Langage et société Pour une approche relationnelle des interactions verbales et

Langage et société Pour une approche relationnelle des interactions verbales et des discours Robert Vion Citer ce document / Cite this document : Vion Robert. Pour une approche relationnelle des interactions verbales et des discours. In: Langage et société, n°87, 1999. Types, modes et genres de discours. pp. 95-114; doi : 10.3406/lsoc.1999.2855 http://www.persee.fr/doc/lsoc_0181-4095_1999_num_87_1_2855 Document généré le 01/06/2016 Abstract VION Robert - For a relational approach of verbal interactions and discourse. Discourse genres and typologies of verbal interactions pertain to the same realm of linguistic reality. A critical appraisal of the available classifications of discourse genres and of verbal interactions is justified both by the closeness of the phenomena involved and by the fact that the fulfillment of the agenda of any science requires a classification of the objects that fall within its scope. However, the categorization of given linguistic entities does not imply that these are to be analyzed as homogeneous and static events to be placed in the neat pigeonholes of classification. So, we present a relational approach of discourses and verbal interactions which emphasizes the activities of actors, and insists on the complexity, the heterogeneity and the dynamism of verbal productions. Résumé Genres de discours et types d'interactions verbales semblent relever d'un même ordre de réalité langagière. Une réflexion sur la typologie des genres et des interactions s'avère alors inévitable d'autant qu'une discipline qui ne procéderait pas à ce genre de catégorisation serait en deçà de la dimension classificatoire de toute science. Toutefois, l'adoption de concepts n'implique pas que les réalités langagières soient analysées comme étant homogènes et stables vis-à-vis des catégories recensées. Nous proposons ainsi une approche relationnelle des interactions verbales et des discours, fondée sur les activités co-conduites par les sujets, en mettant l'accent sur la complexité, l'hétérogénéité et le dynamisme des productions discursives. Pour une approche relationnelle des interactions verbales et des discours Robert V/on Université de Provence La notion de genre de discours, particulièrement délicate à utiliser, paraît pourtant incontournable si l'on veut éviter de renvoyer les productions discursives aux seules propriétés d'un code linguistique unique. Mais son utilisation exige d'abord de distinguer, dans l'exercice du langage, ce qui relève de la relation sociale et ce qui relève de la relation interlocutive. I - GENRE ET "RELATION SOCIALE" Si l'on veut traiter la notion de genre au degré de généralité qui s'impose, il convient d'abord de ne pas hésiter à étendre la notion au- delà de la production monologuée écrite. C'est ce que font certains auteurs : On tend plutôt à employer genres de discours pour des dispositifs de communication socio-historiquement définis : le fait divers, 1' editorial, la consultation médicale, l'interrogatoire policier, les petites annonces, la conférence universitaire, le rapport de stage, etc. (D. Maingueneau, 1996 : 44). D. Maingueneau considère que des "types d'interaction", comme la consultation, l'interrogatoire ou la conférence, sont à mettre sur le © Langage et société n° 86 - mars 1999 96 ROBERT VION même plan que des genres de discours comme l'éditorial, le fait divers ou les petites annonces. Si cette association est légitime, cela signifie que des concepts utilisés dans l'analyse des interactions verbales, comme "rapport de place", "contrat de parole" ou "relation sociale", devraient pouvoir servir à la définition des genres. Avec Bakhtine, l'accent avait été mis sur le caractère fondamentalement adressé de tout discours, fut-il monologué ou écrit, et sur le fait que « l'interaction verbale constitue ainsi la réalité fondamentale de la langue » (Bakhtine, 1977 : 136). De fait, on ne peut écrire un editorial sans imaginer l'ensemble composite du lectorat qui substantialise le rédacteur dans son rôle. Tout discours porte donc les traces de dialogues, plus ou moins explicites, avec des opinions et des partenaires potentiels, imaginaires ou réels. Prévenir une objection, flatter le lecteur, le prendre à témoin, l'interpeller, chercher à le convaincre ou le séduire, raconter ou décrire ne peuvent être que des activités fondamentalement interlocutives. Dans ces conditions, toute forme discursive repose sur la mise en œuvre d'un certain mode d'interlocution et d'un certain type de relation sociale. Le genre correspondrait à ce qui se joue au niveau le plus élevé dans les interactions verbales : le niveau de la définition générale de la situation et de ce que nous appelons le cadre interactif (R. Vion, 1995, 1999). Mettre un sujet en présence d'un message publicitaire, c'est lui proposer d'accepter sa place dans un contrat de parole déterminé qui lui confère une position particulière à l'intérieur d'un type de communication. Se mettre en situation d'être lecteur d'une œuvre romanesque revient à adopter un rapport de place, certes complexe, qui entraîne un positionnement