RAPPORT SUR L’HEBERGEMENT ET LA PRISE EN CHARGE FINANCIERE DES DEMANDEURS D’ASI

RAPPORT SUR L’HEBERGEMENT ET LA PRISE EN CHARGE FINANCIERE DES DEMANDEURS D’ASILE Établi par ALBAN HAUTIER Inspecteur des finances ARNAUD TEYSSIER Inspecteur général de l’administration CHRISTINE D’AUTUME Inspectrice générale des affaires sociales JEAN-PHILIPPE DE SAINT-MARTIN Inspecteur des finances JEAN-PIERRE BATTESTI Inspecteur général de l’administration Sous la supervision de LAURENT VACHEY Inspecteur général des finances FLORIAN VALAT Inspecteur de l’administration - AVRIL 2013 - Inspection générale des finances Inspection générale de l’Administration Inspection générale des affaires sociales N° 2013-M-004-01 N°13-028/12-123/01 N° RM 2013-067P Rapport -1- SYNTHESE Par lettre du 5 décembre 2012, le ministre de l’intérieur, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et le ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, en charge du budget, ont confié à l’inspection générale des finances, l’inspection générale de l’administration et l’inspection générale des affaires sociales une mission sur les dispositifs de prise en charge des demandeurs d’asile, hors centres d’accueil dédiés. Dans un contexte de forte augmentation de la demande d’asile, la mission avait pour premier objectif une évaluation approfondie de la gestion de l’allocation temporaire d’attente (ATA), assurée par Pôle emploi, ainsi qu’une analyse du dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, qui échappe désormais à toute régulation et révèle une porosité croissante entre les programmes 303 et 177. Ses travaux prennent pour partie le relais de plusieurs rapports déjà établis dans la période récente.  Si des économies budgétaires substantielles peuvent être obtenues à court terme s’agissant de l’ATA, par le redressement des pratiques de gestion, les marges sont quasiment nulles en ce qui concerne l’hébergement d’urgence Sur un échantillon de 753 bénéficiaires de l’ATA au mois d’octobre 2012, la mission a identifié 158 situations pour lesquelles des indus peuvent être fortement suspectés. Compte tenu de la taille de l’échantillon, la probabilité que le taux d’indu soit supérieur à 18 % sur l’ensemble des bénéficiaires de l’ATA est supérieure à 95 %, pour un montant de l’ordre de 25 à 30 M€. Ces indus semblent relever de quatre causes principales :  des remontées d’information et des transmissions parfois trop lentes des institutions compétentes (préfectures, ministère chargé de l’immigration, OFII, OFPRA) vers Pôle emploi, qui conduisent à des interruptions tardives de versement, voire à une absence d’interruption du versement de l’allocation ;  des saisies parfois incomplètes, par les institutions compétentes, de l’ensemble des informations dont Pôle emploi a besoin pour interrompre les droits à l’ATA ;  l’absence de normalisation des saisies d’information dans les différentes applications, qui compliquent les échanges de données ;  le caractère marginal de cette activité pour Pôle emploi, qui n’a pas su créer les conditions d’une bonne gestion de l’ATA. Des plans d’action doivent maintenant être définis et mis en œuvre tant pour faire rapidement diminuer le nombre des demandeurs d’asile qui perçoivent indument l’ATA – à travers principalement des croisements de fichiers – que pour éviter à l’avenir le versement d’indus – à travers principalement une normalisation des saisies et une évolution des systèmes d’information. A court terme, les perspectives d’économies sur l’hébergement d’urgence apparaissent beaucoup plus faibles : la demande de prise en charge est à organisation inchangée largement exogène et les marges de diminution des coûts unitaires sont faibles après les des efforts déjà réalisés au cours de la période récente. Rapport -2-  Au regard des constats qu’elle a réalisés, la mission a estimé que tout en répondant précisément aux deux questions posées, elle ne pouvait faire l’économie d’une analyse de l’ensemble du dispositif de demande d’asile, depuis le premier accueil et la délivrance des autorisations provisoires de séjour jusqu’à l’éloignement des personnes déboutées La situation du système de l’asile en France se caractérise à l’issue de l’année 2012 par :  un flux de demandes d’asile en très forte progression (+ 73 % depuis 2007). Cette augmentation constante des flux d’entrée ne concerne pas que la France mais semble désormais une tendance lourde pour notre pays ;  un stock de demandes d’asile et de recours non traités qui ne se résorbe pas ;  des délais d’instruction moyens des demandes d’asile élevés à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) - 6,1 mois - et à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) - près de 10 mois - qui conduisent à des durées complètes de procédures excessives (près de 20 mois pour une première demande suivie d’un recours) ;  une embolie du dispositif de prise en charge des demandeurs d’asile qui se répercute sur le dispositif généraliste faute de véritable point de sortie (faible nombre d’éloignements). Les préfets de région rencontrés formulent un diagnostic alarmiste. La rationalisation du premier accueil et de la gestion de l’hébergement, depuis trois