Performance et typologie des fusions-acquisitions ■ Chapitre 3 41 © Dunod – Tou
Performance et typologie des fusions-acquisitions ■ Chapitre 3 41 © Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. Les opérations hostiles sont le plus souvent caractérisées par un fort effet de levier, c’est-à-dire par un recours extensif à l’endettement au détriment du financement par actions ou par de la trésorerie disponible. Les grandes OPA hostiles des années 1980 ont souvent été des opérations à très fort effet de levier, appelées Leverage Buy-Out (LBO). nn La réalité du phénomène Contrairement aux idées reçues dans ce domaine, le nombre d’opérations hostiles est très faible, que ce soit en France, aux États-Unis ou dans les autres pays concernés par ce phénomène. Durant la période 1976-1990, sur 35 000 opérations de fusions- acquisitions identifiées dans le monde, seules 364 peuvent être qualifiées d’hostiles (Jensen, 1992). La période faste des OPA hostiles se situe dans les années 1980, où des raiders comme Carl Icahn et T. Boone Pickens faisaient et défaisaient des empires à coup de LBO et de recentrages massifs. Or, durant cette période, sur le marché américain et pour les seules grandes sociétés cotées en Bourse, on ne dénombre que 14 % d’opérations hostiles (Andrade, Mitchell et Stafford, 2001). Ce phénomène ne doit cependant pas être sous-estimé car ses effets ne se font pas sentir uniquement en cas de réalisation. La seule menace d’une opération hostile peut suffire à provoquer de profonds changements dans la gestion et le management des entreprises concernées. Ainsi, si seulement 14 % des entreprises américaines ont réellement fait l’objet d’une opération hostile, près de 50 % d’entre elles ont été directement ou indirectement menacées par une OPA hostile (Mitchell et Mulherin, 1996). nn Les cibles des opérations hostiles Plusieurs études se sont penchées sur les caractéristiques des cibles d’opérations hostiles1. Les résultats obtenus montrent notamment que les cibles d’acquisitions hostiles sont souvent plus anciennes que la moyenne des sociétés, qu’elles semblent posséder un Q de Tobin2 inférieur à la moyenne et bénéficier d’une croissance moins rapide. Par opposition, les cibles d’opérations amicales sont plus jeunes et possèdent un Q de Tobin comparable à la moyenne de leur secteur. Enfin, les opérations hostiles sont moins fréquemment menées contre des cibles dont les dirigeants sont membres de la famille fondatrice de l’entreprise et/ou fortement associés au capital. Ces éléments semblent accréditer la thèse du contrôle par le marché, selon laquelle les opérations de croissance externe permettent d’exercer un contrôle sur les équipes dirigeantes en place et de les remplacer, si leur comportement et leur performance sont contraires aux intérêts des actionnaires. Dans cet esprit, on constate une rela- tion entre le taux de rotation des dirigeants et la probabilité de faire l’objet d’une OPA hostile. Plus le taux de rotation des dirigeants est élevé et plus la probabilité 1. Grand (1991), R.Morck, A. Shleifer et R.W. Vishny (1987). 2. Le Q de Tobin mesure le rapport entre la valeur de marché des actifs d’une entreprise et leur valeur de rem- placement. Plus la valeur Q est élevée, et plus la création de valeur pour l’actionnaire est importante. univ.scholarvox.com:Aivancity:2110641046:88871995:41.143.235.210:1671456494 Partie 1 ■ Enjeux et caractéristiques des fusions-acquisitions 42 de faire l’objet d’une OPA hostile diminue1. Les opérations hostiles sont ainsi souvent déterminées par une vision de discipline par le marché, visant à sanctionner des équipes dirigeantes non performantes et peu déterminées par une vision stratégique. Par ailleurs, on peut noter que les cibles d’opérations hostiles possèdent aussi, en moyenne, des caractéristiques spécifiques qui les rendent intéressantes en tant que cible. Elles sont en générales : – – en bonne santé financière ; – – faiblement endettées ; – – avec une forte capacité de remboursement. Ces caractéristiques sont assez bien adaptées à une opération à fort effet de levier, caractérisée par une augmentation soudaine de l’endettement et la mise sous pression de l’entreprise en vue de rembourser le nouvel endettement. Ces éléments sont cohérents avec la théorie du free cash flow. Selon cette théorie (Jensen, 1983), les entreprises qui évoluent dans des secteurs matures peuvent disposer de flux de trésorerie qui dépassent leurs opportunités d’investissements rentables. Dans ce cas de figure, les dirigeants peuvent être enclins à utiliser cet excédent de trésorerie soit pour réaliser des dépenses discrétionnaires à caractère somptuaire (construction de sièges sociaux importants…), soit pour se lancer dans des programmes de fusions-acquisitions non fondés sur une pertinence économique, au regard de leur activité de base. Dans cette hypothèse, une des solutions préconisées par Jensen est de mettre l’entreprise sous pression financière. Pour ce faire, il est possible d’utiliser les fonds en excès pour racheter des actions. En rachetant ses propres actions, l’entreprise redistribue massivement les fonds en excès à ses actionnaires. Le choix rachat d’actions/versement