25 Support de cours • Les entreprises coopératives • Édition 2014 3. Sociétés d
25 Support de cours • Les entreprises coopératives • Édition 2014 3. Sociétés de capitaux et entreprise coopérative Texte 15 Nouveaux enjeux coopératifs : délocalisation, capitaux externes, risque de démutualisation Nous avons présenté de façon formelle les diffé rences entre la société de capitaux et l’entreprise coopérative sous l’angle de la gouvernance et des rapports avec la société. Dans le fonctionnement quotidien des entreprises, ces différences ne sont pas toujours aussi nettes : les coopératives sont, comme les sociétés de capitaux, soumises à des pressions très fortes des marchés. Ces pressions contraignent les coopératives, et plus largement les entreprises d’économie sociale, à croître. Dans le cadre actuel de la mondialisation, la croissance des sociétés de capi taux passe fréquemment par la délocalisation (ou l’externalisation de certaines activités), par l’appel à des capitaux extérieurs (la cotation boursière en particulier) et/ou par la croissance externe (ou filialisation : création ou achat de filiales). Des coopé ratives sont, elles aussi, amenées dans certains cas à délocaliser des activités, à rémunérer des capitaux ou à filialiser. C’est particulièrement vrai dans le secteur bancaire et le secteur de l’agroalimentaire. Mettent- elles en péril leur statut coopératif pour autant ? Elles gardent généralement leur statut juridique, mais gardent-elle leur finalité de service économique et/ ou social, ou, au contraire, se tournent-elles plutôt vers une logique de rémunération financière comme les sociétés de capitaux ? La délocalisation Pour évaluer une délocalisation, il est nécessaire de répondre à la question suivante : pourquoi une entre prise délocalise-t-elle des activités ? Autrement dit, l’attention doit être portée sur le projet de l’entreprise. Si elle délocalise des activités, est-ce pour réduire ses coûts, et généralement de main d’œuvre, est-ce pour se rapprocher d’un marché, est-ce ce projet est concomitant de la fermeture de l’établissement initial ou contribue-t-il à maintenir une activité complé mentaire sur place, permet-il un essor économique dans un autre pays, de quelle nature est ce dévelop pement ? La délocalisation n’est pas la même selon qu’elle vise l’un ou l’autre de ces buts et elle prendra effectivement des formes très différentes. Sous cet angle, ce n’est pas la délocalisation en tant que telle qui constitue un problème mais la nature des rela tions et des échanges entre les territoires car elle peut contribuer à renforcer les inégalités comme elle peut, au contraire soutenir un développement aussi bien au Nord qu’au sud. La délocalisation renforce les inégalités lorsqu’une entreprise profite du bas niveau des salaires d’un pays sans chercher à améliorer ces salaires et conditions de travail ou qu’elle se contente d’y exploiter une richesse naturelle. Simultanément, elle fragilise le tissu industriel du pays d’origine, qui certes gagne en niveau de vie – les produits sont moins chers – mais perd en termes d’emplois dans la filière délocalisée. La délocalisation soutient le développement quand elle organise la complémentarité entre le Nord et le Sud, qu’elle permet une meilleure valorisation d’un savoir faire ou d’une ressource naturelle locale, qu’elle permet le maintien d’activités au Nord, qu’elle inter vient sur la qualité des emplois et de leur rémunération au Sud, etc. L’enjeu actuel du mouvement coopératif internatio nal réside essentiellement dans sa capacité à bâtir des filières de production, distribution et consomma tion équitables, que ce soit dans des filières artisa nales (secteur dans lequel le mouvement coopératif agit depuis plusieurs décennies, en Amérique Latine par exemple), les filières de production biologiques (qui sont en voie d’organisation) ou les filières agro- industrielles (comme le sucre et l’éthanol), bancaires, etc. L’atout majeur du mouvement coopératif réside sans aucun doute dans l’existence de coopératives partout dans le monde et dans un grand nombre de filières économiques. L’une de ses faiblesses ma jeures est sa difficulté à peser sur la définition des règles économiques et commerciales au niveau in ternational. Les capitaux extérieurs et la filialisation Le manque de capitaux constitue une faiblesse quasi-structurelle des coopératives que ce soit au moment de la création ou à celui du dévelop pement de l’entreprise. Ce manque de capitaux est l’une des raisons de la place extrêmement modeste qu’occupent les coopératives dans le secteur in dustriel où la disposition de capitaux importants est nécessaire pour réussir. Si les coopératives veulent ainsi se maintenir dans des secteurs très capitalistiques, comme l’agro-industrie, ou très concentrés, comme la banque ou l’assurance, si elles veulent se développer dans le secteur indus triel, elles doivent se donner les moyens de se ren forcer en capital. Là encore, ce n’est pas l’appel au capitaux qui constitue un problème au regard de la finalité des coopératives, mais la place que les coopératives réservent au pouvoir lié à la pro priété de capital et au-delà de cette