particulier entraînant certaines attitudes et attentes chez ce lecteur. Être allocutaire dans un meeting politique ou lire une recette de cuisine revient à participer à des relations sociales plus ou moins spécifiques dans lesquelles cet allocutaire, tout en pouvant rester parfaitement anonyme, demeure l'un des termes obligés des relations ainsi contractées. Le genre serait donc le produit discursif d'une relation sociale déterminée. C'est d'ailleurs l'opinion de D. Maingueneau (1996 : 23) : « À chaque genre de discours est APPROCHE RELATIONNELLE DES INTERACTIONS ET DES DISCOURS 97 donc attaché un contrat spécifique. » Dans ces conditions, les avancées en matière de typologie des interactions verbales devraient pouvoir bénéficier aux analyses de discours. Les sous-genres Les linguistes admettent, aujourd'hui, qu'une interaction particulière a de fortes chances de relever de plusieurs types qui peuvent se succéder ou s'emboîter au sein d'une même interaction. Il faut donc penser, dans le même mouvement, la permanence du cadre et l'hétérogénéité du produit obtenu à l'intérieur de ce cadre. Autrement dit, la prolifération d'un genre en sous-genres, objection régulièrement avancée contre tout effort d'analyse typologique, ne devrait pas conduire à une invalidation de la notion de genre. Ainsi dans une consultation médicale, où le rapport de place médecin /malade caractérise le type général de l'interaction, interviennent, à titre subordonné, d'autre types d'interaction. Certains de ces "sous-types" (entretien, auscultation, prescription...) peuvent être présentés comme constitutifs de la consultation médicale. D'autres, comme le développement de moments conversationnels, présentent des probabilités d'apparition nettement plus faibles et ne peuvent, à proprement parler, être associés à l'actualisation du cadre "consultation". Il y aurait donc des sous-types relativement prévisibles alors que d'autres, davantage liés à l'activité des acteurs, manifesteraient leur part de liberté par rapport à des "scripts" ou "modèles d'action". Cette dimension du jeu des acteurs est manifeste aussi bien dans la gestion de ces sous-types aléatoires que dans les passages obligés correspondant aux sous-types constitutifs du cadre. Il arrive donc fréquemment que, vers la fin d'une consultation, le médecin initie une phase de conversation en s'enquérant de membres de la famille du patient, en l'interpellant sur son travail ou sur des activités dont il a connaissance, etc. Cette phase conversationnelle, au cours de laquelle les protagonistes occupent des positions symétriques, n'est ni autonome ni indépendante de la consultation proprement dite. Elle se déroule dans le cabinet médical et tant que le médecin n'a pas engagé l'échange de clôture, la consultation ne sera pas achevée. Nous avons donc coexistence et imbrication de deux types : un type domi- 98 ROBERT VION nant, la consultation, qui définit la relation sociale ainsi que le cadre de l'interaction et la conversation qui correspond à un type subordonné, développé de manière locale. Le même médecin aurait pu, en inversant le rapport expert / non expert, demander des conseils ou des informations à son patient dans un domaine où ce dernier est effectivement "expert", ouvrant ainsi une autre "consultation" à l'intérieur de la consultation médicale. Là encore, la non clôture de cette dernière oblige à concevoir une relation d'inclusion de ces deux types de consultation plutôt qu'une relation de successivité. Autre chose serait d'obtenir des conseils médicaux de la part d'un médecin dans des cadres distincts (dans des "interactions" différentes) comme la consultation médicale d'un côté et un échange conversationnel autonome de l'autre. Lors de conseils donnés pendant une conversation, le cadre est symétrique et l'interaction se déroule ailleurs que dans un cabinet médical ou dans un lieu institutionnel d'exercice de la médecine. Le rapport complémentaire expert-médecin /non expert-patient est alors subordonné au cadre symétrique de la conversation. Par ailleurs, le médecin n'occupe le rôle d'expert que dans l'exercice de ses fonctions de sorte qu'en interaction avec d'autres types d'experts (banquier, mécanicien, enseignant) il occupera, en dehors de la consultation médicale, la position "basse" du consultant. Par contre, si sa demande de conseil auprès d'autres experts a lieu lors d'une consultation médicale, il occupera simultanément la place d'expert médical (au sein d'un rapport de place qui définit le cadre) et la place de non-expert par un second rapport de place subordonné au premier. Il existe donc des types assumés de manière dominante, dont la permanence est fondamentale au niveau de la relation sociale, et des types gérés de manière subordonnée, dont l'importance est tout aussi manifeste même si leurs fonctions ne sont pas de même nature. Nous proposons d'utiliser le terme de module pour référer à l'existence locale de types subordonnés au uploads/Finance/ vion-la-interaccio-n.pdf

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  • Publié le Fev 18, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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