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Vers la fin de la presse papier jeu vidéo ? C eux qui suivent les affaires du petit monde de la presse vidéoludique savent que la société Yellow Media, détentrice de 80% des titres pc et consoles, a été placée en redressement judiciaire au mois d’Avril 2011. L’annonce avait fait l’effet d’une bombe avec, comme conséquence, l’arrêt à l’été des magazines Joypad et PSM3, deux victimes parmi tant d’autres des mutations d’un secteur à l’agonie. Et si Yellow Media a été sauvée par son rachat en Novembre dernier, la nouvelle entité aura la tâche difficile de relancer les ventes. Retour sur un effondrement Depuis 2003, les ventes de magazines de jeu vidéo n’ont cessé d’accuser des baisses annuelles de l’ordre de 10 % (15 % ces trois dernières années). Une chute constante que ni l’arrivée de Yellow Media (anciennement Futur), ni la disparition, en 2006, de son principal concurrent FJM n’auront réussie à freiner. Plus inquiétante encore fut l’incapacité des nouveaux éditeurs à imposer leur offre. Et la liste est longue des magazines lancés puis arrêtés, souvent moins d’un an après la première parution : Living Action Game, RPG magazine, GameFan, Game Geek, Background, Gaming, Cyber Stratège, Game Development Magazine (1 numéro), Ing@me (idem) ... Seuls IG, Role Playing Game et Amusement auront su résister malgré la fragilité de leurs ventes. Certains pourraient trouver des causes internes (qualité, concurrence) à ce mouvement baissier mais elles semblent discutables. Il est assez difficile, par exemple, de justifier la diminution des ventes par des raisons qualitatives sauf à croire à une médiocrité généralisée de la presse papier. Du reste, les anciennes publications (Consoles +, les officiels Playstation, Xbox 360 ou Nintendo) se sont également effondrées. Là encore, difficile d’imaginer une chute drastique de la qualité. Expliquerait-elle de manière convaincante la baisse d’un Jeu Vidéo Magazine passé de 180 000 exemplaires vendus en kiosque à la grande époque à 35 000 à peine aujourd’hui ? Probablement pas. En outre, il semble que la pérennisation d’IG et de Role Playing Game indique que l’expérience et la capacité financière de l’éditeur (trésorerie, budget communication, mutualisation) soient les deux conditions sine qua none à l’installation durable d’un titre (mais pas seulement puisque l’éditeur de Role Playing Game aura dû stopper la publication de son autre revue : Living Action Game). Finalement, l’expérience a prouvé que les publications émanant des grands groupes de presse avaient vocation à survivre tandis que la presse artisanale, plus indépendante, était vouée à l’échec. Mais le redressement judiciaire de Yellow Media, additionné aux ventes moyennes d’IG et de Role Playing Game, montrent que ces mêmes groupes ont dû mal à résister. La presse papier a beau se battre, le fait que la plupart des titres soient déficitaires rend son futur incertain. Et si seul, désormais, Jeu Vidéo Magazine dépasse les 10 000 exemplaires vendus, sachez qu’ils étaient une quinzaine à y parvenir... il y a 10 ans. Causes multiples Puisque la pluralité des lignes éditoriales (ton, style), des formats et des prix n’a pas permis d’installer ou de préserver la demande, les causes sont donc structurelles : le marché n’est plus viable. La piste générationnelle est alors à suivre pour dérouler le fil des explications. Car s’il est normal que les joueurs vieillissant abandonnent la lecture de la presse spécialisée (on pourrait toutefois avancer que la presse n’aura pas su mûrir pour garder cette cible), les jeunes générations doivent assurer le relai et perpétuer le roulement. Or ce n’est plus le cas ! De sorte que cette rupture explique, partiellement du moins, la disparition progressive du marché. Un fossé intergénérationnel qui se comprend à l’aune de l’apparition d’une nouvelle culture de masse : internet. En quelques années, son immédiateté, sa presque gratuité (un simple abonnement en échange d’un contenu quasi-universel) ont bouleversé les modèles existants. À mesure, les sites de jeux vidéo sont devenus les plus féroces concurrents de la presse magazine sur son cœur historique : l’information. Ce besoin perpétuel de renseignement, de flux tendus, serait fastidieux à détailler tant rentrent en compte les stratégies marketing des éditeurs, le modèle économique publicitaire, les excroissances communautaires (forums, blogs) ou encore la soif d’un lectorat devenu très largement consommateur d’informations (infommateurs). À cette consommation immédiate, peut-être faudrait-il ajouter un autre pendant : celui l’accessibilité. Car nous vivons dans un monde où tout doit être disponible sans effort et à moindre prix. Aller dans un kiosque, dépenser de l’argent, chercher l’information est décourageant par principe. Lire ? Internet propose des formats courts, avec de la vidéo, du podcast et des systèmes de mise en avant