place, le projet coopératif lui-même. Les banques coopératives françaises qui font appel au marché boursier, comme le Crédit Agricole, les Banques populaires ou la Caisse d’Epargne, n’octroient aux action naires de la coopérative qu’un pouvoir très limité 26 Support de cours • Les entreprises coopératives • Édition 2014 3. Sociétés de capitaux et entreprise coopérative qui ne menace pas le pouvoir des sociétaires. De même quand une coopérative agricole se dote d’une filiale qui a le statut juridique d’une société de capitaux, le pouvoir des sociétaires de la coo pérative n’est pas directement menacé. Mais il le devient si ces sociétaires se départissent de leur pouvoir et de leur responsabilité de définir un projet coopératif. L’absence de projet coopératif répondant à des besoins sociaux ou/et écono miques spécifiques, a pour conséquence de laisser l’entreprise répondre aux besoins qui paraissent les plus impérieux pour son avenir et dès lors qu’il existe des partenaires financiers extérieurs, ce sont les besoins financiers. Ainsi, dans les coopératives faisant appel au marché boursier ou à des capitaux externe à la coopérative, le risque lié à la faiblesse de la vie démocratique est le plus grand que dans les autres coopératives. De fait, il est fréquent dans les grandes coopératives que le pouvoir des sociétaires soit insuffisant pour qu’elles définissent des stratégies économiques originales qui per mettraient de les distinguer clairement de leurs concurrentes capitalistes. En même temps, cette raison ne suffit pas à les assimiler aux sociétés de capitaux. Elles gardent des caractères spécifiques, y compris au-delà de leur statut juridique. Ainsi, au niveau des services qu’elles rendent, les banques coopératives sont par exemple les seules à effec tuer de façon importante des placements éthiques. La démutualisation ou l’aboutissement de la banalisation Il existe enfin un cas précis où l’entreprise coopérative peut perdre l’essentiel de ses spécificités : lorsque les sociétaires eux-mêmes ne souhaitent mener qu’un projet financier équivalent à celui que concevraient des actionnaires. Dans ce cas, l’identité coopérative est directement mise en question par les stratégies de croissance. En Grande-Bretagne, au Québec, aux Etats-Unis, l’entreprise coopérative ou mutualiste peut se transformer aisément en société par actions. Le droit français rend ce processus, dit de « démutua lisation », plus complexe, si bien que l’on peut rester sous le statut coopératif ou mutualiste tout en perdant l’essentiel de l’identité coopérative ou mutualiste. La démutualisation est tout simplement la transformation d’une société coopérative ou mutualiste en société par actions. Lorsque des sociétaires abandonnent le pro jet qui a suscité la fondation initiale de leur coopérative ou leur mutuelle et poursuivent une logique essentiel lement financière, l’adoption d’un statut de société de capitaux leur devient favorable. A l’inverse, en tentant de répondre aux nouveaux besoins sociaux –liés à la lutte contre pauvreté et l’exclusion, au commerce équitable, à la préservation de l’environne ment, au développement durable, etc., les coopératives, les mutuelles et les associations innovent en s’appuyant sur leurs valeurs, renouvelant ainsi en permanence le projet de l’économie sociale. En résumé, l’innovation dont font preuve les coopératives, y compris dans des domaines qui sont nouveaux pour elles comme la délocalisation ou la nature des placements financiers, cette innovation est décisive pour que l’économie continue à répondre aux besoins sociaux essentiels de la société. Cette capacité d’innovation est elle-même liée à la qualité du projet économique et social de l’entreprise et de sa gouvernance coopérative. Ce projet et cette gouvernance se spécifient par leur caractère collectif et démocratique. C’est pourquoi on peut affirmer que l’avenir de l’économie sociale dépend largement de la capacité des coopératives à mettre en œuvre un projet collectif et une gouvernance démocratique. 32 Support de cours • Les entreprises coopératives • Édition 2014 5. Coopératives et développement des territoires 5. Coopératives et développement des territoires Texte 21 L’ancrage territorial des coopératives L’ancrage territoirial est fondamentalement humain Quand des habitants d’un territoire veulent susciter une activité économique, s’offrent à eux deux choix : l’entreprise individuelle (exploitant agricole, artisan, commerçant, profession libérale…) ou l’entreprise collective. Cette entreprise collective réunit soit des personnes physiques, comme une Scop, soit des per sonnes morales, lorsque des entrepreneurs individuels décident de former ensemble une coopérative : une coopérative agricole, une coopérative d’artisans, de commerçants. Groupement de personnes, la coopé rative est dans son principe même attaché au territoire dont elle est l’émanation. C’est le premier trait essentiel de la relation entre une uploads/Finance/c33-support-cours-draperi-p15-amp-21 1 .pdf
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- Publié le Jan 01, 2023
- Catégorie Business / Finance
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