ans, n’a pas permis de mettre en place une véritable coopération interdépartementale. Au contraire, on observe de fortes inégalités entre départements en termes de qualité de la prise en charge, en raison notamment du souci de ne pas être plus « attractif » que le territoire limitrophe. Le processus administratif de gestion des demandeurs d’asile est en lui-même tellement complexe, fait intervenir un si grand nombre d’acteurs, aux statuts tellement divers, qu’il ne semble réellement maîtrisé, au total, que par les principales associations gestionnaires qui sont au contact le plus quotidien des demandeurs d’asile aux différents stades du processus. En outre, faute d’outils de pilotage nationaux efficaces, notamment en matière de systèmes d’information, la situation des publics hébergés n’est qu’imparfaitement connue. Cette situation a deux conséquences majeures :  premièrement, d’une part, la longueur des délais de traitement de la demande d’asile est incitative pour les personnes qui l’utilisent à des fins d’immigration, notamment économique, la durée de séjour constituant un critère important pour d’éventuelles régularisations ultérieures ; d’autre part, elle rend difficile la mise en œuvre de mesures d’éloignement, notamment vis-à-vis des familles. Le système d’asile actuel produit ainsi mécaniquement de l’immigration irrégulière, par simple cumul de l’augmentation des flux d’entrée et du maintien sur le territoire de la plus grande partie, de l’ordre de 40 000 personnes, des demandeurs d’asile déboutés. Ce glissement contribue au développement de logiques de filière (effectivement détectées dans un certain nombre de départements) ;  deuxièmement, une faible qualité de prise en charge des demandeurs d’asile ayant vocation à accéder au statut de réfugié. Les délais de traitement élevés et l’embolie des dispositifs d’hébergement dégradent les conditions de prise en charge. Le système français de l’asile s’inscrit dans un cadre européen. Il doit se conformer aux exigences croissantes que les directives imposent en termes de garanties procédurales et de prise en charge. Pour autant, plusieurs pistes d’améliorations existent.  Les conditions de séjour offertes aux demandeurs d’asile doivent être rationalisées afin d’améliorer les conditions d’accueil et permettre un meilleur fonctionnement du service public Rapport -3- Une fois bénéficiaire d’un titre provisoire de séjour accordé dans sa région d’arrivée sur le territoire – titre délivré en moyenne en un mois mais parfois après plus de sept mois d’attente – le demandeur d’asile en procédure normale doit se présenter régulièrement en préfecture, dans le département où il réside pour en solliciter le renouvellement, sans que ces opérations représentent la moindre valeur ajoutée tant pour lui que pour les services de l’État. Aussi, la mission propose-t-elle de simplifier les conditions de délivrance des titres autorisant provisoirement le maintien sur le territoire français. Cet allègement des procédures trouverait sa contrepartie dans un dispositif national d’orientation des demandeurs d’asile, qui seraient dirigés vers un lieu de séjour déterminé par l’administration, de manière à mieux répartir les flux sur l’ensemble du territoire comme les directives européennes en ouvrent la possibilité pour les États d’accueil. Par ailleurs, la préservation de la procédure d’asile repose sur le respect des décisions définitives. A cet égard, l’effectivité de l’éloignement des personnes déboutées de leur demande d’asile constitue un élément clef de toute politique, sauf à voir les personnes concernées s’installer de manière irrégulière sur le territoire, le cas échéant dans le cadre d’un hébergement fourni par le dispositif généraliste du programme 177, dans l’attente d’une régularisation éventuelle. L’attribution d’une équivalence d’obligation de quitter le territoire français (OQTF) aux décisions définitives de rejet des demandes d’asile, pour autant que le demandeur n’ait pas acquis ou sollicité de droit au séjour dans le cadre d’une autre procédure, permettrait de concrétiser cette logique.  L’hébergement en centres d’accueil dédiés doit redevenir majoritaire Du fait de la stabilisation, depuis 2005, du nombre de places en centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) et de l’absence de réduction des délais de traitement, l’augmentation de la demande d’asile s’est traduite par une forte croissance des dépenses d’hébergement d’urgence sous leurs différentes formes, notamment hôtelières. Or l’hébergement d’urgence, couplé, pour les demandeurs d’asile majeurs, au bénéfice de l’ATA, n’est probablement pas plus économique que l’hébergement en CADA. Il crée en outre une situation de prise en charge à plusieurs vitesses, les demandeurs d’asile hébergés en CADA étant mieux accompagnés que les autres. Dans ces conditions, la mission estime que l’hébergement en centres d’accueil dédiés doit redevenir majoritaire pour uploads/Finance/13028-12123-01-demandeurs-d-x27-asile.pdf

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  • Publié le Jui 22, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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