiers. Pourtant, il était déjà trop tard. Dans le débat public, l’« uranium africain » constituait déjà la preuve majeure à l’appui de la thèse selon laquelle l’Irak cherchait à se doter d’armes de destruction massive. Déjà des objectifs militaires avaient été fixés. Le 19 mars 2003, une coalition lança un assaut contre l’Irak. La recherche systématique menée après l’invasion ne put cependant fournir la moindre preuve du fait que l’Irak ait relancé sa production d’armes nucléaires ou acquis de l’uranium 2. Au cours des années qui suivirent, des intrigues complexes furent progressivement révélées. Les faux étaient arrivés aux États-Unis, selon une connexion restée obscure, par l’intermédiaire des services de renseignements italiens, lesquels les tenaient d’un ancien agent nommé Rocco Martino, qui disait quant à lui les avoir obtenus auprès d’une femme travaillant à l’ambassade du Niger à Rome. Martino avait travaillé pour les services français de renseignement (peut-être en tant qu’agent double) et aurait d’abord essayé de vendre aux Français les documents en question. Ses interlocuteurs français s’étaient immédiatement rendu compte qu’il s’agissait de faux, sans doute parce que l’un des documents était censé avoir été signé par un ministre des Affaires étrangères nigérien qui avait en réalité quitté son poste plus de dix ans avant la date du contrat. En dépit de ces révélations, le Premier ministre britannique Tony Blair continua à soutenir qu’il existait d’autres preuves de l’intention de Saddam de se procurer de l’uranium dans un autre pays d’Afrique, sans que les services britanniques aient jamais apporté le moindre élément à l’appui de cette affirmation. Des agents de la CIA mécontents avaient-ils cherché à piéger l’administration Bush en faisant circuler ces documents ? Ou des agents corrompus qui auraient eu des liens commerciaux avec des membres de l’opposition en Irak ? Les théories du complot fleurirent et la polémique enfla, faisant oublier la question majeure : celle de savoir si le président des États-Unis avait délibérément menti pour conduire la nation à la guerre. Ces polémiques obscurcirent également la signification de l’épisode quant aux relations nucléaires internationales. Revenons sur les aspects politiques et techniques des accusations de l’administration Bush. Les autorités américaines avaient déclaré à plusieurs reprises que l’Irak avait cherché à se procurer de l’uranium « auprès de l’Afrique ». Si Saddam avait été soupçonné d’avoir négocié avec le Kazakhstan, les Américains auraient-ils dit qu’il avait cherché à se procurer de l’uranium « auprès de l’Asie » ? Dans l’imaginaire occidental, l’Afrique reste le « continent noir », mystérieux et corrompu, le théâtre idéal pour des transactions clandestines sur le marché noir du nucléaire. Considérons ensuite le présupposé selon lequel l’acquisition d’uranium serait de toute évidence une preuve de l’existence d’un programme de production d’armes nucléaires. Pour être de qualité militaire, le minerai d’uranium doit d’abord être extrait, puis concentré (transformé en yellowcake), converti en hexafluorure d’uranium, enrichi et enfin comprimé pour pouvoir servir de combustible pour l’arme nucléaire. Le terme d’« uranium » est aussi peu défini sur le plan technologique que celui d’« Afrique » l’est au plan politique. L’épisode de l’uranium nigérien manifeste les ambiguïtés des expressions « nucléaire » et « État nucléaire ». Sur quels critères peut-on juger qu’un État est nucléaire ? Suffit-il que l’Iran ait un programme d’enrichissement de l’uranium pour prétendre être un « État nucléaire », comme l’a soutenu son président Mahmoud Ahmadinejad au début de l’année 2010 ? Ou les essais atomiques sont-ils le critère décisif, ce qui justifierait les déclarations d’Israël affirmant qu’il « ne sera pas » le premier pays nucléaire du Moyen-Orient ? Ces ambiguïtés ne doivent pas être considérées comme négligeables ; elles ne relèvent pas simplement de la mauvaise foi ou de délires grandiloquents. Ce serait une grave erreur que de les écarter trop vite. Production d’uranium (tonnes par an). C’est notamment le statut uploads/Finance/ uranium-africain-une-histoire-gabrielle-hecht.pdf
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- Publié le Jan 12, 2021
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