qui permettent de ne plus chercher l’information. Par un effet de miroir déformant, la lecture traditionnelle devient trop austère et nul ne s’étonne que la presse, comme le livre, s’enfonce toujours plus dans la crise. On pourrait évidemment citer d’autres causes, comme le désenchantement propre au jeu vidéo, la baisse du niveau scolaire des jeunes générations (le manque de goût pour la lecture) ou encore le pouvoir d’achat en baisse (ce qui reporte la consommation vers des secteurs jugés prioritaires ou consolide les ventes des 111 magazines pluri-médias qui traitent à la fois de jeu vidéo, de cinéma, de musique, etc.) : autant de causes qui permettent de comprendre les difficultés qui touchent le secteur de la presse, du livre et de l’impression. La question de l’indépendance Reste tout de même un point moins anecdotique qu’il n’y paraît, et peut-être plus spécifique à la presse jeu vidéo : celui de la collusion. Notre presse est en effet régulièrement mise en cause pour son manque d’indépendance vis-à-vis des éditeurs (dossiers de presse hyper sophistiqués, soirées pique- assiettes, voyages, cadeaux en tout genre, copinage avec les attachés de presse, interviews veules). Certaines affaires bruyantes, ou certains conflits d’intérêt évidents (comme être tour à tour journaliste puis animateur de soirée de lancement, ou travailler dans les relations presse d’un éditeur avant de devenir journaliste), ont continué à alimenter la défiance du lectorat. De même que la mise en scène permanente de l’information et cette idée grotesque de « journaliste militant » contribuent à enlever toute crédibilité à la presse spécialisée. Comme si une industrie - qui brasse des dizaines de milliards par an - avait besoin de journalistes pour la défendre (n’est-ce pas plutôt le rôle des associations ?). Or cette défiance se répercute différemment suivant que l’on paie ou non son information. L’exigence est naturellement (et malheureusement) moindre à l’égard d’un produit gratuit. De sorte qu’une mauvaise réputation a davantage de conséquence sur le modèle papier que sur le modèle internet. Après tout, un clic n’engage pas de dépense et la logique de la gratuité l’emporte. Évidemment, on pourra toujours dire que le papier traîne une réputation méritée mais le propos, sinon injuste, paraît du moins disproportionné. Car on ne compte plus les sites internet relativement populaires et pourtant dénués de toute éthique, où l’autocensure est une deuxième respiration, où la médiocrité des analyses se dispute à la paresse rédactionnelle. Comme on ne compte plus les sites qui se couchent devant les éditeurs, qui augmentent les notes de peur de perdre un budget publicitaire ou qui, sous couverts de blogs offerts à certaines équipes de développement, offre à un éditeur le moyen de faire sa propagande. Malheureusement, si l’absence (ou la présomption d’absence) de déontologie a des conséquences économiques pour la presse payante, celle gratuite n’en parait pas franchement victime. Les magazines subissent donc la double peine de souffrir d’une réputation propre au milieu de la presse (parfois même de l’incarner) et d’en subir seuls ses conséquences. Au final, et quelles que soient les causes (fossé générationnel, accessibilité, image), on ne peut qu’observer la disparition du marché papier de la presse spécialisée jeu vidéo. Combien d’années lui reste-t-il ? 3 ans ? 5 ans ? Si la presse PC survit déjà difficilement, certains magazines initient pourtant de nouvelles stratégies afin de stimuler leurs ventes. C’est le cas de Canard PC avec son supplément console offert et dont les ventes auraient bénéficié de cet ajout. Mais seul l’avenir dira s’il s’agit d’une réussite conjoncturelle (le supplément est sorti peu après l’arrêt de deux magazines consoles de Yellow Media) ou si les nouveaux lecteurs sauront rester fidèles. IG a, quant à lui, pris le parti d’augmenter le nombre de ses parutions en proposant des numéros spéciaux en plus de son bimestriel. C’est bien qu’Ankama croit encore un minimum dans le secteur. Et dans sa marque. Une remise en cause ? Enfin, il faut bien reconnaître que la profession est également responsable de son manque de considération. Au-delà de certains styles épouvantables, c’est surtout le manque de construction intellectuelle et de rigueur qui frappe. Il s’agit non pas d’analyse mais de rédaction. Tout est trop scolaire, trop formaté, trop superficiel, bourré de jugements simplistes et d’humour vaseux (on assiste à une ruquierisation de la presse où tout le monde essaye de se fendre d’un jeu de mot moisi). C’est ce qui explique sans doute l’espèce d’unanimité qui frappe la plupart des sites. La personnalité se uploads/Finance/ vers-la-fin-de-la-presse-papier-jeu-video.pdf

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  • Publié le Jui 10, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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