de dividendes renvoie à des considérations fiscales. Il donne également des signaux aux marchés financiers sur les intentions des dirigeants. L’autre possibilité est d’accroître l’endettement de manière importante, afin de créer une pression continue sous la forme de remboursements régu- liers. Selon Jensen (1993), les opérations hostiles des années 1980, financées par LBO, ont été particulièrement utiles à l’industrie américaine, en réalisant une substitution du capital par de la dette, en supprimant le free cash flow et en imposant à des conglomérats de se recentrer sur des compétences clés. 2.2 Les voies de développement associées Parmi les différentes typologies existantes pour qualifier des opérations de croissance externe, la typologie dominante est celle qui distingue les opérations de croissance externe horizontale, verticale, concentrique et conglomérale2. L’analyse de l’évolution du type d’opérations de croissance externe montre une prédominance très nette des opérations de croissance externe de type horizontal qui représentent entre 40 % et 70 % selon les périodes. Les opérations de croissance externe horizontale augmentent nette- ment au cours des dernières années pour représenter près des deux tiers des opérations 1. Il faut noter que ces résultats ont été obtenu dans un contexte particulier, concernant les grandes entreprises cotées. Il faut naturellement l’interpréter avec prudence en tant que résultat statistique. Il faut souligner que d’un point de vue qualitatif, la notion de stabilité organisationnelle est aussi associée à la création de valeur. 2. Cf. chapitre 5 pour le détail des stratégies associées à ces différentes opérations de croissance externe. univ.scholarvox.com:Aivancity:2110641046:88871995:41.143.235.210:1671456494 Performance et typologie des fusions-acquisitions ■ Chapitre 3 43 © Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. au cours de la période 1986-1990. À l’inverse, les opérations de type conglomérale qui représentaient près du quart des opérations de croissance externe à la fin des années 1960 ne représentent plus qu’un dixième de l’ensemble au cours des années 1990. Ce phénomène rejoint les constatations développées précédemment et s’inscrit dans la logique de remise en cause des conglomérats, tant sur le plan de la théorie financière que sur celui de la réalité des performances économiques constatées. Tableau 3.1 – Répartition des opérations de croissance externe en France Opérations 1966-1972 1973-1985 1986-1990 Horizontales 49 % 44 % 69 % Verticales 24 % 25 % 10 % Conglomérales 27 % 31 % 12 % Désengagement 9 % Source : Derhy (1995) Le tableau précédent permet par ailleurs de mettre en évidence un deuxième constat, corollaire du premier, à savoir la politique de recentrage des groupes. Cette politique se traduit par une forte augmentation des opérations de croissance externe horizontale et par l’augmentation fulgurante du nombre d’opérations de désengagement. Au cours de la période récente 1990-2000, cette tendance est confirmée, avec une prédominance des opérations de type horizontal. 2.3 Les modes de paiement privilégiés La nature du financement des opérations de croissance externe est une question récur- rente. Elle constitue un choix important d’une politique financière aux implications multiples, portant à la fois sur la performance globale de l’opération et sur la répartition du pouvoir entre les actionnaires de l’acquéreur et ceux de la cible. Les modes de financement possibles sont nombreux. On distingue traditionnellement trois grandes options possibles, le financement entièrement par liquidité, le finance- ment par actions et les financements mixtes (incluant toutes sortes de combinaisons, du fait notamment de l’utilisation de produits dérivés dans le montage de l’opération). Le choix du paiement par liquidité impose un choix de second ordre sur l’origine des fonds mobilisés qui peuvent provenir de l’autofinancement, d’une augmentation de l’endettement ou d’une émission nouvelle d’actions préalablement à l’opération. Dans le choix d’une politique financière, en matière de croissance externe, de nombreux critères entrent en considération1. Parmi les principaux, on retrouve le prix de l’action de l’acquéreur au moment de l’opération, la disponibilité en trésorerie de l’acheteur, la taille relative de la cible, la part de capital détenu par l’équipe dirigeante de l’acquéreur. 1. A.R. Salami et P.S. Sudarsanam, « Determinants of the choice of payment method in United Kingdom merg- ers and acquistions », Conférence AFFI, 1993. univ.scholarvox.com:Aivancity:2110641046:88871995:41.143.235.210:1671456494 Partie 1 ■ Enjeux et caractéristiques des fusions-acquisitions 44 Le prix de l’action de l’acquéreur au moment de l’opération Plus le prix de l’action de l’acquéreur est élevé, plus l’entreprise a intérêt à finan- cer des opérations de croissance externe avec des actions. À l’inverse, plus l’action est uploads/Finance/la-realite-du-phenomene-performance-et-typologie-des-fusions-acquisitions 1 .pdf
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- Publié le Aoû 16, 2022
- Catégorie Business / Finance
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